Rendez-vous était donné à 6h30 par « Mavadzani Environnement Culturel », association créée en 2019, comptant une cinquantaine d’adhérents, indique son président Ali Daoud Ben Ali. « Nous avons pensé que sur cette zone, il n’y avait pas assez d’arbre. Les jeunes qui jouent au foot ne peuvent pas s’abriter à l’ombre quand ils ont fini. Mais aussi, on ne pouvait pas les planter ailleurs, car il y a beaucoup de projets d’aménagement sur la commune, ils auraient été détruits ».
Il revient avec une partie des 50 arbres dans sa camionnette, badamiers, sakwa, pommiers Jacquot, agrumes, les arbres n’ont pas été choisi au hasard, « en plus de l’ombre, il fallait pouvoir en cueillir des fruits » Ils ne sont pas seuls à mener cette opération, deux autres associations ont répondu à l’appel. Niya djema wa Majikavo, spécialisée dans le shigoma (danse), « nous avons également l’environnement dans notre statut », et Ouvoimoja wa Massimoni, un quartier sur les hauteurs de Majikavo Dubaï, dont la présidente adjoint, Tahiata Mohamed, affiche une démarche d’insertion : « A Massimoni, il pourrait y avoir une bonne ambiance, mais des jeunes font des cambriolages, et mettent le bazar. Il y a des majeurs et des mineurs. Nous avons essayé de les faire venir dans l’association, mais ils disent ‘aucun intérêt’. Nous avons quand même monté cette association en 2022 où il y a maintenant 106 adhérents, pour civiliser les gens, leur montrer qu’il faut protéger les plantes, et qu’on ne peut pas jeter des déchets n’importe où. Il y en a des montagnes à côté de l’école, c’est horrible. » Elle déplore l’absence de poubelle sur le quartier, « alors que le camion peut monter jusqu’à la mosquée de Massimoni, on pourrait les déposer là ».
Des armes vertes
Ce qui n’est pas de nature à nous rassurer, c’est que Ousseni Mohamad, Chargé de la gestion urbaine de proximité au Service Aménagement de la mairie, se plaint lui aussi de fortes présence de déchets : « Il y a des montagnes de déchets amoncelés sur le plateau de Majikavo, à tel point que cela bloque une des entrées de l’école maternelle. Le SIDEVAM a répondu à notre appel en envoyant trois camions bennes, mais notre prestataire, les Transports Houmani Mdere, ne nous met à disposition qu’une mini pelle. De plus, l’interco Nord a pris un prestataire qui vient tous les samedis mais il est actuellement bloqué par les barrages. » Dégager une partie des déchets sur les hauteurs, c’est le deuxième objectif de cette journée après la plantation.
Les usagers de la route n’en revenaient pas ce samedi matin de voir en lieu et place des barrages montés par des jeunes cagoulés et armés de machettes, des adultes vêtus de blanc et rouge en fonction de la couleur de leur association, et armés de pelles et de sécateurs. Les arbres prenaient peu à peu leur place dans un environnement humide, le terrain de foot devant la prison étant sous le niveau de la mer. Même un représentant des 16 Brigades vertes de la commune, Ousseni Mohamadi, était présent : « Nous participons à cette action pour contrôler les zones déboisées, et à Longoni il y en a beaucoup, et celles où s’amoncèlent les déchets. » C’est-à-dire tout au long de la route, la mangrove en est remplie.
Remettre les habitants au cœur des actions sécuritaires
Se réapproprier l’environnement, c’est donc reprendre du terrain sur les zones abandonnées, et pas seulement aux déchets. Comme un répit pour les habitants qui ont vécu plusieurs mois de violence à cet endroit. L’occasion de faire le point avec le représentant de la mairie, et Ousseni Mohamed nous retrace l’historique de l’échec des actions de proximité, alors que la plupart des jeunes délinquants sont connus : « Il y avait en 2017 un Comité de vigilance très actif à Majikavo. Ils attrapaient les voleurs de téléphones et de chiens. Mais d’une part, comme beaucoup n’avaient pas de papiers, ils étaient renvoyés aux Comores, d’autre part, quand ils remettaient les jeunes à la gendarmerie, qui les envoyait devant la justice, ils étaient aussitôt relâchés, et se vengeaient sur ceux qui les avaient arrêtés. Ils ont alors décidé de mettre une petite claque à ces jeunes quand ils les attrapaient, mais ce sont les habitants du coup qui se faisaient attraper et menotter par la gendarmerie ». On sait qu’il s’agissait souvent d’une punition plus marquée qu’une « petite claque », mais le résultat est le même, « après plusieurs actes de représailles de la part des jeunes, ils ont arrêté, il n’y a plus de Comité de vigilance. » Et pourtant, la détermination serait intacte, « les gens sont prêts à attraper ces jeunes, mais comment faire ? ».
Une collaboration entre les forces de l’ordre et ces associations qui sont une mine de renseignements, sonne comme une évidence. C’est notamment ce que le sénateur Thani Mohamed Soilihi a fait passer comme message au directeur général de la Police nationale jeudi dernier.
Les quelques jeunes présents ce samedi ont une mission non avouée de messagers, « même s’ils ne s’adressent pas directement aux délinquants, cette action va se savoir, c’est pour cela aussi que j’ai demandé qu’il y ait plusieurs associations. Et à la fin de la journée, nous allons discuter avec les adultes qui vont expliquer leurs actions à leurs enfants, ce qu’ils ont fait pour la commune. »
Les opérations vont se poursuivre, indique Ousseni Mohamad, « le financement de 6.000 euros débloqué par l’Intercommunalité est là pour ça, avec un bilan de l’action contrôlant les montants dépensés, ajouté à celui de l’opération de nettoyage menée sur les hauteurs. »
A côté de la mangrove, un petit agrume va tenter de se faire une place, avec des citrons qui auront une petite saveur marine.
Anne Perzo-Lafond