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Mamoudzou

De Nosy-Be à Mayotte : un dangereux périple effectué par amour !

Marina est une jeune malgache de 34 ans, résidant à Mamoudzou avec son compagnon et leur bébé d’un an. Si sa vie est stable aujourd’hui, il n’en a pas toujours été ainsi puisqu’elle a quitté travail et famille à Nosy-Be en 2020 pour poursuivre un rêve romantique qui s’est finalement révélé illusoire. Escroquerie du passeur, tempête sur la mer, esclavage moderne et retour impossible au pays pour cause de covid, son histoire est digne d’un roman d’aventures !

« Avant de rencontrer cet homme mahorais, je n’avais jamais pensé à venir m’installer à Mayotte », nous confie Marina qui, avant d’émigrer sur l’île aux parfums, tenait un magasin de fripes à Nosy-Be d’où elle est originaire. Elle ne gagnait que 30 euros par mois, mais « pour Mada c’est pas mal ! », nous précise-t-elle devant notre réaction typiquement occidentale d’en déduire qu’elle vivait dans la pauvreté et que c’est donc forcément cela qui a motivé son envie d’émigrer à Mayotte. « Je vivais bien à Nosy-Be, ma famille n’est pas trop pauvre. D’ailleurs quand cet homme m’a proposé de venir le rejoindre à Mayotte, j’ai d’abord dit non », raconte la jeune femme, qui avoue être finalement tombée très amoureuse de cet homme qui lui faisait miroiter monts et merveilles à Mayotte. Le Don Juan l’a d’abord abordée sur les réseaux sociaux avant de venir passer quelques jours à Nosy-Be pour « ferrer sa proie ». « Tu pourras gagner de 200 à 400 euros par mois en gardant des enfants ou en faisant des ménages », a-t-il ajouté pour la convaincre. Une fortune pour une Malgache qui ne connaît pas le coût de la vie sur l’île aux parfums…

700 euros la traversée de Nosy-Be à Mayotte…et 28 000 euros pour l’escroc !

A Nosy-Be, la jeune femme tenait un magasin de vêtements.

Marina s’est donc mise en quête d’un passeur qu’elle a facilement trouvé par le bouche-à-oreille. Le voyage de Nosy-Be à Mayotte coûte 700 euros, somme que n’a pas hésité à lui envoyer son galant pour qu’il la rejoigne. Manque de chance, le premier passeur trouvé était un escroc ! « Il a arnaqué tout le monde !  Nous étions 40 personnes en tout sur le kwassa. Il nous a débarqué sur une petite île à environ 2h en bateau de Nosy-Be et nous a dit de l’attendre pendant qu’il allait chercher du carburant. En fait il n’est jamais revenu ! », détaille-t-elle. 28 000 euros, c’est donc la coquette somme qu’a récolté l’escroc, sans que ses victimes n’aient pu apercevoir le début d’un grain de sable des plages mahoraises ! Heureusement, l’îlot était habité par des cultivateurs qui leur ont accordé l’hospitalité pendant plusieurs jours, le temps qu’ils puissent contacter leur famille et trouver un bateau qui viennent les chercher…moyennant encore finances bien évidemment ! « Les paysans n’en pouvaient plus, car il fallait faire à manger pour 40 personnes ! Grâce à l’aide de nos familles, on a réussi à se débrouiller pour trouver quelqu’un qui vienne nous chercher, mais du coup on était de retour à Nosy-Be », poursuit Marina. Un coup d’épée dans l’eau donc !

Bien déterminée à rejoindre son amoureux mahorais, malgré les avertissements de sa famille qui voyait en cette mésaventure « un mauvais signe », la jeune femme s’est mise en quête d’un autre passeur. « En plus, je me suis disputée avec mon copain, car il ne me croyait pas et pensait que c’était moi qui avait dépensé l’argent ! », ajoute-elle. Plus question d’envoi d’argent donc, mais la voyageuse a emprunté la somme à ses sœurs pour lui prouver qu’elle voulait véritablement venir vivre avec lui quoiqu’il en coûte. Si le deuxième passeur était honnête cette fois-ci, le sort s’est acharné sur la trentenaire. « On a essayé une première traversée, mais on a eu une panne de moteur et on a dû revenir. La deuxième fois, il y a eu une tempête et on a encore dû faire demi-tour à mi-chemin ! Enfin, la troisième fois on a réussi ! », se souvient Marina avec émotion. « J’ai eu très peur, mais c’est bizarre car plus j’avais peur et plus je trouvais en moi de la force », explique-t-elle. Le kwassa est donc finalement arrivé à bon port après une traversée anxiogène de 16h : de 2h du matin à 18h le lendemain.

