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Justice – « Mayotte a soif » vs préfecture : quid d’un plan Orsec ?

C’est la question qu’a dû se poser le juge des référés libertés ce vendredi 24 novembre lors de l’audience qui opposait le collectif Mayotte a soif à la préfecture, mais également à l’ARS et à la SMAE. Aucun membre de cette dernière entreprise n’étant présent, l’audience s’est tenue entre le collectif, la préfecture et l’ARS.

Maître Dugoujon, avocat au barreau de Saint-Denis, représentait le collectif « Mayotte a soif » au tribunal administratif ce vendredi, mais également 18 autres requérants. Ces derniers ont saisi le juge des référés libertés pour attaquer la préfecture, la SMAE et l’ARS, les accusant de ne pas prendre des mesures d’urgence réellement efficaces pour faire face à l’actuelle crise de l’eau. La principale mesure demandée était la mise en place d’un plan Orsec eau potable. « La situation ne fait qu’empirer de jour en jour et on ose nous affirmer que notre situation n’est pas urgente ? », s’est insurgé Maître Dugoujon devant le juge Bauzerand qui présidait l’audience.

L’audience de ce vendredi matin au tribunal administratif opposait « Mayotte a soif » avec 18 autres requérants, à la préfecture, l’ARS et la SMAE

L’avocat a ensuite détaillé en quoi la situation actuelle nécessitait l’intervention d’un juge en référé liberté : « Le droit à un environnement sain est atteint. Les besoins en eau par jour et par personne sont estimés à 100L. Cette absence d’eau est donc une atteinte au droit à vie, mais également au droit à l’éducation puisque cette crise a eu pour conséquence des fermetures régulières d’établissements scolaires ». « Le conseil d’Etat n’a jamais admis que Mayotte avait besoin d’un plan Orsec eau potable. Or c’est un département isolé, qui ne peut pas faire appel à la solidarité des départements voisins », a encore lancé Me Dugoujon pour justifier la requête de ses clients. Pour lui, la préfecture ne prend des mesures « qu’au goutte à goutte » sans anticiper les conséquences d’une crise qui risque de durer étant donné que la saison des pluies n’est toujours pas au rendez-vous. « Que va-t-on faire quand il n’y aura plus d’eau du tout au robinet ? », a-t-il encore questionné, accusant la préfecture de ne pas anticiper ce cas de figure.

« Une requête absurde » selon l’avocat de la préfecture

Me Marchand, l’avocat de la préfecture, a accusé les requérant de vouloir « utiliser le tribunal administratif comme une tribune politique »

Pour Me Marchand, l’avocat de la préfecture, cette requête est « absurde ». « C’est une tempête dans un verre d’eau, un coup d’épée dans l’eau. Ce tribunal est utilisé comme une tribune politique, il est instrumentalisé, ce n’est pas sérieux ! », a-t-il attaqué. Pour lui, les requérants n’apportent aucune preuves concrètes de leurs préjudices et ne démontrent en rien en quoi le plan Orsec demandé serait plus utile pour faire face à la crise que les mesures actuelles mises en œuvre par la préfecture. « La situation est difficile depuis des années, ce n’est donc pas en 48h qu’on pourra mettre en œuvre des mesures pour la résoudre », a-t-il argué. L’argument d’absence de preuves concrètes de préjudices dans le dossier a fait mouche chez le juge qui a longuement interrogé Me Dugoujon et Racha Mousdikoudine, la présidente de « Mayotte a soif », à ce sujet. « De quoi parle-t-on exactement ? Ces personnes ont-elles été malades ? Je conçois le stress que cette situation peut procurer, mais je ne peux pas sortir des mesures utiles de mon chapeau pour lutter contre ça », a lancé le président du tribunal. « Je ne vois pas quelle est mon utilité dans cette affaire », a-t-il ajouté.

A la barre, Racha Mousdikoudine a vivement défendu sa requête en expliquant que les files d’attentes pour obtenir les fameuses bouteilles d’eau gratuites étaient tellement longues que les travailleurs ne pouvaient pas y avoir accès. Elle a également parlé des bébés contraints de boire de l’eau de pluie, des enfants instrumentalisés pour aller chercher de l’eau et des personnes âgées ou handicapées dans incapacité d’aller faire la queue. « Il faudrait au moins mettre en place un numéro d’urgence pour faire face à ces situations, l’Etat en a les moyens ! », a-t-elle lancé. « Comment la préfecture ose-t-elle affirmer que les libertés fondamentales ne sont pas atteintes quand on voit à Mayotte des femmes obligées de se prostituer pour donner à manger à leur enfant ? », s’est-elle insurgée.

Un argument qui, pour réel qu’il soit, était toutefois hors sujet. Et c’est peut-être là que le bât blessait dans la requête. La présidente de « Mayotte a soif » a listé de nombreux problèmes dont est victime Mayotte et a estimé qu’un diagnostic était réalisable en 48h. Le point faible de son argumentaire était que certains des problèmes énoncés n’étaient pas en lien direct avec l’actuelle crise de l’eau.  Le juge en référé liberté a semblé toutefois se radoucir un peu devant certains arguments énoncés.

Il a cependant jugé que s’il y avait bien défaillance dans la gestion de l’eau à Mayotte, l’Etat avait bien pris des mesures d’urgence en terme de restriction des usages de l’eau et en « importation d’eau en bouteille et en ayant recours aux unités de traitement des eaux de la Sécurité civile « , déboutant l’association.

Nora Godeau

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