Violences à Dembéni : un officier de gendarmerie menacé par des jeunes après une réunion de pacification prometteuse

Il y croit toujours le colonel Olivier Casties, même après qu'il ait cru voir sa dernière heure arriver, encerclé par de nombreux assaillants ce jeudi. Une réunion avec des leaders d’opinion déterminés à ramener la paix s’est tenue à l’invitation du maire de Dembéni.

Une importante réunion se tenait ce jeudi à la mairie de Dembéni où une quarantaine de personnes avait répondu présent à l’appel de Moudjibou Saïd. Elus de Dembéni, locaux et départementaux, représentants de la gendarmerie, dont le numéro 2, le colonel Casties, des conseillers du Grand Cadi, des « sages » et des jeunes représentants des villages de Iloni et Dembéni, « les deux villages qui se font la guerre », précise le maire que nous avons contacté au téléphone vers 16h30, à l’issue des 4 heures de discussions. Il nous rapportait les grands axes de la rencontre sur un ton plutôt optimiste, juste avant de s’écrier, « mais, c’est à nouveau la guerre ! », en raccrochant précipitamment.

La réunion de ce jeudi en mairie de Dembéni

Les bandes s’étaient de nouveau constituées, avaient repris la route, en recommençant les caillassages nourris sur la voie publique. C’est à ce moment que le colonel Olivier Casties, s’est fait piéger, et a bien cru voir sa dernière heure arriver. Nous l’avons joint au téléphone quelques minutes après. « J’ai eu un renseignement disant que des jeunes étaient en train de préparer des cocktails Molotov, devant tous les passants, sur la route, après avoir démonté un réservoir de camion. Ils étaient en train de reconstituer leur stock de munition. On est allé récupérer tout ça en arrivant à se montrer dissuasifs, mais des jeunes sont arrivés de plus en plus nombreux, ils étaient rapidement une centaine, et nous n’étions que deux. J’ai dû faire usage d’une grenade de désencerclement. On a failli ne pas en réchapper, ni plus, ni moins, ils étaient prêts à nous faire rôtir dans la voiture ! ». La vitre d’un camion de mobiles a été caillassée.  Pourtant, s’il est secoué, le sentiment qui le domine, c’est « la tristesse ».

« Si les adultes des différents villages ne s’entendent pas entre eux… »

« Nous avons assisté à la réunion la plus utile que j’ai connue depuis que je suis à Mayotte, j’étais optimiste, on était gonflé à bloc en sortant. Nous avons eu des intervenants de qualité, des leaders d’opinion déterminés à ce que le problème soit résolu. C’était par exemple les envoyés du Grand Cadi qui ont constaté, ‘si les adultes des différents villages ne s’entendent pas entre eux, on ne peut pas demander aux enfants d’y arriver !’ ». Et l’officier d’abonder : « Lors des caillassages, j’ai vu des gens jusque-là respectables, qui disaient, ‘on veut en découdre avec ceux de l’autre village’. Comment voulez-vous que les enfants aient de bons repères ?! »

Le ministre s’était déplacé jusqu’à Dembéni pour une visite inopinée en pleine crise d’insécurité

Il juge la situation plus compliquée que d’habitude, « on n’est pas dans le cadre d’un rapport de force entre deux villages, mais dans les oppositions Dembéni et Iloni, on retrouve un peu de gens de Tsararano, de Dembéni, d’Hajangua, de Tsoundzou, etc. A la réunion, les adultes présents avaient une vraie force de conviction de solutionner ça. Ça donnait envie d’y croire, et j’y crois encore, il faut juste attendre que ça porte ses fruits. »

Le maire Moudjibou Saïd nous explique la démarche : « La volonté de cesser ces guerres était unanime chez les participants à la réunion. Ce vendredi, les cadis vont se rendre dans les trois mosquées, d’Iloni, de Dembéni et de Tsararano lors des prières pour faire passer des messages de paix. Des délégations villageoises échangeront, afin de favoriser le dialogue entre les populations. C’est indispensable car depuis le début de la semaine, les établissements scolaires sont fermés. » Une semaine sans école pour les enfants de la commune, et nous apprenions également la fermeture du collège, de plus, le directeur du CUFR aurait contacté les enseignants pour les avertir de sa fermeture ce vendredi en raison des tensions.

Le reste de la journée et le week-end diront si le plan volontariste a fonctionné.

Anne Perzo-Lafond

Partagez l'article :

spot_imgspot_img

Les plus lus

Publications Similaires
SIMILAIRES

Grève des barges : confusion, colère et tensions sur les quais

Ce lundi, une grève illimitée a fortement perturbé les traversées entre Dzaoudzi et Mamoudzou. Les rotations ont été réduites, l’information aux usagers a manqué et la tension est montée aux débarcadères. Passagers et conducteurs ont attendu plusieurs heures sous le soleil pour espérer embarquer, dans une atmosphère d’incompréhension, de fatigue et de colère.

Mayotte n’a pas « raflé » l’aide européenne : elle a encaissé le cyclone le plus dévastateur de son histoire

Derrière les chiffres de Bruxelles, une réalité physique et humaine saute aux yeux : Chido a pulvérisé un territoire déjà fragilisé. Si l’Union européenne accorde quatre fois plus à Mayotte qu’à La Réunion, c’est parce que le désastre y a été total — et structurel.

Du Togo aux Seychelles : six jeunes de Mayotte partent pour des missions internationales

Le Togo, Maurice et les Seychelles, dans quelques mois, 6 volontaires du programme Territoires Volontaires (TeVo), rejoindront l'une de ces destinations pour une durée de 8 à 12 mois. Ce lundi 6 et mardi 7 octobre, ils préparent leur voyage lors d'un stage de deux jours au Comité Régional Olympique et Sportif de Mayotte.

Des décombres à l’émotion : le cyclone Chido revisité par la création artistique

À l’Office du Tourisme de Mamoudzou, l’exposition “Les mémoires du vent” a été inaugurée vendredi soir. Elle a rassemblé peintures, photographies et installations sur le thème du passage du cyclone Chido, qui a dévasté Mayotte le 14 décembre 2024. Les artistes ont offert un espace de mémoire et de résilience à une population encore marquée par la catastrophe.