Sa réputation est à refaire désormais : le quartier peu prisé de La Vigie va faire l’objet d’un grand toilettage de 10 ans ! C’est dire l’ampleur des travaux qui vont y être menés. Ce quartier de plus de 9.000 habitants sur près de 160 hectares, soit 14% de la superficie de Petite Terre, à cheval sur deux communes, va faire l’objet d’un projet urbain plus qu’une rénovation urbaine car tout est à bâtir ici.
Il suit 5 grands objectifs. Tout d’abord les voies d’accès. Il s’agit de transformer les chemins de terre en 4 vraies routes, « il y a 1,7 km de voiries à requalifier en enterrant les réseaux d’eau, d’électricité et d’assainissement », explique Thomas Caselli, Directeur du service Rénovation urbaine à la Communauté de Commune de Petite Terre (CCPT). Un chantier que vont mener les société Colas et Suez qui maitrisent le sujet. Des voieries qui vont permettre au quartier d’être mieux desservi, comme l’explique Archadi Abassi, le tout nouveau président de la CCPT : « Elles vont notamment permettre l’accès aux camions de pompiers, à la collecte des ordures qui étaient jusqu’à présent balancées dans la nature et descendaient lors des pluies dans la ravine, et aux forces de l’ordre qui n’arrivaient pas à pourchasser les fauteurs de troubles jusque sur les hauteurs ».
« Un projet gigantesque »
Deuxième axe d’aménagement, la lutte contre l’habitat indigne, en démolissant les 2.000 à 3.000 cases en tôle qui y sont implantées pour reconstruire des logements à destination de tous les Petits-Terriens. Le bailleur Action logement est sur les rangs, mais l’opération sera de longue haleine, « le foncier est maitrisé mais pas possédé, confie encore Thomas Caselli, il y a beaucoup d’indivisions, des frais de successions pas réglés, il faut compter au moins un an pour chaque projet de foncier. »
Il faut en 3ème lieu créer un pôle culturel pour accueillir des salles de spectacle, des espaces de loisirs, une librairie, etc.
4ème objectif, offrir des services aux habitants : avec la création de trois crèches, de trois groupes scolaires, de plusieurs pôles, économique, de santé, de commerces et de services diversifiés, etc. Et le 5ème sera la restauration de la biodiversité locale avec l’aménagement d’un « barreau hydraulique » dans les hauteurs, un fossé qui empêchera le ruissèlement des eaux de pluies sur ce terrain en forte pente, et permettra d’abreuver les zones agricoles
Un projet « gigantesque », rapporte le préfet Thierry Suquet, qui remerciait la CCPT, « il y a eu un vrai portage politique du projet. Les élus ont su négocier avec le comité d’engagement de l’ANRU sur chacun des axes. »
Doublement du prix du projet
Il s’est néanmoins fait attendre cet aménagement urbain, Thomas Caselli en explique les embuches. « A partir de 2017, il a fallu 3 ans pour monter le projet urbain sur les 160 hectares avec notamment de gros problèmes d’insalubrité. » Ensuite, deux crises sont venues jouer les troubles fêtes. Le Covid et ses confinements, qui ont retardé les opérations de maitrise d’œuvre et la guerre en Ukraine qui a fait grimper les prix des matières premières, ce fut l’inflation dans le projet dont l’investissement est passé de 10 à 19,2 millions d’euros.
Chaque partenaire met la main à la poche, explique Archadi Abassi, « L’Etat à travers l’ANRU finance à hauteur de 13,4 millions d’euros, la CCPT, 4,2 millions d’euros, et le conseil départemental, 1,5 millions d’euros.
Un projet qui va se mener en 4 phases, « elles sont autant temporelles que géographiques », commente Jean-Michel Salles, directeur de Colas Mayotte. Les camions ont commencé à œuvrer depuis lundi dernier pour la 1ère phase, qui comprend notamment l’aménagement de 1,7 km de voiries, dégageant sur la piste des nuages de poussière, « on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs !, glissait encore Archadi Abassi, j’en profite
donc pour remercier les habitants de supporter ces nuisances, mais aussi de nous céder leurs parcelles pour réaliser cet aménagement urbain. C’était plus que nécessaire tant les souffrances sont importantes dans ce quartier, j’ai vu des gens transporter avec peines dans les rues en pente des bouteilles de gaz, de la nourriture, il était temps d’agir ! »
Anne Perzo-Lafond