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Mamoudzou

Un toit pour tous et tous pour un digne chez soi !

Lutter et résorber les habitats illicites et insalubres tout en proposant en un laps de temps finalement assez record, des solutions concrètes, plus ou moins transitoires, de relogements dignes, pratico-cohérents au regard des besoins et de la typologie des familles et ce, à bas coût;  telles sont les grandes lignes dégrossies alimentant la genèse de ce défi. Un défi de taille impulsé en 2021 par le Plan Urbanisme construction et architecture (Puca), la Direction générale des Outre-mer (Dgom), ainsi que la Direction de l’habitat de l’urbanisme et des paysages (Dhup) avec le soutien indéfectible du groupe Action Logement. 

Bref rappel introductif

Selon la conseillère Echati Issa (veste verte au c.), il est important de se rappeler du poids et de l’honneur que représentent l’accès la propriété dans la société traditionnelle mahoraise

Mayotte, c’est donc un territoire où règne la précarité économique avec, de surcroît, un fort taux de logements insalubres et illégaux — 32% sur un total de 70 000 résidences recensées* — bien souvent positionnés en des configurations topographiques complexes, pour ne pas dire dangereuses (pentes abruptes, sols friables, zones inondables…). Mayotte, c’est une récente politique accrue en termes de lutte contre l’habitat informel et, par effet de vases communicants, une nécessité impérieuse et massive en matière de relogement : « On parle de près de 2 000 besoins par an alors que le 1er promoteur immobilier local, la SIM, peine à en produire 600 annuellement » précise dans son discours d’ouverture la conseillère départementale de Koungou, Echati Issa. Et là où les mauvaises langues viendraient glisser leur dynamique d’amalgame, rappelons, preuves à l’appui, que les populations qui composent ces bidonvilles sont à dominante — estimation aux deux tiers  — soit françaises, soit en situation régulière. Oui, il existe aussi des mahorais pauvres, sans foncier hérité de leurs parents et ce programme vise justement à les aider « tout en reconstruisant la ville de demain » comme ne manque pas de le souligner Mohamadi Soumaila, chef de Service développement durable des territoires au sein de la Dealm. Tenir compte de l’approche culturelle et traditionnelle tout en se dirigeant vers cette indispensable standardisation aussi nationale, à l’image d’un monde en perpétuelle évolution, là est le jeu d’équilibriste des acteurs référents en matière de logements sociaux mais aussi des décideurs politiques qui se doivent d’être davantage participatifs, présents et de trancher pour faire avancer les choses.

Hélène Peskine et Nizar Assani Hanaffi signent officiellement la convention PUCA et Action Logement qui offre respectivement aux 3 lauréats une aide de 70 000 euros dans le cadre de ce projet TOTEM

Le logement locatif très social adapté

Ce dispositif expérimental étalé sur 5 ans (2021-2026) vise donc a créer rapidement des solutions immobilières, de préférence modulables, à moindre coût, notamment au moyen de systèmes semi-industrialisés mais également de matériaux locaux biosourcés afin de sortir un produit final rentable, pour le retour sur investissement, tout en offrant un loyer des plus modérés, justement accessible aux profils des locataires visés.

À Mayotte, 1/3 des habitats sont précaires. Ici, le quartier de Disma à Kawéni (archives/illustration)

Des locataires qu’il faudrait intégrer dans ce processus de construction pour justement qu’il y ait ce sentiment final renforcé d’appropriation ? C’est une option soulignée par l’ensemble des lauréats, aussi en lien avec le cahier des charges du programme, tout comme il est indispensable qu’il soit envisagé un réel accompagnement de socialisation, comme le précise Nizar Assani Hanaffi, président du Comité territorial d’Action Logement Mayotte : « Soyons honnêtes et directs, nous nous adressons à un public qui passe d’une vie en banga à un logement digne, en dur, avec aussi des parties communes. Cette approche globale également éducationnelle, il faut pouvoir la prendre en considération. Que les gens comprennent la notion du vivre ensemble, du respect et de l’intérêt d’entretenir réellement tout cela. Il est aussi question de transition culturelle ». Une transition culturelle tout à fait légitime mais qui ne doit en aucun cas être un frein à la modernisation aux dires d’Ali Ahmed Mondroha, directeur de la Société immobilière de Mayotte (SIM) présent à cette occasion : « Cette adaptation, il en a été naturellement cas, 50 ans en amont, à la Réunion et cela perdure dans certains quartiers, en d’autres territoires et même en Hexagone. Ce sont des problèmes classiques de la Vie en communauté je dirais. Lorsque un mahorais part en Métropole, on ne se soucie pas de savoir si le logement lui correspond bien, non ! Il s’adapte à ce qu’il y a, point final. Je pense qu’on ne peut se permettre de perdre trop de temps en des réflexions de ce type car, rappelons-le, il y a urgence ! ».

