Cette réunion organisée autour d’un groupe de travail a été voulue par le président du Conseil départemental, Ben Issa Ousseni. Elle a réuni plusieurs élus départementaux et municipaux des principales communes de l’île mais aussi des représentants d’organismes sociaux et membres d’associations. Bien que ce fut au lendemain de Noël, l’heure n’était pas aux festivités de coutume mais il s’agissait plutôt d’organiser une réflexion commune sur les réponses à apporter face au contexte crucial et aux événements tragiques qui touchent le 101e département français depuis de nombreuses semaines maintenant.
« Ce rassemblement exceptionnel est l’occasion d’échanger nos idées, d’être solidaires et de lutter ensemble contre les actes de violence, a ainsi indiqué dans son discours préliminaire l’hôte de cette réunion, le maire de Dembéni, Saidi Moudjibou. Nous devons investir dans l’éducation de nos jeunes pour bâtir une société pacifique et prospère, défendre notre peuple et nos valeurs communes ».
Les annonces de la Première ministre au début du mois n’ont pas convaincu
En dépit de sa visite marathon à Mayotte le 8 décembre dernier et des nombreuses promesses annoncées pour faire diminuer l’insécurité dans l’île, Élisabeth Borne n’a pas rassuré l’ensemble des élus. C’est ce qu’a expliqué en substance Ben Issa Ousseni. « Malgré les questions et les interpellations que nous avons faites à la Première ministre sur la situation de Mayotte, force est de constater que ses réponses ne sont pas à la hauteur des enjeux du territoire. Après son départ les violences n’ont fait que s’accroître, déplore le président du Département. Nous devons donc nous poser les bonnes questions, dépasser nos clivages politiques pour se faire entendre auprès du Gouvernement. Mayotte est assiégée, pillée, les actes de barbarie et de violence se multiplient… Aussi ce n’est pas du côté de la Première ministre que nous aurons des réponses. Nous allons donc écrire conjointement au ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, mais aussi au Président Macron afin de leur soumettre des propositions qui devront rentrer dans le cadre du projet de loi Mayotte ».
C’est ainsi plus d’une trentaine de propositions écrites noir sur blanc qui vont être soumises aux résidents de la place Beauvau et du palais de l’Élysée, sans compter celles qui auront été rajoutées à l’occasion de cette réunion ce mardi. Les élus demandent, entre autres, de classer tout le département en zone prioritaire ; d’augmenter les moyens des polices municipales et des forces de l’ordre au travers d’un fonds spécial ; de développer des polices intercommunales qui pourront mutualiser leurs moyens ; d’assurer la présence pérenne de militaires pour intervenir dans les zones difficiles ; d’accompagner les communes pour la mise en place de la vidéo-protection ; de mettre en place un schéma départemental de la police municipale ; mais aussi et surtout de créer une police des transports et également de s’attaquer aux familles des délinquants multirécidivistes en supprimant les aides, les cartes de séjour, etc.
Le ton est donné pour 2024, les élus du 101e département français comptent passer à l’offensive pour mettre en place des actions et se faire entendre. Le président du Département souhaite ainsi être reçu avec une délégation mahoraise dans les plus brefs délais par Gérald Darmanin et Emmanuel Macron « dans un format dédié à Mayotte pour exposer les sujets et les problèmes ». En outre, Ben Issa Ousseni se refuse à qualifier d’actes terroristes ce qu’il se passe à Mayotte. « Je vous le dis clairement, je n’emploierai pas le mot de terrorisme. Cela ne nous aidera pas. On peut employer tous les autres mots comme grand banditisme, mais pas celui de terrorisme », a-t-il martelé.
La mise en place d’une task force au sein du Conseil départemental
Afin d’apporter des réponses sur l’insécurité qui règne à Mayotte, le Département va créer une task force (force d’intervention) avec des agents du Département sous la supervision de deux rapporteurs, dont notamment Soula Saïd Souffou, conseiller départemental de Sada-Chirongui. Ils seront appuyés par des techniciens, des maires, des élus, des membres de la société civile… L’objectif est de mettre la pression sur le Gouvernement afin d’avoir des réponses claires et appropriées.
Ainsi, comme le précise Soula Saïd Souffou, « Il s’agit de réfléchir à une nouvelle façon de faire concernant la sécurité en faisant des propositions mais surtout en trouvant des solutions. C’est un groupe de travail important autour du thème de la sécurité à Mayotte. Nous allons faire des propositions concrètes et opérationnelles. Nous devons ainsi améliorer nos échanges entre nous déjà, mais aussi avec les services de l’État. Qu’est-ce qu’on peut faire pour améliorer les choses en trouvant des solutions locales ? C’est ça la question ».
Un calendrier va être mis en place rapidement mais surtout les élus comptent créer un congrès de Mayotte. « Nous allons l’installer dès l’année prochaine dans le courant du premier trimestre 2024. Il rassemblera les élus mais aussi les forces vives du territoire. Nous procèderons à des auditions afin de confronter nos propositions. La récente marche des maires a été très courageuse et elle nous ouvre la voie pour nous faire entendre », souligne le conseiller départemental de Sada-Chirongui.
La réunion qui s’est tenue hier était la première du genre… Est-ce dû à un ras-le-bol des élus de l’île de ne pas être entendus par le Gouvernement ? Est-ce dû à une anticipation concernant un potentiel remaniement ministériel en début d’année prochaine et la nécessité de trouver un futur interlocuteur fiable ? Toujours est-il qu’après les discours officiels, les élus avaient, semble-t-il, besoin de se dire les choses en face, de mettre carte sur table, le tout dans un huis clos, afin de dépasser leurs divergences et de faire front commun pour ramener une certaine sérénité dans l’île aux parfums.
B.J.