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Mamoudzou

Stade de Cavani : Yaël Braun-Pivet face à l’irritation contenue des riverains ce vendredi

Ce n’était pas prévu initialement dans le programme officiel de sa visite, mais la présidente de l’Assemblée nationale s’est rendue ce vendredi matin au stade de Cavani. Elle y a rencontré une délégation de riverains irrités par l'occupation, en ce lieu, de réfugiés venus de l’Afrique des grands lacs. Quelques-uns d’entre eux sont également venus à sa rencontre pour échanger.

Le maire de Mamoudzou et le Conseil départemental ont en fait une priorité : l’évacuation rapide du camp de réfugiés du stade de Cavani. Mais la justice en a décidé autrement : le tribunal administratif a rejeté la requête du conseil départemental demandant l’évacuation d’urgence de ce camp le 26 décembre dernier. Motifs : l’absence de proposition de relogement pour les réfugiés, le fait que leurs « bangas » ne soient pas érigés sur le terrain de football du stade, mais sur la colline qui le surplombe et l’absence de transmission du marché public de travaux de rénovations et de documents justifiant la nature des travaux et leur calendrier.

Estelle youssoufa parle d' »une zone extrêmement criminogène », ce que nient farouchement les réfugiés du camp.

Cette décision a hérissé le poil du maire de Mamoudzou ainsi que celui des riverains qui pointent du doigt « des violences de la part des réfugiés », « le vol des matériaux qui devaient servir à terminer les travaux du stade » ainsi que « les risques d’épidémies étant donné que les réfugiés font leurs besoins à proximité de la rivière ». Au-delà de ces risques, les riverains de Cavani se sentent en quelques sorte « envahis » par ces réfugiés qui affluent toujours plus nombreux à mesure que les procédures de la loi française sont lentes. A cela vient s’ajouter le blocage régulier du service des étrangers de la préfecture par des collectifs de citoyens, qui ralentit d’autant plus la régularisation de la situation de ces réfugiés.

C’est donc dans ce contexte très tendu que Yaël Braun-Pivet s’est rendue vendredi matin sur le fameux stade de Cavani. La population, que l’on sentait exaspérée, avait néanmoins « fait les choses bien » en dépêchant à sa rencontre une délégation qui a su « garder les formes ». Une discussion s’est alors engagée entre ses membres et la présidente de l’Assemblée nationale. « L’évacuation de ce camp est notre but à tous, mais nous sommes dans un état de droit et il y a des procédures à respecter », a-t-elle expliqué à des riverains qui, manifestement, attendaient d’elle un « miracle » et ne semblaient pas comprendre la complexité de la loi française. « Le temps que vos procédures soient faites, des Africains viennent tous les jours, de plus en plus nombreux ! Maintenant, ils savent qu’on ne peut pas les évacuer du stade ! Le bouche-à-oreille se fait et ils viennent tous ici ! », s’est exclamé une riveraine en colère. « Nous voulons une évacuation d’urgence ! », a-t-elle continué. Ce à quoi la présidente a répliqué : « je ne peux pas répondre à la place des services de l’Etat, mais sachez que la situation est prise en compte ».

« Demandeurs d’asile » et « migrants économique » : le flou règne et les dossiers traînent

Alain, réfugié d’origine congolaise souvent médiatisé par la presse locale, a été persécuté dans plusieurs pays d’Afrique continentale pour avoir défendu les Droits de l’Homme. Il espérait être enfin tranquille à Mayotte.

Le droit d’asile fait partie des droits de l’homme fondamentaux inscrits dans la constitution française. Certes, mais depuis 1974, année de fermeture des frontières à l’immigration de travail, il l’est l’une des rares entrées possibles en France. Certains migrants économiques le savent et détournent le système. D’où la complexité pour les services de l’Etat de faire le tri. L’immigration à Mayotte des personnes venues de l’Afrique des grands lacs n’est pas nouvelle, mais elle s’est nettement accrue ces dernières années. Les Mahorais, déjà échaudés par les problèmes dus à l’immigration clandestine massive en provenance des Comores, ne la voient donc pas d’un bon œil, asile ou non. A cela s’ajoute un certain protectionnisme culturel fréquent en cas d’insularité. Mais Mayotte est française et se doit donc de respecter les lois de la République. Quitte à ce que cela traîne en longueur. L’occupation du stade de Cavani est toutefois illégale et l’Etat devrait normalement trouver une solution de logement pour les demandeurs d’asile. « Soit on a les moyens de les loger dans le respect de la dignité humaine, soit on ne les accueille pas », a martelé à de maintes reprises Ambdilwahedou Soumaïla, le maire de Mamoudzou. Une position cohérente, mais qui se heurte à de nombreuses difficultés : la lenteur du traitement des dossiers, qui se fait au cas par cas, le blocage régulier de la préfecture, qui n’arrange pas les choses, et parfois le refus de certains pays d’accueillir leurs propres ressortissants auxquels l’Etat a refusé le droit d’asile.

Après avoir tenté, sans grand succès, de rassurer les riverains, Yaël Braun-Pivet s’est entretenue également avec certains réfugiés du camps, venus à sa rencontre. Ces derniers ont assuré craindre pour leur vie dans leur pays d’origine et tout faire pour qu’aucune violence ne soit commise ni au sein du stade, ni aux alentours. Ils parlent d’accusations sans réel fondement. Certes, une bagarre avait éclaté il y a peu entre deux réfugiés, mais ils assurent que c’était ponctuel. A côté de cela, quand les délinquants des hauteurs viennent parfois « leur chercher des noises », ils sont obligés de se défendre. En bref, la situation ne convient à aucun des deux partis et c’est en effet à l’Etat de faire quelque-chose. Mais pas à la présidente de l’Assemblée nationale qui n’a pu qu’écouter, questionner et qui ne manquera sans doute pas de faire remonter le problème auprès du gouvernement.

Si la délégation de riverains a exprimé les choses relativement calmement, ce n’était pas le cas des manifestants massés devant le stade. A la sortie de la délégation composée de Yaël Braun-Pivet, des deux députés de Mayotte et du président du Conseil départemental, des huées ont retenti. Ben Issa Ousseni a même été « coursé » jusqu’à sa voiture et traité de « vendu » par les manifestants… « Tu as vendu Mayotte », a-t-on pu entendre hurler. A quoi cela fait-il exactement référence ? Le mystère reste entier !

Nora Godeau

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