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lundi 27 janvier 2025

Décès d’une sage-femme en deux roues : prison ferme pour le chauffard

C’est une audience pour la justice et pour la mémoire de Soizic Pengam, une jeune femme que ses proches décrivent comme pétillante, qui se tenait ce mardi en correctionnelle. En l’absence du prévenu.

L’accident mortel date d’il y a plus d’un an. Ce 24 mai 2022 à Bandrélé, le conducteur d’une Peugeot 4008 effectue un dépassement à l’entrée d’un virage, et percute un scooter, le choc sera fatal à sa conductrice. Elle décède quelques minutes plus tard d’un traumatisme crânien sévère ayant provoqué une hémorragie importante malgré le casque.

Sage-femme au CHM, Soizic Pengam avait rendez-vous avec ses amis très tôt ce 24 mai 2022 pour gravir le Mont Choungui et profiter du lever de soleil, une randonnée prisée des touristes. Elles se donnent rendez-vous non loin de la Guinguette, et décident de partir en voiture, elle est seule à préférer partir avec son scooter car elle travaillait dans la foulée. Elle s’habille en fonction avec pantalon et veste. Arrivés à la hauteur d’un virage à Bandrélé à 4h20, alors qu’il fait encore nuit, ses amis sont stoppés : la conductrice de deux roues est allongée sur la chaussée, une voiture est arrêtée, les warnings allumés.

L’une d’elle prend le pouls de la victime au sol, il n’y a pas de répondant. Ils s’aperçoivent alors que c’est leur amie Soizic et vont se relayer pour pratiquer le massage cardiaque. Elle perd beaucoup de sang, et le SAMU ne pourra que constater le décès à son arrivée. Le traumatisme crânien ayant provoqué une forte hémorragie.

Le conducteur A.M. est absent à l’audience et non représenté. C’est un chemin qu’il connait bien pour être originaire de Bandrélé, et conduit chaque matin de employées de la Laiteries de Mayotte à Kawéni sur leur lieu de travail. Ces dernières ne dressent pas un portrait du conducteur modèle, mais plutôt d’un chauffard : « Il a une conduite très agressive, et quand on lui dit, ça l’énerve », déclare l’une, « il a dès fois des dépassements dangereux », témoigne sobrement l’autre aux enquêteurs en rajoutant qu’il aurait fait des grigris contre elles pour qu’elles tombent malades parce qu’elles l’énervaient.

« Un rayon de soleil »

Accident, Mayotte, scooter, Sage-femme
C’est une plaidoirie dans un contexte très lourd que livrait Me Aurore Baudry

Placé en garde à vue, A.M. avoue, « je suis fautif, je sais », et selon sa version des faits, c’est en se rabattant après le dépassement qu’il a mis les pleins phares, ce qui aurait ébloui la conductrice du deux roues, « elle s’est mise à zigzaguer ». L’analyse de sang ne trouvera pas d’alcoolisation au-delà du taux légal chez elle, rien chez lui. Lors de l’impact, son corps sera projeté à 25m, ce qui portera une évaluation de la vitesse de la 4008 à 100 km/h, avec un véhicule qui s’est déporté sur la voie opposée.

Dans la salle d’audience, une partie de la famille de la jeune femme qui a fait le déplacement depuis la métropole, sa maman, son frère, sa marraine, et ses amis, nombreux, venus pour un dernier hommage. Car à travers ce procès, c’est ce qu’ils ont tous voulu : raviver la mémoire de Soizic Pengam à Mayotte, que cette île à 10.000km de l’Hexagone se souvienne du passage de cette jeune femme dont la vie s’est arrêtée à 25 ans.

A la barre, sa maman décrit sa fille : « Elle a toujours été tournée vers les autres, monitrice de jeunes enfants, scoute, baby-sitter, elle appartenait aussi à l’association nationale des étudiantes sage-femmes. C’était une jeune fille pétillante, arrivée en 2021 à Mayotte et dont elle apprenait la langue locale. Elle n’avait pas peur de l’échec, une battante. » Douleur supplémentaire, Soizic avait perdu son papa quelques mois avant puis sa grand-mère. « C’était pour nous tous un rayon de soleil, avec une énergie positive, alors pourquoi ? Pourquoi sa vie s’est-elle arrêtée brutalement, elle qui voulait se consacrer à l’humanitaire ? », interrogeait-elle avant de fondre en larmes.

Un discours qu’aurait dû entendre l’auteur de l’accident, mais c’est donc en son absence que la collégialité des juges dressait son portrait. Cet homme marié et père de 5 enfants, est chauffeur de bus chez Carla Transports Baltus. Il est titulaire d’un CAP de menuisier. Son casier judiciaire n’est pas vierge, mais étant donné qu’il a exécuté « de plein droit » ses peines, la justice ne peut en tenir compte. La juge glissera seulement que les deux condamnations « étaient en lien avec la circulation routière ».

12 morts sur 17 sur les routes de Mayotte sont des deux roues

Dans le cadre d’une opération de prévention, reconstitution d’un accident moto contre voiture

L’avocate de la famille Me Aurore Baudry juge que cette absence est la preuve que le prévenu n’est « pas en capacité d’assurer ses responsabilités ». « Et pourtant, sur 17 morts sur la route à Mayotte, 12 touchent des scootéristes. Comment faire pour arrêter ça ?! » C’est pire qu’un comportement de chauffard que décrit l’avocate, « il terrorise tout le monde, l’une de ses passagères parle de dépassements dangereux, de freinages d’urgence, et rapporte aux enquêteurs qu’il y a quelques jours il a exercé des menaces contre elles, ‘il a fait des prières pour qu’on tombe malade’, ont-elles rapporté. Elles font même des partages de localisation avec leurs proches quand elles montent avec lui. »

C’est par une image forte que la vice-procureur Louisa Ait-Hamou entamait ses réquisitions, « elle est venue à Mayotte pour donner la vie, elle y a trouvé la mort ». Et évoquait deux éléments, la connaissance de la route du prévenu à cet endroit-là, « il habite Bandrélé », et le fait qu’il allume ses phares au moment où il se rabat, « il ne les avait pas avant ? ». En tout cas, les faits sont là, « il roulait vite et ne maitrisait pas son véhicule, elle n’avait aucune chance d’en réchapper. » Estimant que A.M. « ne reconnait pas sa responsabilité pénale », la parquetière demandait 3 ans de prison dont 18 mois ferme, « avec mandat d’arrêt », et l’interdiction du permis de conduire pendant 5 ans.

Le verdict suivra point par point ces réquisitions, et l’ensemble de la famille pourra défendre ses intérêts civils le 4 avril 2024.

A.P-L.

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