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Mamoudzou

Ondes de chic et de choc

Parue il y a peu, la liste Arcom des prétendants à l’attribution d’une fréquence FM locale voit se dessiner des noms déjà connus mais également de jeunes candidats ayant aspiration à apporter leur touche musicale et leur voix dans le paysage radiophonique mahorais; l’occasion d’introduire une sorte d’état des lieux condensé de ce support média historique qui, rappelons-le, a soufflé ses 102 bougies françaises en ce milieu d’année.

Outil majoritairement consommé à travers le globe, la Radio s’est même vue attribuer, le 13 février, une journée mondiale proclamée et adoptée par les états membres de l’Unesco, il y a de cela 12 ans. C’est à la fin du 19ème siècle, près de 4 décennies après l’invention du télégraphe par le scientifique américain, Samuel Finley Breese Morse, que les invisibles ondes électromagnétiques commencent à faire parler d’elles grâce au travail du non moins célèbre ingénieur allemand : Heinrich Rudolf Hertz. Nous sommes alors aux balbutiements de la Transmission sans fil (TSF) qui deviendra par la suite la Radiodiffusion. 

Outil de distraction, de culture, d’information ou encore de propagande, son utilisation auprès du Grand public fut un indéniable levier politique et militaire, notamment lors de la Seconde Guerre Mondiale. En France, du point de vue plus libertaire, ascendant revendicative émancipation, c’est dans les prémices des années 80 que les folles années radios et la pleine émergence trouvent leur apogée se détachant ainsi du monopole étatique qui se voulait bien trop restrictif, sectaire et élitiste. La parole est enfin libérée. La jeunesse s’exprime, exulte de manière plus ou moins cadrée, ainsi les longs débats et l’engueulade à la française prennent leur tant réputé essor ! Un essor qui se voudra tout de même bordé par la loi de 1986 et, trois ans après, la création du fameux Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), devenu l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) en janvier 2022. Autorité publique en charge de la gestion, de la régulation, de la surveillance et de l’attribution de fréquences appartenant, rappelons-le, au domaine public.

Le 24 décembre 1921 sera diffusée la toute première émission Grad public de la station Radio Tour Eiffel (Illustration/DR)

À vos émetteurs, prêts, diffusez !

Rien que pour la bande FM française, entre l’Hexagone et les territoires ultramarins, il est question de plus de « 1 000 opérateurs publics et privés, dont 20% sont issus d’associations* » répartis sur près de 8 000 fréquences. Ça en fait des kilomètres d’ondes à veiller, surveiller mais également attribuer ! Pour notre région, cette responsabilité consultative relève du Comité territorial de l’audiovisuel (CTA) la Réunion – Mayotte, présidé par Gil Cornevaux et la secrétaire générale Blandine du Peloux : « Le collège est composé du président donc, ainsi que de 6 membres, dont 2 de Mayotte. Garants et régulateurs de l’espace Audiovisuel régional qui se doit d’être varié, en plus du respect législatif et conventionnel, nous assurons les reconductions de fréquences mais ouvrons également des appels à candidatures, comme il fut cas en juin dernier. Nous sommes ici dans le cadre de fréquences déjà attribuées antérieurement qui arrivent à échéance ».

Homme avec un noeud de papillon
Gil Cornevaux, président des tribunaux administratifs de La Réunion et de Mayotte ainsi que du CTA régional

Sur l’ensemble des dossiers reçus, seul 1 a été rejeté pour motif de non respect de la date buttoir. Ils sont ainsi 16 prétendants de catégories A et B a espérer l’attribution d’une sacro-sainte onde hertzienne nouvelle ou supplémentaire. Cet avis rendu de présélection sera soumis au Département pour une durée de 2 mois, suivi par un aval final global donné et publié au Journal officiel de la République française. Véritable grossesse administrativo-électromagnétique, la procédure escomptée se table sur 9 mois dans sa globalité. À noter que l’attribution d’une fréquence s’inscrit sur une durée de 5 ans, renouvelable 2 fois par la suite. 

