« Les barrages se poursuivront jusqu’à abrogation du titre de séjour territorialisé », nous a annoncé Zaïdou Bamana, l’un des représentants des « forces vives » de Mayotte. Désormais le terme « forces vives » désigne tous les participants au mouvement contre l’insécurité et l’immigration clandestine du territoire puisque tous les collectifs se sont unis sous cette nouvelle appellation. Pour l’instant, nos interlocuteurs restent Safina Soula et Zaïdou Bamana. Nous n’avons pas réussi pour le moment à joindre Haoussi Boinahedja, intervenu sur la radio de Mayotte la première ce mardi pour annoncer que « les manifestants étaient déterminés ». Toutes les « têtes pensantes du mouvement » semblent cette fois-ci unies. Les « forces vives » se sont réunies toute la journée de ce mardi à Tsingoni, lieu hautement symbolique de l’histoire de Mayotte, pour s’organiser et décider de la suite à donner à leur mouvement de contestation.
Un grand rassemblement à Mamoudzou sur la place de la République a été décidé pour ce mercredi matin. Les forces vives appellent la population de Mayotte à se diriger dès 6h sur le barrage le plus proche de chez eux pour faire le chemin tous ensemble. Le rassemblement est prévu au rond-point Carrefour pour les gens venus du nord et au rond-point de Doujouani pour ceux du sud. Après le départ des manifestants les barrages seront néanmoins maintenus.
Mise en place d’une stratégie de lutte contre la récupération des barrages par les délinquants
Les « forces vives » tiennent à souligner que leur mouvement s’est toujours voulu pacifique. « Notre mouvement a été récupéré ces derniers jours par des délinquants dans la zone Mamoudzou et ça nous a décrédibilisé ! Nous sommes et avons toujours été pacifiques. En dehors de Mamoudzou, les barragistes chantent et dansent, mais n’agressent pas les automobilistes ! », déclare Zaïdou Bamana. Pour éviter les dérives, le mouvement a nommé ce mardi des « coordinateurs de barrages » qui seront chargés de faire respecter la « charte des barragistes », prévoyant notamment de laisser passer les véhicules de soin, de sécurité et le ravitaillement. Ces coordinateurs veilleront également à ce qu’aucune personne extérieure au mouvement, comme les délinquants, ne s’incrustent sur les barrages pour semer la terreur et condamnera d’une manière générale tout comportement répréhensible. « Les semeurs de troubles seront identifiés et chassés des barrages », déclare Zaïdou Bamana.
Le titre de séjour territorialisé : la « racine du mal » selon les forces vives
Certes, ce mouvement a commencé avec l’affaire du camp de migrants du stade de Cavani, mais ce n’était que la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Désormais, les forces vives sont plus que jamais déterminées à lutter contre l’insécurité qui gangrène le territoire et qui, pour elles, émane en grande majorité de l’immigration clandestine. Dans le viseur des manifestants : le titre de séjour territorialisé, dénoncé depuis de nombreuses années par le collectif de Safina Soula. « Partout en France, on peut aller et venir d’un département à un autre. Sauf à Mayotte. Les immigrés qui obtiennent le titre de séjour sont bloqués sur l’île et, forcément, ils exercent une forte pression sur l’école et l’hôpital. C’est une question de survie pour ces personnes qui n’ont aucun échappatoire. Même les étudiants qui ont fait toute leur scolarité à Mayotte et obtiennent un titre de séjour ne peuvent pas quitter l’île ! C’est inadmissible ! Nous refusons que Mayotte devienne un nouveau Lampeduza ! », déclare Zaïdou Bamana. Il dénonce par ailleurs l’injustice que subit Mayotte dans tous les domaines : « La dernière augmentation du Smic a été mise en place dans tous les départements sauf à Mayotte, par exemple. Il faut faire cesser cette injustice par rapport à notre département et la politique du « partout sauf Mayotte » », a-t-il affirmé.
Pour gagner leur combat contre le titre de séjour territorialisé, les forces vives de Mayotte ont déclaré qu’elles se dirigeraient vers Mamoudzou, tout en continuant de tenir les barrages déjà en place, afin de « bloquer des cibles bien identifiées ». Evidemment, les manifestants n’ont pas souhaité les préciser. En tout cas, d’après eux, « le mouvement va aller crescendo jusqu’à obtention de l’abrogation de ce titre de séjour territorialisé ».
Une réunion entre les élus départementaux et le préfet
Parallèlement à la réunion des forces vives, une réunion s’est tenue également ce mardi entre les élus départementaux et le préfet Thierry Suquet. Nous n’avons pas pu joindre les concernés, mais, d’après nos informations, le préfet aurait accepté de ne plus faire lever les barrages érigés par les manifestants pacifiques et ne s’attaquer qu’aux barrages sauvages érigés par les délinquants.
Nora Godeau