« Nous, Forces Vives, appelons à présent à lever les barrages afin de créer un climat propice aux futurs échanges avec Marie Guévenoux, ministre déléguée aux Outre-mer dont la venue a été annoncée pour le 26 février », déclare Safina Soula lors de la conférence de presse qu’elle et « ses fidèles » ont organisé à leur QG situé devant la préfecture de Grande-Terre. Face à la scission du mouvement survenue le week-end dernier, la leader initiale des Forces Vives a tenu à exposer ses arguments en faveur de la levée des barrages tout en affirmant « comprendre la colère légitime des barragistes ». « Si nous ne levons pas les barrages conformément à notre engagement, nous courrons le risque que le gouvernement se retourne contre nous. Nous risquons également qu’il pense que nous refusons de travailler avec lui pour améliorer les choses à Mayotte. Ne lui donnons pas raison sur ce point et laissons à présent nos élus prendre le relais. Si, à la date du 22 mai indiquée dans le courrier ministériel, une loi Mayotte satisfaisante n’est pas votée, alors seulement nous pourrons reprendre les barrages. Pour l’instant, nous avons besoin de travailler sur les premiers acquis sinon nous aurons fait tout cela pour rien ! », explique la présidente du collectif des citoyens 2018.
Cette conférence de presse a été l’occasion pour nous d’identifier plus clairement les partisans de la levée des barrages. Ainsi, à la longue table de fortune installée devant la préfecture de Grande-Terre étaient notamment assis Sylviane Amavie, dont les partisans ont cessé depuis le début de cette semaine le blocage des barges, Zaïdou Bamana, qui tient toujours le rôle de « consultant pour le collectif des citoyens 2018 », Saïd Mouhoudhoiri ainsi que la présidente du collectif des citoyens de Cavani par laquelle « tout a commencé » puisque le mouvement des Forces Vives est né à l’origine de la colère des habitants de Cavani contre le camp de demandeurs d’asile installé dans l’enceinte du stade.
« Le mouvement doit continuer, mais sous une autre forme »
« Tous les membres des Forces Vives appellent aux mêmes actions de la part du gouvernement. La scission actuelle vient seulement de la méthode. Bien sûr que nous allons demander au gouvernement l’état d’urgence sécuritaire, c’est une revendication que nous portons d’ailleurs depuis les émeutes qui se sont déroulées avant l’opération wambushu 1. Cependant, c’est une revendication qui doit être portée par nos élus. Le maire de Mamoudzou s’en charge d’ailleurs actuellement », poursuit Safina Soula qui explique que la priorité donnée à l’abrogation du titre de séjour territorialisé était un « choix stratégique ». « Cette abrogation est demandée depuis de nombreuses années par nos élus. Sans succès. Ne minimisons donc pas cette victoire ! », rappelle-t-elle. La leader du collectif 2018 déclare également que c’est aussi « une façon de rendre hommage aux mamans qui viennent manifester devant la préfecture depuis de nombreuses années pour obtenir des avancées sur la question de l’immigration clandestine ». En effet, le combat de Safina Soula et de ses partisans ne date pas d’hier puisque son collectif était déjà notamment à l’origine du mouvement de 2018.
Sylviane Amavie, leader du collectif de Petite-Terre, a quant à elle tenu à préciser plus en détail la raison de ce choix de priorité, avant l’état d’urgence sécuritaire. « Quand le titre de séjour territorialisé sera abrogé, le gouvernement sera obligé de développer Mayotte car ils auront peur que les migrants ne viennent à Paris. Car que cherchent tous ces migrants ? Une vie meilleure ! », a-t-elle expliqué en ajoutant que « tant que les habitants de Paris ne vivront pas ce qu’on vit, ils ne pourront pas comprendre ».
« L’état d’urgence sécuritaire n’est pas une baguette magique »
Zaïdou Bamana rappelle aussi qu’à l’origine les Forces Vives avaient prévu que les barrages ne durent que 2 semaines, pas plus. Saïd Mouhoudhoiri tient pour sa part à rappeler que « l’état d’urgence sécuritaire n’est pas une baguette magique contre la délinquance qui sévit sur l’île. C’est quelque-chose de transitoire et sommes-nous vraiment prêts à vivre sous un tel régime ? Sommes-nous prêts à voir débarquer l’armée dans nos rues et à voir nos libertés restreintes ? Il y a sûrement un autre moyen de faire revenir la sécurité à Mayotte. Qu’on ne s’y trompe pas : l’état d’urgence sécuritaire n’est pas l’alpha et l’oméga pour notre île ! ».
Les Forces Vives de la première heure ont conclu par un appel à retrouver l’unité au sein du mouvement. « Nous appelons les Mahorais à conserver leur unité, car c’est de cette manière que nous avons pu avoir une porte d’entrée pour négocier avec le gouvernement, il faut donc que nous poursuivions ainsi sans nous diviser », martèlent de concert Safina Soula et Sylviane Amavie. Il est vrai que l’adage « diviser pour mieux régner » est bien connu à Mayotte et beaucoup ne se sont pas privé de cette stratégie, pourtant éculée, pour éteindre les mouvements sociaux antérieurs…
Nora Godeau