Le paysage radiophonique mahorais 

Entre les radios publiques et les privées, notamment associatives qui se veulent majoritaires, Mayotte compte au bas mot une vingtaine d’entités émettrices ainsi qu’une petite dizaine de web-radios. La doyenne de ces stations FM, Dziani FM, en Petite-Terre, qui a émis pour la première fois en 1988 et qui a été dernièrement reconduite, en juin 2019, pour une durée de 5 ans.

Émission en direct de studio de Dziani FM en 2012 (archives/DR)

Validée en août dernier, suite à un appel Arcom-CTA de juin 2021, Chiconi FM — créée et gérée par Adolph Marssel et diffusée sur le Grand Ouest depuis 2017 — se verra amplifiée d’ici peu, en zone Est, par l’attribution d’une 2ème fréquence. Sa vocation première ? L’approche sociale, éducative et de proximité : « À l’époque, nous avons débuté dans une chambre avec une diffusion ciblée plutôt réseaux sociaux et internet mais très vite nous avons touché du doigt que nos besoins seraient plus accrus notamment en termes d’impact. Notre optique se voulait dès le départ basée sur l’enrichissement social et pour cela, nous devions nous faire connaitre plus amplement. Cette fréquence radio, nous l’avons tant désirée et la création d’un vrai studio nous est apparue logique. Cet investissement est avant tout l’oeuvre d’amoureux de la radio et l’effort de bénévoles » nous confie le précité responsable évoluant en parallèle, à titre professionnel, dans le milieu de l’Éducation nationale.

Adolph Marssel en pleine émission aussi relayée via la TNT sur la chaîne Chiconi FM-TV (DR)

Parmi les tous nouveaux candidats à ce récent appel pour l’exploitation de services de radio à temps complet, Sun FM émettant depuis la pointe de Koungou et ce, depuis près de 2 ans. Sun FM, c’est un format musical et c’est surtout la seule radio associative de notre île à détenir déjà 3 fréquences et prétendre en une 4ème donc. À la genèse de sa création, un passionné déjà bien aguerri en la matière qui, un peu à l’image d’Obélix et l’emblématique potion magique, est tombé dans le milieu radiophonique, par son père, déjà depuis tout petit. Ce professionnel des ondes, c’est Coumarene Permale : « En plus d’avoir contribué au développement de la radio sur La Réunion, j’avais également été précurseur dans le domaine de la création et diffusion d’une webradio plutôt célèbre à thématique en région parisienne. Dans l’immédiat, ici, le statut associatif convient sachant qu’il est complexe de développer réellement une radio commerciale sur notre territoire. Nous n’avons donc pas de salariés mais c’est en projet. Le mode associatif est prédominant à Mayotte car il y a un manque évident de structures professionnalisantes en la matière et malheureusement, cela va aussi de pair avec la gestion, les délais et l’accompagnement de services locaux dédiés à l’obtention de subventions. Les institutions nationales telles que la Préfecture et la Drajes, pas de soucis mais pour le reste, il faut avouer que c’est plus complexe ».

Coumarene Permale lors d’une interview sur une radio réunionnaise à l’occasion de la célébration des 100 ans de la bande FM française

Pour subvenir à ses frais de gestion et de maintenance, Sun FM bénéficie notamment du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale octroyé par le ministère de la Culture et qui en revêt un caractère sélectif relevant de l’installation, de l’équipement, de l’exploitation ou bien d’un 4ème critère propre à l’action même de la radio. En 2021, ce sont 720 radios associatives françaises qui ont bénéficié de ce FSER.

