Environ 300 personnes ont répondu à l’appel à manifester à Mamoudzou lancé par les Forces Vives ce mardi 30 janvier. Si une poignée d’entre eux se sont rendus d’abord sur la Place de la République, le gros de la manifestation s’est déroulé devant la préfecture et plus spécifiquement devant le service des étrangers, empêchant quiconque d’entrer. Au début de la manifestation, les policiers avaient ordre de dégager le passage, n’hésitant pas, pour l’un d’entre eux, à asperger les personnes « obstruant la voie publique » d’un genre de spray au poivre répulsif. Mais ensuite, la situation s’est envenimée et un autre policier a été bousculé et mis à terre par les manifestants qui ne sont cependant pas allés plus loin. « J’ai été secoué, mais quand ils ont vu que j’étais au sol ils ont pris peur et ils ont arrêté », raconte le policier. « Il serait vraiment temps que le gouvernement se réveille car nous on est pris entre le marteau et l’enclume, c’est vraiment difficile ! », nous a-t-il confié. Un « Africain » ayant voulu forcer l’entrée a également été bousculé par les manifestants qui l’ont forcé à renoncer à son projet. La colère était le sentiment dominant au sein de la manifestation qui s’est néanmoins déroulée sans autre violence à notre connaissance. Plusieurs représentants de la population ont pris la parole dont Saïd Kambi et Sylvianne Amavi, représentant le centre de l’île et la Petite-Terre et, bien sûr, Safina Soula, à la tête du mouvement de blocage de la préfecture depuis plusieurs semaines.
« Nous ne voulons plus dialoguer avec le préfet, il doit partir ! », a-t-on entendu dans la bouche de plusieurs manifestants. Le dialogue est donc rompu avec Thierry Suquet qui, selon les Forces Vives, a été « disqualifié » en voulant lever de force les barrages ce dernier week-end. Les barragistes ont été choqué de voir des blindés utilisés pour « dégager » les manifestants alors qu’ils ne sont jamais déployés contre les délinquants. « On veut tuer les Mahorais », a-t-on également entendu régulièrement lors de cette manifestation. Déterminés, les manifestants se sont ensuite dirigés vers la barge qui a été bloquée. « Nous voulions prendre la barge pour aller manifester à la Case Rocher, mais les policiers nous en ont empêchés et l’ont bloquée », nous a assuré une manifestante. Un manifestant a été interpelé car il avait une bouteille à la main. « De l’eau » selon les manifestants, « de l’acide » selon les policiers. Il a finalement été relâché après moultes négociations. Les Forces Vives sont restées quelques heures sur la Place de la République et devant la gare maritime avant de retourner à la préfecture pour une partie d’entre eux.
Certains élus ont rejoint le mouvement
En début d’après-midi, une réunion s’est tenue entre les élus et les Forces Vives. « Nous avons voulu écouter les revendications des manifestants et les regrouper. 5 doléances principales se sont dégagées », nous explique Hélène Pollozec. Cependant, « un clash » a eu lieu entre les Forces Vives et Ben Issa Ousseni, le président du conseil départemental qui, selon Hélène Pollozec, « ne comprend pas le mouvement ». Cela fait un certain temps que Ben Issa Ousseni est l’objet de vives critiques de la part des divers collectifs et cette réunion n’a fait que confirmer leur incompréhension mutuelle. En revanche, 5 élus ont rejoint les manifestants devant la préfecture après la réunion qui s’est interrompue brutalement suite à cette brouille. Il s’agit d’Hélène Pollozec, Maymounati Ahamadi, Elyassir Manroufou, Daniel Zaïdani et Mariam Saïd Kalame. Ce jeudi matin, une autre réunion est prévue entre les élus et les Forces Vives. Le préfet a été clairement « blacklisté » par les manifestants qui demandent au gouvernement de leur envoyer un autre intermédiaire. « Ce n’est pas très étonnant au vu de sa communication de ces derniers jours. Il n’y a pas un seul mahorais au sein de ses conseillers, il ne comprend pas comment nous fonctionnons », a déclaré Hélène Pollozec. « Les barrages auraient dû être levés ce week-end, c’est lui qui a exacerbé le mouvement en voulant utiliser la force ! », a-t-elle poursuivi. Trois personnes ayant participé au deuxième blocage de la barge en fin d’après-midi ont été placées en garde-à-vue avant d’être relâchées après médiations des élus soutiens du mouvement. « Ça a été très tendu à ce moment-là, la tension est montée d’un cran », poursuit Hélène Pollozec qui a entendu certains manifestants dénoncer ce qu’ils considèrent comme « un système colonial ».
Au cours de la réunion, plusieurs grandes lignes de revendication ont été dégagées dont : la fin du titre de séjour territorialisé, la fin de « l’apartheid législatif et règlementaire » (mettre fin au « partout sauf Mayotte »), le retour de la sécurité et un meilleur contrôle de l’immigration. Tant que des avancées n’auront pas été obtenues concernant ces points, les barrages et manifestations se poursuivront.
Nora Godeau