Le séminaire d’anthropologie ISLAND a débuté son cycle de conférences au CUFR fin septembre. Ses différentes thématiques portent sur l’histoire de Mayotte et des Comores, l’économie bleue au sein de l’archipel géographique et son patrimoine. Ces conférences ont pour but de lancer des pistes de réflexions pour monter à l’issue un projet ANR (Agence Nationale de la Recherche) portant sur la singularité de l’insularité. Ce lundi 13 novembre, la conférence du doctorant Raffaele Maddaluno avait pour titre : « Archipel-logiques comoriennes : la matérialité de la mer pour repenser les enjeux de l’économie bleue dans l’océan Indien ». Sa réflexion est le fruit de 7 mois de recherches ethnographiques réalisées dans les 3 îles des Comores et à Mayotte.
Depuis plusieurs années, les principes conservationnistes des aires marines sont mises en place à Mayotte et aux Comores. Mais le chercheur a pu constater sur le terrain que celles-ci sont souvent là pour servir d’appui au mythe de l’économie bleue qui a toujours pour logique la croissance dans une optique capitaliste. Ainsi, elle s’oppose souvent, malgré ses prétentions, à une véritable protection de la mer et de ses ressources, mais aussi aux logiques écologiques des travailleurs de la mer comoriens. « Au cours de mon séjour aux Comores, j’ai pu constater que les pêcheurs et autres travailleurs de la mer avaient une forte conscience écologique, mais que celle-ci n’avait pas la même logique que celle de l’économie bleue que les politiques mettent en place », a déclaré Raffaele Maddaluno. « Parfois, les principes conservationnistes se heurtent aux contraintes matérielles des travailleurs de la mer qui ont une autre façon de voir la protection de l’environnement », ajoute-il.
Des « archipel-logiques » comoriennes
Le chercheur a pu constater au cours de son étude ethnographique que les pêcheurs et autres travailleurs de la mer obéissaient davantage à des logiques inter-île prenant en compte l’intégralité de l’archipel géographique. « Souvent les acteurs de la mer ne sont pas vraiment pris en compte dans les politiques de conservation. Or ils ont leur propre logique qui n’est pas centralisée mais se déploie entre les îles, d’où mon appellation de « archipel-logiques » », explique le chercheur qui précise que sa réflexion n’a pas pour objet de fustiger les politiques, mais de tenter de « déplacer le regard » et de « mettre en évidence l’imbrication profonde entre l’histoire de l’archipel et son économie ».
Par ailleurs, le doctorant a évoqué la manière dont les principes de l’économie bleue et du développement durable affectaient l’imaginaire des populations. « Le développement durable est un mythe qui se heurte parfois aux exigences matérielle », a-t-il souligné en donnant plusieurs exemples de cas concrets qu’il a rencontré aux Comores. Mayotte est, bien évidemment intégrée dans cette étude de par sa connexion historique et culturelle avec les autres îles des Comores. Ces pistes de réflexion aboutiront à la rédaction d’une thèse d’ici 2025 qui viendra ajouter de la matière à l’anthropologie des Comores qui n’a été jusque-là que peu étudiée.
Nora Godeau
Encadré : les prochaines conférences du séminaire ISLAND :
- Vendredi 24 novembre : « Le pain : un objet surchargé de sens »
Intervenante : Cristina Papa, anthropologue à l’université de Perugia
Salle polyvalente du CUFR de 9h à 11h
- Samedi 25 novembre : « Des mensonges pour dire la vérité : l’esclavage à travers les contes de l’archipel des Comores »
Salle polyvalente du CUFR de 11h à 13h
Intervenant : Abdereman Wadjih, anthropologue