Les catégories B

Outre les radios associatives privées et les supports publics, se greffent donc sur notre territoire une autre sous catégorisation qu’est la mention B. La définition officielle stricto sensu référencée par l’Arcom : la vocation des FM privées de catégorie B relève des services de radio locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme à vocation nationale. Sur notre île, il existe 6 radios de ce type dont Mayotte One (anciennement Radio Machaka) créée initialement en Métropole en 2006 pour une diffusion qui se voulait exclusivement 2.0 :

Mayotte One ne dispose dans l’immédiat que d’une seule fréquence sur le territoire en plus de sa diffusion sur web

« À l’époque, nous nous sommes en fait trompés lors de l’enregistrement administratif de notre dossier. Nous souhaitions initialement être de statut A, associatif mais nous avons coché la catégorie B. Il était tellement complexe de faire ce changement à l’issue que nous avons finalement abandonné l’idée » concède non sans humour Ahamada Madi Baco, président de ladite radio avant de poursuivre : « L’inconvénient statutaire de cette erreur fait que nous ne pouvons prétendre à certaines subventions nationales annuelles telles que le FSER; le point positif, c’est que nous sommes plus libres dans le fonctionnement même de la radio. Nous avons un studio sur Longoni et la mairie de Koungou nous aide notamment ».

Le président de Mayotte One, Ahamada Madi Baco, souhaiterait qu’il y ait un travail d’accompagnement plus appuyé pour les radios locales mahoraises en plus d’une entraide globale

Mayotte One, c’est une radio culturelle au sens large qui souhaite promouvoir l’éducation ainsi que les jeunes artistes locaux intra-muros ainsi que la sensibilité mahoraise de manière globale. Globale de par le caractère géographique, même international, de ces animateurs. En effet, en diffusion sur le Nord de l’île au moyen d’une seule fréquence hertzienne, Mayotte One continue en parallèle sa diffusion internet au moyen d’émissions produites physiquement et/ou distance depuis notre territoire mais également l’Hexagone, La Réunion ou encore l’Espagne aux dires de son président… Les mahorais sont de partout et cette richesse d’ouverture se veut alliée à une programmation plus de proximité grâce, par exemple, à l’intervention de mamans pour des sujets sociétaux plus classiques. Savant mélange de modernité et de traditionnel que cette radio souhaiterait élargir au moyen d’une seconde fréquence de diffusion demandée par le biais de ce dernier et récent appel, estampillé Arcom-CTA.

Bien que le tout numérique tende à rendre désuet le tube cathodique devenu plat et ce, malgré sa TNT, il semblerait qu’il n’en soit guère cas pour son cousin radiophonique qui se voit également gratifié d’une efficiente modernisation par la technologie du Digital Audio Broadcasting, plus communément connu sous le diminutif de DAB+. En plus de l’appui web, la radio fait toujours des émules, aussi à Mayotte, à en croire les derniers résultats Médiamétrie publiés en avril 2023.

En complément de la bande FM classique, le DAB+ permet d’écouter la radio gratuitement et ce, sans abonnement d’un opérateur mobile. On y accède par les ondes, sans connexion, en divers endroits, voitures incluses, si elles sont équipées niveau récepteur. Là où la FM oscille entre 87.5 à 108 MHz en bande VHF-II, le DAB+ se situe dans la bande VHF-III entre 174 à 240 MHz. Bien que le crachin FM ait son charme, la radio numérique se veut donc d’une meilleure qualité d’écoute avec, de surcroît, une plus grande portée continue.

L’anonymat vocal ayant laissé depuis fort longtemps sa place à l’appui visuel mais également médiatisé (pléonasme), il n’en demeure pas moins que l’envers du décor des studios de radios, toujours autant mystérieux, fascine. Souhaitons à notre île une richesse de programmation auditive tendant à ouvrir les esprits, sainement critiques et curieux de notre département, pour que les idées et la soif d’appendre se diffusent très largement par delà l’enfermante insularité.

ON AIR (illustration/DR)

Merci à ces courageux passionnés, bien souvent bénévoles en plus de leurs classiques et prenantes activités, de croire et d’appuyer au moyen de ces outils, le plein potentiel de notre talentueuse jeunesse qui ne demande, au final, qu’à exister et s’exprimer…autant que cela soit derrière un micro, cela limitera considérablement les dégâts… Que la Magie de l’acousmatique opère ! À vous l’antenne.

 

MLG

Roch-Olivier Maistre est le président de l’Arcom depuis le 4 février 2019 pour un mandat de 6 ans (DR)

 

*Données officielles Arcom

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