« On a été d’autant plus ravi de cette victoire d’une association de Bandrélé que leur participation a failli ne pas avoir lieu ! », révèle Ali Moussa, le maire de la commune. La municipalité n’était en effet pas au courant de la participation des Supers Jeunes à l’émission jusqu’à ce que Fatima Baco Ali, la fondatrice et présidente de l’association ne l’appelle au secours pour finaliser leur inscription. « A l’origine, c’était un projet du conseil départemental, mais dans les dernières semaines avant la date butoir de fin des inscriptions, ce dernier ne répondait plus. Nous avons donc pris le relais avec plaisir et nous avons eu raison puisque cela a donné l’occasion de voir une association de notre île briller au niveau national », poursuit le maire, fier de l’association. Une fierté que partage naturellement Fatima Baco Ali qui a créé l’association en 2003. « Au début c’était surtout pour faciliter la transmission des chants et danses traditionnels auprès des jeunes, mais avec le temps et l’évolution de Mayotte, c’est également devenu un moyen de préserver la jeunesse de la délinquance », explique-t-elle. « Tous les jeunes aiment chanter et danser. J’en profite donc pour leur inculquer des valeurs comme le respect et le fait de ne pas faire de mal aux autres », ajoute la quadragénaire. Cette dernière s’inspire des chants et danses traditionnels pour composer ses propres textes et shimaore et ses propres chorégraphies qu’elle a enseigné à sa fille Chafika, chorégraphe et cheffe de chœur pour l’émission de France 3 .
Les Supers Jeunes sont une cinquantaine de membres dont l’âge s’étale entre 6 et 38 ans. Cette large fourchette d’âge permet à des générations différentes de chanter et danser ensemble, favorisant ainsi la transmission des valeurs de la société mahoraise. Dans une même logique de vivre-ensemble, filles comme garçons sont également les bienvenus au sein de l’association. « Pour l’émission, ce sont principalement des filles qui ont participé car c’était une exigence du comité du concours », dévoile Fatima Baco Ali. Cette dernière n’aurait pas eu l’idée de participer à ce concours, dont elle ignorait jusqu’à l’existence, si une certaine « Madame Inaya de M’tsamoudou » (elle se reconnaitra peut-être !) ne lui avait suggéré. L’association a donc répondu à un appel à candidature du conseil départemental, qui travaillait à l’époque avec une association guadeloupéenne pour mettre en lumière les chants et danses des territoires d’outre-mer. Si le conseil départemental a finalement coupé son et lumière (vraisemblablement pour des raisons financières d’après nos sources), la mairie de Bandrélé a pris le relais, aidée en cela par la communauté de communes du sud et la DRAJES. Il faut dire que l’expédition de l’association jusqu’à Paris a coûté 70 000 euros en tout entre les billets d’avion et l’hébergement pour une trentaine de personnes. Une somme que les 3 structures ont financé de concert.
Des chants peu connus des non-mahorais
Si le debaa a fait l’objet de bon nombre d’études d’anthropologues et d’artistes, le chigoma également dans une moindre mesure, ce sont des chants peu connus (voire pas du tout !) des non-Mahorais que Fatima Baco Ali a décidé de mettre à l’honneur sur France 3. Pour le premier tour, elle a choisi de présenter « Maji ya zamzam », un chant dansé célébrant « l’eau de guérison » rapportée de la Mecque par les pèlerins. « J’étais particulièrement contente de présenter ce chant car il me vient de ma grand-mère », nous confie la chorégraphe qui travaille en collaboration avec sa fille Chafika. Pour le deuxième tour, l’association a présenté « L’éclipse en pleurs », un chant dansé qui évoque une légende mahoraise : celle de la lune qui se fait attraper par un animal lors des éclipses. « On a peur, on est triste lors des éclipses alors on chante et danse pour que l’animal lâche la lune et que le jour revienne », raconte Fatima. Si cette danse a peu d’occasion d’être représentée lors de l’évènement qui l’a inspiré (les éclipses ne courent pas le ciel…), les groupes de chants et danses ne manquent pas de la représenter lors des manifestations culturelles.
Mise en lumière grâce à sa participation à l’émission de France 3, l’association représentera Mayotte à Taïwan en août prochain lors d’un concours international de chants folklorique. Une ascension fulgurante pour les Supers Jeunes !
Nora Godeau