Alors qu’un sondage CSA traduit un élan favorable y compris à gauche, en faveur de la suppression du droit du sol à Mayotte, dans un texte corédigé d’Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste et d’Olivier Nicolas, Secrétaire National aux Outre-mer, la mesure ne fait pas recette, « elle n’aura qu’une efficacité marginale dans la lutte contre l’immigration clandestine ». Ils s’expliquent en demandant qu’un bilan soit dressé auparavant sur le durcissement de l’accès à la nationalité à Mayotte datant de 2018 et des amendements du sénateur Thani Mohamed Soilihi, « S’il a fortement et logiquement réduit le nombre d’accès à la nationalité française (divisé par 3 en 2021 selon le ministère de l’Intérieur), il n’a eu aucun impact notable sur les flux d’arrivées d’étrangers à Mayotte. »
Une étude d’impact qu’a toujours réclamé le sénateur, et qui a donc partiellement eu lieu si l’on en croit ce chiffre de chute des naturalisations en 2021. Il faudrait avoir les données 2022 et 2023 pour conforter. Et savoir si ce frein somme toute spectaculaire, a eu un impact sur ces années qui suivent en matière de flux migratoire.
Les socialistes évoquent la suppression du droit du sol comme un « retour détestable aux droits différenciés de la nationalité ». Soulignons que depuis ce lundi, les chaines d’information nationale ont consacré au sujet de large plage de débat, dont un « C dans l’air » sur France 5 spécialement dédié à Mayotte, avec un constat : l’annonce de Gérald Darmanin a fait sauter un tabou, et les échanges allaient bon train sur les évolutions des droits du sol et du sang dans l’Histoire de France et leur utilisation comme un outil, tantôt politique, tantôt social, pour le pays.
Pour prévenir les entrées illégales en quête de mieux vivre, le PS ne préconise pas un programme révolutionnaire, mais « une politique ambitieuse de coopération et de co-développement dans la zone du canal du Mozambique et, en particulier, en direction des Comores où le manque de démocratie et un système de santé défaillant constituent les vraies motivations au départ. » Un message intéressant à délivrer à ceux qui prêchent pour un retour de Mayotte dans le giron comorien, où donc sévit « un manque de démocratie » et « un système de santé défaillant ».
A partir du moment où les mahorais ont donc fait un choix de plus de démocratie et de meilleurs soins, il faut trouver des solutions pour ces deux points d’attractivité. Car si on ne peut que suivre les deux dirigeants du PS quand ils demandent « une action déterminée de l’Etat pour améliorer les conditions de vie quotidienne dans les domaines de la lutte contre la pauvreté, l’éducation, l’aide sociale à l’enfance, l’insertion et de la formation professionnelle, avec des services publics d’eau et d’assainissement enfin dignes de la République », on ne peut décorréler cette demande d’un constat : la saturation des services publics suit la pente ascendante de leur amélioration. Il faut trouver comment stopper ce circuit infernal. Si seule l’amélioration du côté comorien peut pallier, on ne peut y apporter de force davantage de démocratie sans être taxé d’ingérence. L’aide avec contrepartie exigée par la France n’a pas encore montré de réussite.
Un département français pas comme les autres
La section régionale du Syndicat de la Magistrature va plus loin dans la critique en refusant de voir un lien, ne fut-ce qu’indirect, entre immigration et délinquance. Pourtant, c’est la critique majeure que l’on peut faire à la France de manière générale, celle de ne pas avoir accueilli justement, mais parqué les migrants dans des cités sans se soucier d’insertion et d’adhésion aux valeurs du pays. A Mayotte, on connait l’engrenage infernal : les anjouanaises qui arrivent donnent naissance à 75% des bébés enregistrés à la maternité (INSEE), se retrouvent comme mère isolée bientôt à la tête d’une famille très nombreuse qu’elles ne parviennent pas à nourrir, et ne sont pas regardantes lorsque ses enfants arrivent avec de l’argent ou un téléphone portable ou autre.
La section régionale du Syndicat de la magistrature rappelle que la France est un Etat de droit, et estime incohérente « l’hypothèse selon laquelle Mayotte serait un département français comme un autre alors que les droits dérogatoires, dont le droit du sol est l’exemple le plus criant, ne font que s’accentuer. » On sait bien qu’on en est loin, et sur ce point, le syndicat se rattrape en demandant comme le PS une harmonisation du droit, un déploiement de moyens « pour qu’existe une prise en charge sociale, sanitaire et éducative de la population mahoraise, y compris de sa part la plus vulnérable, à la hauteur de ce qui est mis en place sur le reste du territoire de la République ».
Les « pour » et les « contre » n’ont pas fini de se faire entendre, ce que les mahorais demandent, c’est que les arguments soient constructifs et tiennent compte de la réalité d’un territoire de 374km2 « qui prend sa part » dans l’accueil de la misère du monde, pour reprendre l’expression de Gérald Darmanin.
A.P-L.