Petite précision pour l’étonnement que pourrait susciter l’étude macro-économique de l’année 2021 à Mayotte, nous avons bien un an d’écart avec les autres territoires ultramarins qui commentent leur PIB 2022, quand, en métropole on se félicite d’une légère hausse du PIB 2023. On ne prouverait pas décrire autrement les écarts de traitement entre les territoires français.
Connaître le Produit Intérieur Brut (PIB) d’un territoire, c’est-à-dire sa richesse dégagée, c’est un peu lire son bilan de santé économique. Cela ne veut pas dire que l’on y vit mieux ou moins bien, mais la création de richesse sous-tend théoriquement l’employabilité, et donc le niveau de vie des habitants.
L’exemple de Mayotte est parlant. Le PIB 2021 atteint 3,1 milliards d’euros, soit une hausse de 11% par rapport à une année 2020 où toutes les économies du monde se sont endormies sous la crise Covid. Or, si cela traduit pour l’INSEE une économie mahoraise « plus dynamique en 2021 que le niveau national, +8,2 % », ou que les autres départements ou régions d’Outre-mer, +2,5 % en Guadeloupe à +7,2 % à La Réunion, dès que l’on regarde le PIB par habitant, le moral retombe quelque peu puisqu’il atteint seulement 10.600 euros en 2021, contre par exemple 24.900 euros par habitant à La Réunion en 2022, ou 34.000 en France en 2022. Normal, la croissance démographique est telle que nous sommes de plus en plus nombreux à se partager le gâteau. « Avec une population qui continue d’augmenter fortement, la croissance du PIB par habitant est plus mesurée, +7,6 % par rapport à 2020 ». Il reste encore très éloigné du niveau national : il ne représente que 29 % du PIB par habitant en France ». De plus à Mayotte, il n’est pas encore revenu à son niveau de 2015.
Une richesse produite par la masse salariale des fonctionnaires
D’une part la production des entreprises est repartie à la hausse, mais ce sont surtout les administrations et les associations qui portent la croissance à Mayotte, puisqu’elles constituent les deux-tiers du PIB, soit trois fois plus qu’en France. Leur dépense de consommation finale atteint 2 milliards d’euros, une hausse de 9,5%. « Cette hausse tient notamment à l’augmentation de la masse salariale des agents du secteur public », en 2021. Avec la levée progressive des restrictions sanitaires, les exportations de biens et services reprennent (+28,8 %), tout comme les importations (+18,1 %). Cependant, comme dans les autres Départements et régions d’outre-mer (DROM), la balance commerciale reste très déficitaire : les exportations couvrent seulement 1,7 % des importations.
La bonne nouvelle vient du dynamisme retrouvé des entreprises, toujours par rapport à une année 2020 sous cloche. La valeur ajoutée des entreprises (richesse produite lors du processus de production) progresse de 20 %, après +3,7 % en 2020, pour dépasser le milliard d’euros. D’autre part, le nombre de créations progresse de nouveau fortement dans les secteurs marchands non agricoles en 2021, +33 % pour atteindre un nouveau niveau record. Le statut de micro-entrepreneur auquel Mayotte venait d’alors d’accéder les créations sous forme sociétaire augmentent aussi nettement en 2021 (+30 %). Mais l’accroissement de richesse des entreprises peut être synonyme de marges supplémentaires, et pour reprendre l’idée de début d’article, cela ne bénéficiera alors pas aux habitants. Or, on note que les investissements des entreprises mahoraises ont fortement augmenté, +29 %, ce qui est susceptible de faire bras de levier et de créer de l’emploi.
Au final, petite hausse du pouvoir d’achat
Mais on sait déjà que l’année d’après cette tendance s’est inversée, puisqu’on apprenait selon un des indicateurs fournis par l’INSEE en 2023, que le nombre de créations d’entreprises a légèrement baissé à Mayotte en 2022. D’où l’intérêt d’avoir un PIB le plus actualisé possible.
Comme tout est reparti à la hausse dans cette libération de confinement en 2021, la consommation des ménages aussi, qui augmente de 13,3 %, pour atteindre 1,4 milliard d’euros. Cette progression est liée à la hausse du revenu disponible des ménages, +9 %, liée à la fin du chômage partiel notamment, mais aussi à la croissance des prestations sociales. Dans le même temps, les ménages ont une propension moindre à épargner qu’en 2020. Les actifs financiers détenus, comme les dépôts à vue ou l’épargne, progressent seulement de 2,4 % en 2021 contre +29,4 % en 2020.
Au final, les ménages en ont-ils profité ? Moins que l’on ne l’espérait puisque leur pouvoir d’achat ne croit que de 3%. « En effet, en plus de la forte croissance démographique, l’inflation se fait davantage ressentir en 2021, +2 % contre +1 % en 2020 ».
Avec un PIB par habitant de 10.600 euros, Mayotte reste donc la pauvre parmi les riches de France, et la riche parmi les pauvres de la région.
On ne peut même pas se consoler avec le « PIB ressenti », cette notion qui en analogie aux « températures ressenties », évalue la contribution des revenus à la satisfaction des ménages, étant donné le fort écart-type entre niveau de vie ici à Mayotte, et le niveau de pauvreté (77%) qui y règne.
En tout cas, la France est descendue en 2023 dans le classement des PIB mondiaux à la 25ème place, il suffirait pour regagner du terrain de n’oublier aucun de ses territoires.
Anne Perzo-Lafond