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Mamoudzou

Mayotte en vigilance Violette Forte délinquance

Appuyée par plusieurs grandes voix, la population voit dans l’état d’urgence sécuritaire la solution pour venir à bout de la délinquance. Il faut dire que ni en 2015 lors de l’état d’urgence sécuritaire pour terrorisme, ni en 2020 pour le Covid, la menace n’avait été aussi sérieuse qu’avec ces bandes cagoulées qui s’en prennent à nos vies.  

Après la confirmation par un écrit de Gérald Darmanin de l’intention jusqu’au plus haut niveau de l’État de supprimer le droit du sol à Mayotte, accompagnée de la mesure phare des « Forces-vives-d’avant-scission », la suppression du titre de séjour à validité territoriale, une partie d’entre eux s’est aperçue que la sécurité avait été « mal traitée » dans ce mouvement parti comme une flèche contre l’immigration clandestine. C’était trop tard, la parole avait été donnée, certains l’oublient, et feignent même l’amnésie de leur déclaration à l’issue de la rencontre du dimanche 11 février dernier avec le ministre de l’Intérieur. Un accord verbal à l’insu de leur plein gré, en quelque sorte.

Une position de blocage créatrice d’injustices entre les agents du secteur public qui toucheront leurs traitements en fin de mois, contrairement aux salariés du privé. Et dont l’enjeu ne le justifie pas, le gouvernement ayant donné des gages de bienveillances – des « preuves d’amour » dirait G. Darmanin – sur l’ensemble des demandes portées jusqu’à présent.

Nous l’avons écrit dès le premier jour, la revendication aurait dû davantage porter  sur l’insécurité qui sacrifie notre quotidien, nous empêche de sortir en famille le soir, et va provoquer une grande vague de départs, là où, en proportion, on ne comptait jusqu’à présent que des vaguelettes. A moins d’une réponse forte, aussi forte du côté du gouvernement que les mesures de lutte contre le flux migratoire.

La population dit « stop! » à cette spirale infernale

Première question que nous avions posée dans notre interview exclusive à Elisabeth Borne lors de sa visite de Première ministre à Mayotte : avait-elle l’intention de déployer sur le département l’état d’urgence sécuritaire ? Parce qu’au mois de décembre 2023, ça bardait un peu partout, comme depuis environ dix ans. Avec une montée en puissance sans commune mesure des degrés de violence. Lorsqu’en 2011, des jeunes nous arrêtait sur des barrages dressés par leurs aînés, c’était pour demander un euro, des cigarettes, une sorte de vigilance jaune pour filer la métaphore météo. Aucun n’avait un chombo en main. Aujourd’hui, les deux mains sont occupées, et pas par un nécessaire à broder. Et les coups sont portés indifféremment contre une carrosserie ou les occupants des véhicules.

Laissé pour mort

Les jeunes sur les hauteurs de Koungou ce 16 février avant de descendre agresser les automobilistes (Photo: JDM)

Le mois dernier, l’enseignant de Dzoumogne a été laissé pour mort sur la chaussée entre Majikavo Koropa et Koungou, et sans l’intervention d’un voisin, il aurait été achevé, témoignage à l’appui. Bilan, une fracture du crâne avec enfoncement, il va quitter Mayotte après 14 d’exercice.

Un scooter s’est fait dépouiller lundi dernier à Majikavo toujours en pleine journée, y compris de son deux-roues. Les forces de l’ordre qui étaient à proximité, sont victimes elles-mêmes de violences croissantes. Une opération massive de gendarmerie devait être menée ce mardi après-midi, mais elle avait fuité, et face à la présence nombreuse des forces de l’ordre les jeunes ne se sont pas montrés.

La réponse de la Première ministre n’avait pas été à la hauteur de la gravité des évènements. C’était même la moindre des choses de convenir que « les Mahorais doivent être protégés comme les habitants de l’Hexagone », après quoi Elisabeth Borne évoquait des mesures préventives sur le plan scolaire : dispositif de sécurité renforcé des bus contre le caillassage, construction de 4 lycées et 7 collèges en cours de programmation ou de réalisation. Mais sans sortie valable pour les élèves démunis de papier, c’est l’impasse.

Si la population demande un état d’urgence sécuritaire, c’est qu’elle ne sait pas quoi proposer d’autres. Cela n’exonère pas de tentatives d’alternatives de la part d’habitants pour s’organiser sur la surveillance des quartiers, mais sur les axes routiers, les automobilistes continuent à être la proie des vandales, qui pillent maisons et magasins.

Péril imminent et atteinte grave à l’ordre public

Déploiement massif de gendarmes équipés d’un drone ce mardi à Koungou (Photo : JDM)

Sur ce plan, c’est encore une fois l’économiste et géographe Pascal Perri qui vient au secours des Mahorais. C’est lui qui, il y a quelques mois, rappelait à la nation que les Comores ne pouvaient pas être vues comme ce petit pays pauvre après avoir signé en décembre 2019 à Paris un plan de développement qui leur procurait près de 4 milliards d’euros de la part de bailleurs internationaux et d’acteurs privés. « Plus un centime d’euro aux Comores jusqu’à ce que ce pays tienne ses engagements », avait-il conclu.

Cette fois, c’est sous forme d’édito dans les Échos, qu’il titre « Mayotte : face au chaos, la nécessité de l’état d’urgence ». Il y souligne que « le territoire et la population française sont victimes directes ou indirectes d’atteintes grave à l’ordre public ».

Rappelons que l’état d’urgence sécuritaire avait été instauré en France à la suite des attentats de novembre 2015, et ce jusqu’en novembre 2017, et en 2020, pour faire face à la crise Covid. Décidé par décret en conseil des ministres, il peut être déclaré sur tout ou partie du territoire soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas de calamité publique (catastrophe naturelle d’une ampleur exceptionnelle). »

D’une durée initiale de 12 jours, l’état d’urgence peut être prolongé par le vote d’une loi votée par le Parlement. Ce régime d’exception permet de renforcer les pouvoirs des autorités civiles et de restreindre certaines libertés publiques ou individuelles.

« L’Etat d’urgence est à ce stade l’outil pertinent pour rétablir l’ordre et la sécurité sur l’archipel », juge encore l’économiste. Il évoque à terme des solutions politiques et diplomatiques – on pourrait rajouter « sociales » avec un accent mis sur la paternité – mais dans le contexte, « c’est l’urgence sécuritaire qui s’impose ».

Une demande qui doit être portée avec fermeté par les élus se faisant l’expression de la population, car pour reprendre les mots de la présidente du Medef local, « à Mayotte, on ne vit plus, on survit ».

Nous avons titré sur un comparatif des degrés d’alerte de Météo France. La vigilance Violette concerne celle d’un cyclone tropical intense. Juste avant, la couleur est rouge, avec les consignes suivantes : « Une vigilance absolue s’impose. Des phénomènes dangereux d’intensité exceptionnelle sont prévus. Tenez-vous régulièrement au courant de l’évolution de la situation et respectez impérativement les consignes de sécurité émises par les pouvoirs publics. » C’est exactement ce que font les habitants, mais, dans notre cas, les consignes de sécurité sont émises par les contacts des groupes WhatsApp. Quand le seront-elles par les pouvoirs publics comme pour les vigilances Météo ou Covid ?

Anne Perzo-Lafond

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