Nous observons depuis plusieurs jours une alternance de journées très ensoleillées et des précipitations relativement importantes par endroits, quelles sont les prévisions pour l’arrivée de la saison des pluies ?
Floriane Ben Hassen : Pendant cette période de fêtes de fin d’année, le territoire de Mayotte est toujours dans une période de transition météorologique, que l’on nomme l’intersaison du « mnyombeni ». Le vent provient du Nord-Est, c’est aussi une saison appelée la « pluies des mangues », grâce auxquelles les mangues de décembre sont plus belles. Dès la semaine prochaine, soit la première semaine de janvier 2024, un vent humide venu du Nord-Ouest, nommé « kashkazi » et transportant avec lui des précipitations régulières et généralisées, va couvrir le département, ce sera le début de la saison des pluies.
En termes de précipitations, est-ce que le mois de décembre a été fructueux ?
Floriane Ben Hassen : Oui, le cumul des pluies de novembre et de décembre a été intéressant pour le département, ceci est lié au phénomène El Niño, que nous observons dans le Pacifique, et dans notre zone, le dipôle* de l’océan Indien (qui correspond à la différence de température de surface de la mer entre l’Est et l’Ouest de l’Océan Indien). A titre d’exemple, depuis le début du mois de décembre, nous avons eu des pluies exceptionnelles sur l’ensemble du département, à l’exception du sud, qui est resté relativement sec. Notre station à Mbouini a enregistré la moitié d’un mois de décembre « normal » (notre référentiel se base sur une moyenne réalisée sur les trente dernières années).
En revanche, sur le reste du département, à partir du nord de Chirongui, nos données sont nettement supérieures aux normales de saison. A la date du 26 décembre 2023, les précipitations sont à 146% de la normale sur l’ensemble du territoire de Mayotte. Ce qui veut dire qu’il a plu la moitié plus, que ce que nous pouvions espérer. Cette situation très favorable fait suite à un mois de novembre normal, où les précipitations étaient à 98% de la normale, bien qu’elles étaient inégalement réparties sur le département, où il avait beaucoup plu en novembre sur la façade ouest et dans le centre, et pas à l’est, qui était jusqu’alors très déficitaire. La bascule entre l’intersaison et la saison des pluies a ainsi très bien démarré !
Quelles seraient alors les tendances de température et de précipitations pour le mois de janvier ?
Floriane Ben Hassen : Pour début janvier, l’installation de ce kashkazi, va entrainer de plus fortes et régulières précipitations jusqu’à mi janvier. Pour les mois de janvier, février et mars 2024, les tendances climatiques devraient être normales, voire légèrement supérieures en termes de pluviométrie. Cela est lié au phénomène El Niño, qui est très fort dans le pacifique. En termes de températures, nous enregistrons une année exceptionnellement chaude depuis mai dernier qui va se poursuivre. En effet, la chaleur que nous ressentons en ce moment va s’intensifier avec l’humidité provoquée par le kashkazi. En résumé, en janvier nous aurons chaud, mais les pluies devraient être présentes durant plusieurs semaines.
Ces précipitations ont-elles eu un impact favorable sur les retenues collinaires ?
Floriane Ben Hassen : Les retenues collinaires de Combani et de Dzoumogné ont toutes les deux amorcé leur recharge. Dzoumogné a démarré son remplissage de façon fulgurante, plus tôt que les précédentes années, grâce à une très forte quantité de précipitations qui sont tombées sur ce secteur au début du mois de décembre, où ont été cumulées près de 150% des précipitations par rapport à la normale en l’espace de 10 jours. Actuellement la retenue de Dzoumogné continue de se remplir sur une pente plus douce. La retenue collinaire Combani a elle aussi commencé à se remplir de façon constante car elle est située sur une zone où les précipitations sont plus fréquentes.
Ces pluies ont-elles eu un impact positif sur les autres masses d’eau ?
Floriane Ben Hassen : Oui, grâce à un mois de décembre particulièrement bon d’un point de vue des précipitations, les cours d’eau suivis ont en effet des écoulements un peu plus importants que ceux observés durant le mois précédent mois. Concernant les eaux souterraines, il n’y a pour le moment pas d’impact réellement visible.
Propos recueillis par Mathilde Hangard.
*Dipôle : Le long de l’équateur, la température de surface de la mer est, en temps normal, plus chaude au niveau de l’Indonésie que le long des côtes africaines. Des vents d’Ouest sont alors générés au sol et des cellules de convection se mettent en place au-dessus de l’Indonésie liées aux eaux chaudes ou inversement en fonction de l’orientation du dipôle.