Véritable traumatisme, l’agression à la machette en pleine après-midi d’un bus scolaire en novembre 2022, a été un déclic pour les responsables locaux du SNPDEN qui ont accentué leur communication au national. « Nous nous sentions loin et oubliés alors même que des évènements traumatiques se déroulaient dans notre département », nous confie Madeleine Najar, secrétaire académique du premier syndicat des chefs d’établissement, le SNPDEN. A l’écoute, le syndicat national a alors renforcé son appui à la branche locale dont l’apothéose a été ce déplacement de Bruno Bobkiewicz, le « big boss » du syndicat et de Laurence Colin, la « big boss adjointe » la semaine dernière à Mayotte. « Leur venue était d’autant plus nécessaire que la situation dans les établissements ne cesse de se dégrader et que pour l’instant trop peu de chose sont faites pour améliorer l’attractivité de notre territoire », estime Madeleine Najar.
Une situation qui a atterré les secrétaires nationaux
« C’est une chose d’entendre parler des conditions de travail dans les établissements scolaires à Mayotte depuis Paris, c’en est une autre de le constater par soi-même », a déclaré Bruno Mikulovic en amont de l’Assemblée Générale du SNPDEN qui s’est déroulée vendredi après-midi au restaurant l’Orient-Express, situé à Kaweni. Laurence Colin et lui-même ont déjà fait le tour de nombreux établissements scolaires depuis leur arrivée ce 1er novembre et leur constat est sans appel : les conditions de travail sont extrêmement dégradées sur le 101ème département français. « Les deux choses qui m’ont le plus frappé sont la taille immense des établissements et l’absence de restauration scolaire digne de ce nom. Comment peut-on ne proposer qu’une simple collation quand on connait la précarité de la plupart des élèves sur le territoire ? », s’est indigné le secrétaire général. Le manque de sécurité de certains établissements, qualifiés de « véritables passoires », ont également retenu son attention au vu de la délinquance qui frappe régulièrement le territoire.
Ces sujets ont fait l’objet d’une réunion ce vendredi matin entre les responsables syndicaux et le recteur Jacques Mikulovic. Ce dernier n’a malheureusement pas réponse à tout. Le problème du manque d’attractivité du territoire, qui oblige les établissements à employer beaucoup de personnels contractuels même au sein des directions, a également été abordé. « C’est le décalage entre la responsabilité écrasante de devoir gérer des établissements qui comptent jusqu’à 2700 élèves et le manque de formation des personnels de direction contractuels qui pose question », a précisé une cheffe d’établissement présente à l’AG afin de ne pas froisser les susceptibilités. « Au vu de la situation particulière de l’île, les chefs d’établissement en poste à Mayotte se doivent d’être opérationnels immédiatement », a-t-elle ajouté.
Améliorer l’attractivité du territoire : une condition sine qua non
Cette question du manque de personnel titulaire au sein des directions a été largement abordée lors de l’AG. « Il y a deux leviers pour améliorer l’attractivité du territoire : la rémunération via une hausse de l’indexation, bien entendu, mais pas uniquement : il faudrait également améliorer les conditions de travail dans les établissements pour que les titulaires aient envie de venir », a déclaré Bruno Bobkievicz. Pour lui, cela passe par un investissement beaucoup plus important de l’Etat dans l’éducation. Laurence Colin a d’ailleurs estimé au cours de l’AG que le fait que l’Etat gère les établissements scolaires à Mayotte à la place des collectivités, comme c’est le cas en métropole, constitue un point problématique. « L’Etat ne se rend pas compte du budget réel nécessaire à investir dans les établissements pour améliorer les choses à Mayotte », a-t-elle affirmé, appuyée par Bruno Bobkievicz qui s’est exclamé : « Il n’y a qu’à Mayotte que l’Etat gère cela ! ».
Ces propos font écho à la réflexion menée par le Cesem depuis plus d’un an sur la singularité du fonctionnement des institutions de Mayotte par rapport aux autres départements français. Serait-il temps que l’Etat transfère certaines de ses compétences aux collectivités ? La question reste ouverte puisque d’aucuns pensent au contraire que L’Etat devrait intervenir davantage… En tout cas, la secrétaire académique Madeleine Najar ne cache pas qu’elle espère que cette visite du syndicat national fera bouger les lignes en haut lieu et aboutira à une venue prochaine du ministre de l’Education Nationale Gabriel Attal sur notre territoire.
Nora Godeau