La bonne nouvelle est qu’aucun cas de choléra n’a pour l’instant été répertorié à Mayotte malgré les 83 déjà présents aux Comores ! La mauvaise est que Vibrio Cholerae, petit nom charmant de la bactérie responsable de la maladie, se transmet par les eaux sales et qu’avec la crise de l’eau que vit notre île en ce moment, une hygiène irréprochable des mains reste compliquée dans certaines zones. « Dès le début de cette crise, nous avions d’ailleurs anticipé l’apparition possible de maladies hydriques, nous sommes donc prêts en cas d’apparition de cas de choléra sur l’île », affirme Maxime Jean, le médecin coordinateur de l’ARS. Olivier Brahic, son directeur, promet d’ailleurs à la population mahoraise une « totale transparence sur le sujet ». « Si un cas est porté à notre connaissance, nous en avertirons immédiatement le public », déclare-t-il.
Au vu de l’accélération du nombre de cas aux Comores (82 sur Grande-Comore, 1 à Mohéli, aucun à Anjouan), les autorités de santé évoquent « un début d’épidémie ». « On note une recrudescence au niveau mondial de cette maladie avec notamment un doublement du nombre de cas entre 2021 et 2022. 44 pays sont concernés dont la Tanzanie, le Kenya, le Mozambique et la RDC. Le risque de voir l’épidémie se propager à Mayotte est donc réel », prévient Maxime Jean.
Deux piliers de prévention : le contrôle de l’eau et l’hygiène des mains
La bactérie Vibrio Cholerae se dissémine dans les selles des malades et peut rapidement contaminer l’eau. Les deux piliers de la prévention sont donc un contrôle soutenu de l’eau potable et une bonne hygiène des mains. « Nous avons demandé à la SMAE de continuer à doser le chlore à 0,3mg par litre comme cela a été mis en place au moment où les coupures d’eau se sont faites régulières », déclare Thierry Suquet, présent ce mardi à la conférence de presse. Une surveillance sanitaire accrue a également été mise en place sur les liaisons aériennes avec les Comores, la Tanzanie et le Kenya. « Des informations sont données à bord des avions et nous nous assurons de la traçabilité de tous les passagers jusqu’à 48h après leur arrivée à Mayotte », indique le directeur de l’ARS. « Les deux enjeux sont de mettre en place une veille sanitaire renforcée et d’interrompre la progression de l’épidémie », précise-t-il.
Concernant les arrivées irrégulières, des tests de présence de la bactérie et une prise en charge immédiate des malades est évidemment prévue. Mais quid des personnes porteuses de la bactérie non interceptées par la PAF ? Sur ce sujet, le préfet Thierry Suquet est resté plutôt évasif. Certes, un étranger en situation irrégulière malade ne manquera sans doute pas d’appeler les secours, mais Maxime Jean nous a bien signalé en début de conférence que « 80% des cas de choléra étaient asymptomatiques ». Une personne saine peut donc être porteuse de la bactérie et vectrice de contamination. En cas d’apparition prochaine d’un cas, l’ARS a d’ailleurs prévu la mise sous antibiotique systématique de tous les cas contacts. « L’objectif est de tuer la bactérie suffisamment vite pour qu’elle n’ait pas le temps de se développer et de contaminer d’autres personnes », explique le médecin coordinateur qui nous informe par ailleurs que les antibiotiques ne sont pas recommandés comme technique de soulagement des symptômes, sauf pour les cas très sévères.
La réhydratation : unique remède au choléra
Le principal symptôme du choléra est une diarrhée aigüe et fulgurante susceptible de déshydrater complètement le malade en quelques heures seulement, provoquant son décès. Des vomissements et de la fièvre peuvent accompagner cette diarrhée, mais ce n’est pas systématique. En cas d’apparition des symptômes, l’ingestion d’eau minérale n’est pas suffisante, il faut administrer au malade un cocktail de minéraux mélangé à de l’eau appelé « soluté de réhydratation ». A l’hôpital, cette dernière se fait via perfusion, mais l’ARS s’est assurée que toutes les pharmacies de l’île possèdent un stock suffisant de ces solutés en cas d’épidémie. « Il faut boire autant de litres de soluté que de litres qu’on perd par la diarrhée », explique le médecin de l’ARS.
Pour prévenir cette menace, la préfecture a renforcé l’accès à l’eau potable via des rampes d’eau et des citernes. La distribution journalière de bouteilles n’est prévue que jusqu’à la fin du mois de février, mais des bouteilles ont été stockées pour pouvoir être distribuées à la population passé ce délai en cas d’apparition de l’épidémie. 2 équipes « wash » coordonnées sont également prévues pour désinfecter à l’eau de javel les zones ou foyers contaminés.
Une politique de vaccination encore à définir
Si, dans les années 2000, une campagne de vaccination contre le choléra avait été faite à Mayotte suite à l’épidémie qui avait touché la région, ce ne sera peut-être pas le cas aujourd’hui. « Pour l’instant, les stocks de vaccins contre le choléra sont très limités au niveau mondial et la doctrine de vaccination n’est pas encore arrêtée », déclare le directeur de l’ARS. En effet, seules 1800 doses de vaccins sont actuellement disponibles pour Mayotte. « Dès qu’elle sera finalisée, nous vous informerons sur la doctrine de vaccination », assure Olivier Brahic.
Nora Godeau