A Mayotte : la désillusion

« Arrivé à Mayotte, le passeur nous a rendu nos portables. Ils éteignent les portables pendant la traversée car ils ont peur que la police puisse localiser le kwassa avec les GPS des téléphones », explique la jeune femme. Celle-ci a appelé son copain qui est venu la chercher sur une plage du sud de l’île dont elle a oublié le nom. En arrivant chez lui à Majicavo, elle a vite déchanté. L’homme, qui comptait la loger dans un studio, avait la photo d’un nouveau-né sur son téléphone. « J’ai compris qu’il était déjà marié et qu’il m’avait menti depuis le début ! En plus, il m’a finalement avoué qu’il avait fait la même proposition à une autre Malgache. Il voulait donc que je sois sa 3ème femme ! », raconte Marina. Cette dernière, furieuse, est partie en claquant la porte avec seulement 120 euros en poche, somme que lui a concédé le séducteur pour survivre. Heureusement, elle avait une copine en Petite-Terre, qui a pu la loger.  « J’avais fait tout ce voyage pour rien donc je voulais rentrer chez moi, mais en 2020 il n’y avait plus d’avion pour Madagascar à cause du Covid. J’ai eu des nouvelles d’autres passagers du kwassa : certains se sont faits prendre par la PAF mais ils ont été relâchés ! », raconte la jeune malgache qui s’est donc retrouvée « coincée » à Mayotte.

Située au large de la côte nord-ouest de Madagascar, et très prisée, Nosy-Be est considérée comme la perle du tourisme malagasy (Illustration/DR)

Pour sa copine, travailler n’était pas une bonne solution, car « sans les papiers c’est trop compliqué ! ». Mais Marina était une femme indépendante qui vivait seule à Madagascar, elle a donc quand même tenté sa chance. « J’ai travaillé chez une dame. Au début je devais juste garder les enfants, mais je me suis vite retrouvée à devoir tout faire dans la maison pour 130 euros par mois. Quand je lui ai dit que je voulais partir, elle ne m’a même pas donné toute la somme », se souvient-elle avec amertume. Elle a finalement écouté son amie et s’est mise en quête d’un homme sur un site de rencontre pour subvenir à ses besoins. Après quelques expériences malheureuses avec des hommes « qui ne cherchaient qu’à s’amuser », elle a finalement trouvé l’amour et un petit garçon n’a pas tardé à naître de cette relation.

Le manque de liberté : un fardeau

Installée désormais à Mayotte et maman d’un petit garçon, Marina ne songeait pas à retourner à Madagascar avant que son compagnon ne lui en fasse la proposition. Sous réserve qu’il trouve un travail là-bas ! « Je préférais vivre à Madagascar », nous avoue-telle. « A Mayotte je ne suis pas libre. A chaque fois que je sors, j’ai peur de la police donc je ne sors presque jamais ». « Au début, j’avais honte de dire à ma famille que j’allais peut-être rentrer, mais maintenant je me dis que ça vaut le coup. Là-bas, je pourrai reprendre mon travail. Même si ça se passe bien avec mon compagnon, je n’aime pas dépendre de lui pour tout comme ça », explique-t-elle.

Nosy-Be a récemment reçu le prix international de la Meilleure destination écologique de l’océan Indien (Illustration/ Marché couvert de Hell-Ville/DR/Thierry Lacour)

Marina n’est pas la seule à avoir été déçue de son expérience à Mayotte. « Les gens qui viennent ne sont pas tous pauvres. Certains possèdent des maisons et des terrains à Madagascar. Ils vendent tout pour venir à Mayotte et se retrouvent sans rien », affirme-t-elle. « Tout le monde croit que c’est le paradis à Mayotte. Et même quand on leur dit que ce n’est pas vrai, ils ne nous croient pas. Ils nous disent « si ce n’est pas vrai, pourquoi tu es encore là-bas ?  ».  C’est sans compter sur les liens affectifs que créent les émigrés dans leur terre d’accueil et la peur de détruire une vie si durement reconstruite. Mais le mythe de l’Eldorado a la vie dure ! Mayotte est vue comme un paradis depuis l’autre côté des frontières et ni les reportages télé, ni les témoignages ne peuvent déconstruire ce mythe…Seule l’expérience en est capable !

Nora Godeau

 

 

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