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La loi immigration votée dans la douleur au Parlement

Dans la soirée du mardi 19 décembre, le projet de loi « Immigration et Intégration » a été définitivement adopté par le Parlement. 349 députés ont voté en faveur du texte et 186 contre. Ce texte « durcit » du projet de loi a ouvert une crise politique sans précédent au sein de la majorité. Mais quelles sont ces 18 mesures majeures de la loi votée par la Commission mixte paritaire ? 

A l’origine, ce projet de loi « Immigration » était présenté comme un équilibre entre le contrôle accru de l’immigration et une meilleure intégration des personnes accueillies. Mardi 19 décembre au soir, les députés et sénateurs réunis au sein d’une commission mixte paritaire (CMP) ont voté un texte de loi ressemblant très nettement aux mesures adoptées par le Sénat, qui avait drastiquement durci le projet de loi du gouvernement, défendu par le Ministre de l’intérieur Gérald Darmanin.  

Darmanin, immigration, parlement
Gérald Darmanin, Ministre de l’Intérieur, face aux parlementaires, lors du vote du projet de loi immigration, le 19 décembre 2023 (DR).

Cette nouvelle loi « Immigration » contient 18 mesures phares que nous avons décortiquées ci-dessous, l’une d’entre elles concernait Mayotte.

Parmi les parlementaires mahorais, trois ont voté en faveur de l’adoption de cette loi : Thani Mohamed Soilihi (RDPI) au Sénat, Estelle Youssouffa (LIOT) et Mansour Kamardine (LR) à l’Assemblée Nationale, leurs amendements importants pour Mayotte ayant été pour l’essentiel repris dans le texte de la commission mixte paritaire. S2O a voté contre.

  1. Un débat parlementaire annuel sur l’immigration a été instauré. Ce débat n’est cependant pas obligatoire et ne devra pas aboutir à l’instauration de quotas annuels sur l’immigration. 
  1. Tout demandeur d’un titre de séjour devra souscrire « un contrat d’engagement » pour le respect « des principes de la République ». Le non-respect des principes de la République pourra aboutir à un refus de renouvellement de titre à un étranger n’ayant pas respecté ce contrat d’engagement. 
  1. Les sans-papiers victimes des « marchands de sommeil » ayant déposé plainte et les sans-papiers victimes de conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine, pourront bénéficier d’une carte de séjour d’un an. 
  1. Les conditions de régularisation des travailleurs des métiers en tension ont été durcies. Le travailleur devra prouver qu’il a travaillé 12 mois dans un métier en tension au cours des 24 derniers mois (le texte initial le prévoyait dans les 8 derniers mois). Les travaux étudiants ou saisonniers sont exclus. Cependant, l’autorité administrative pourra vérifier « par tout moyen » les conditions d’exercice du travailleur. Les étudiants étrangers devront déposer une « caution », sauf « à titre exceptionnel » si les étudiants bénéficient de revenus modestes et que leur parcours scolaire ou universitaire se révèle être excellent. 
  1. La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) se transforme. Désormais, le jugement sera rendu par un juge unique, au lieu de trois juges actuellement, et la CNDA sera décentralisée en plusieurs chambres territoriales. 
  1. Les guichets des services de la Préfecture, de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) vont être réunis pour l’enregistrement des demandes d’asile. L’enregistrement et le suivi des demandes d’asile seront centralisés dans l’objectif d’accélérer leur traitement. Ce dispositif va être testé sur 3 sites pilotes. 
  1. L’Aide médicale d’Etat (AME) a bien failli disparaître hier soir. Ce sujet a fait l’objet de tensions politiques très fortes entre le gouvernement et les parlementaires. Si la suppression de l’AME ne figure plus dans le texte de loi, la Première ministre, Elisabeth Borne a adressé dans un courrier au président du Sénat, qu’une réforme de ce dispositif sanitaire serait engagée en 2024.
  1. Le texte de loi adopté conditionne certaines aides sociales versées aux étrangers à une résidence régulière d’au moins cinq ans sur le territoire, contre six mois actuellement. Ces aides seront aussi accessibles aux étrangers travaillant depuis au moins trente mois. Les aides attribuées aux personnes en situation de handicap ne seront pas concernées.
  2. Les personnes visées par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) seront exclues du droit à l’hébergement d’urgence  (sauf si l’étranger visé par une OQTF est « dans l’attente de son éloignement ».)
OQTF
Tampon « OQTF », obligation de quitter le territoire français, mesure administrative d’éloignement des étrangers, inscrite dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Illustration/DR).
  1. Le droit du sol n’est désormais plus automatique. Les enfants nés en France de parents étrangers devront manifester à l’âge de 18 ans, leur volonté d’acquérir la nationalité française.
  1. Le territoire de Mayotte a fait l’objet de nombreux échanges hier soir à l’Assemblée nationale. Le Sénat souhaitait que les conditions d’acquisition de la nationalité soient durcies pour les mineurs nés de parents étrangers dans certains territoires, comme celui de Mayotte. Le texte de loi n’a pas retenu cette mesure. 
  1. Un étranger résidant en France ne peut faire une demande de regroupement familial pour ses proches, uniquement l’ensemble des concernés, peuvent présenter chacun, un casier judiciaire vierge. 
  1. Ce texte de loi rétablit le délit de séjour irrégulier, qui avait été supprimé en 2012 lors du mandat de François Hollande, sanctionné de 3 750 euros d’amende et d’une peine de trois ans d’interdiction du territoire.
  1. Le texte de loi légalise désormais la possibilité d’expulser tous les étrangers condamnés pour des faits commis contre un ascendant ou un élu, dans le cadre de violences intra-familiales, ou à l’encontre du titulaire d’un mandat électif public, pour des crimes et délits punis de trois ans d’emprisonnement ou plus. Cette mesure est assortie de la possibilité de recourir à l’interdiction de territoire pour ces personnes. 
  1. Désormais, certaines catégories d’étrangers jusqu’ici protégés, pourront se voir attribuer une obligation de quitter le territoire français (OQTF), sans avoir besoin de prouver que la personne représente une « menace grave pour l’ordre public » liée à sa présence en France.
  1. Tous les étrangers en situation irrégulière, pour qui une demande d’asile aurait été rejetée par l’OFRA, se verront assigner une OQTF dans un délai fixe, assortie d’une suspension de leur prise en charge médicale. 
  1. En cas de tentative d’homicide sur les forces de l’ordre, un individu ayant acquis la nationalité française, coupable d’homicide volontaire sur une personne dépositaire de l’autorité publique, pourrait être déchu de la nationalité française.  
  1. Ce texte a également inscrit l’interdiction de placer des mineurs en centre de rétention administrative (CRA). 
Rousseau, Mayotte, Visite officielle
Aurélien Rousseau, Ministre de la Santé et de la Prévention, lors de sa visite à Mayotte le 8 décembre 2023.

La soirée du mardi 19 décembre 2023 a été particulièrement agitée dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Alors que de nombreuses incertitudes et interrogations perdurent au sein de la majorité depuis hier, le Ministre de la Santé et de la Prévention, Aurélien Rousseau a annoncé sa démission du gouvernement dont l’intérim sera assuré par la députée Agnès Firmin Le Bodo.

Après l’adoption de cette loi Immigration, la Première ministre a déclaré avoir le « sentiment du devoir accompli ». Pourtant, Elisabeth Borne reconnait que des dispositions de la loi sont contraires à la Constitution, nécessitant la saisine du Conseil constitutionnel dès ce mercredi 20 décembre au soir.

Mathilde Hangard 

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