Comme une récompense du ciel après des mois de disette, l’île est copieusement arrosée depuis deux semaines. Le niveau des retenues collinaires, enfin surtout d’une, s’en ressent, et les nappes d’eau sous-terraines se reconstituent, améliorant le moral des troupes du Comité de suivi de la ressource en eau.
Une pluviométrie que nous devons à des circonstances exceptionnelles et bienvenues, comme le cyclone Belal, mais pas seulement, nous explique Floriane Ben-Hassen, directrice territoriale de Météo France avec qui nous avons fait un état des lieux, et un point sur les jours à venir.
Alors que se déversaient encore sur l’île des packs de bouteilles d’eau, la saison des pluies qui s’étale officiellement de novembre à avril, a commencé plus tardivement qu’annoncée, mais a su se rattraper : « Avec un taux de 153% de pluies sur le territoire depuis le début de la saison, nous sommes pour l’instant au-dessus des normales de saison ». C’est-à-dire qu’il a plu 53% de plus jusqu’à présent « que sur une moyenne de 30 ans ».
Des nuages qui ont été inégalement répartis sur le territoire au départ, « en novembre, il a moins plu au-dessus de Combani que sur Dzoumogne, qui a en outre bénéficié de deux gros apports en décembre », souligne Floriane Ben Hassen. Les taux de remplissage des deux retenues collinaires que nous a fournis la DEAL avant le week-end dernier (ils seront réactualisés ce mercredi), le traduisent : celle de Dzoumogne était remplie à 60% et celle de Combani seulement à 27%, à surveiller. Une tendance inverse des années précédentes qui voyaient la retenue de Combani pleine à ras bord, celle de Dzoumogne, jamais.
Le niveau d’un mois rempli en 3 semaines
Et elles n’ont pu que se gonfler ces retenues avec les pluies qui sont tombées depuis, puisque ce mardi, il est tombé 81 mm d’eau en seulement 12 heures à Trévani et 76 mm à Mamoudzou. Surtout qu’à cette saison la SMAE ne pompe pas dans les retenues, mais dans les nappes souterraines et les eaux de surfaces, abondantes depuis début janvier.
« Au 21 janvier et depuis le début du mois, nous avons cumulé 97% de la pluviométrie d’un mois de janvier normal. Nous sommes déjà sur un record alors qu’il reste encore une bonne semaine. »
En regardant dans le rétroviseur, le volume d’eau déversé par les nimbus et les cumulus est conforme aux prévisions que Météo France annonçait comme pluvieuses. « Les mois de novembre et décembre ont été marqués par deux tendances, El Niño et le dipôle de l’océan Indien (différence de température entre l’Est et l’Ouest de l’océan Indien), qui va logiquement disparaitre dans les 3 mois à venir, avec des pluies plutôt dans la partie Nord de l’île. Le mois de janvier lui, a été conforme aux prévisions ».
Minimum dépressionnaire pour de maxi-pluies
En plus de ces deux tendances, il faut compter avec – ou sans – les dépressions : « Alvaro (la forte tempête tropicale du 1er janvier) a été plutôt asséchante pour Mayotte, Bilal a produit des effets positifs en périphérie, auxquels est venu se rajouter un minimum dépressionnaire sur le Nord de Madagascar, renforçant le flux de mousson installé depuis le 1er janvier. C’est ce minimum dépressionnaire qui aspire les vents et nous donne les pluies actuelles. »
Une couverture nuageuse qui va se déliter, le linge va pouvoir sécher ! « A partir de jeudi, le temps sera moins venté et moins pluvieux ». Et les jours qui suivront seront à cette image à entendre la météorologue : « Si cette semaine on enregistre des cumuls de pluie au-dessus des normales de saison, début février ce sera l’inverse, nous serons en-dessous. »
Si le moral semble meilleur chez les gestionnaires de l’eau qui ont réduit les coupures à un jour sur deux, la prudence doit régner, même si la recharge des nappes phréatiques et en cours.
Car au-delà, les prévisions sont incertaines : « La tendance à trois mois est difficile à définir car nous serons à la frontière entre une tendance plutôt sèche et l’autre plutôt humide ». Or, la retenue de Combani est encore déficitaire.
Gardons espoir de bénéficier de nouvelles dépressions – évidemment sans dégât – car les noms de la saison cyclonique vont jusqu’à Zacarias, et nous n’en sommes qu’au B de Belal…
Anne Perzo-Lafond