Forte de 45 ans de vécu, la SIM représentée ici par son directeur, Ali Ahmed Mondroha (tout à g.), est une entité historique dans le paysage immobilier et social de Mayotte

Structurer la demande 

Sur notre territoire, les demandeurs de logements sociaux c’est à peine 2 700 dossiers enregistrés et encore, pas tous actifs selon Psylvia Dewas, experte chargée de la résorption de l’habitat illégal à Mayotte « Nous commençons par étape à pourvoir analyser et évaluer les données concrètes en matière de logement social. Si cette structuration arrive à se faire de manière encadrée et sérieuse à échelle départementale, nous serons à même d’évaluer la typologie réelle des ménages et leur souhait géographique de résidence; ainsi cela permettra de définir les besoins réels des communes. Différents outils informatisés se déploient sur notre territoire, avec accompagnement et formation par l’État auprès des acteurs locaux, pour justement continuer à construire avec anticipation ce travail de clarification du paysage mahorais. Ces projets tests du type Totem sont aussi l’opportunité d’identifier les différents freins rencontrés et de les modeler au cas par cas avec l’objectif d’en sortir à l’issue un modèle économique viable et efficient ».

Pour Psylvia Dewas, de la prefecture de Mayotte, il est important de continuer à évaluer le besoin objectivement en matière de logement social et d’utiliser les projets comme TOTEM comme approche d’expérimentation dans la chaine de production de solution de relogement

Un modèle qui se doit aussi de trouver enfin la solution miracle en matière de foncier et d’adaptation de son initiale configuration car là est, sans surprise, le frein majeur. Mayotte peut-elle continuer à prétendre à ses aspirations de maison unique, individuelle et extensible selon la tradition matriarcale ? Nos côtes ne sont guère étirables tout comme « on ne peut construire sur les plages » comme aime à le rappeler non sans une ironique pointe d’humour Nizar Assani Hanaffi : « Re-précisons juste une chose, pour avoir du foncier disponible à aménager, il faut qu’il y ait quelqu’un qui le décide et qui dise officiellement : tenez, prenez ce foncier et aménagez le. C’est tout ! Sans ça, on ne construira pas. Et concernant la densification, Action Logement y réfléchit à Mayotte comme ailleurs; il ne s’agit pas de densification brute mais la modernisation est nécessaire et, clairement, le logement individuel en tant que tel n’a plus lieu d’être sur notre territoire. Il n’est jamais trop tard, il faut juste de la volonté ».

Les 3 équipes lauréates de ce projet innovant TOTEM

Nos 3 laureats 

Dans le cadre du plan logement Outre-mer 2 (2018-2022) la volonté se portait donc sur la mise en place d’une initiative innovante pour essayer d’ouvrir un peu le champs des possibles sur la construction transitoire et d’urgence à destination de personnes qui accèdent pour la première fois à un habitat en dur, légal et digne. En somme une dynamique de développement bien singulière « dont la Métropole n’avait pas plus trop l’habitude » selon la vision bienveillante et impliquée d’Hélène Peskine, architecte urbaniste générale de l’Etat et secrétaire permanente du Puca. Ce sont donc 35 dossiers de candidatures qui ont été réceptionnés dès fin 2021, pour une première sélection qui a permis de dégager 16 équipes qui ont bénéficié chacune d’une indemnité de 15 000 euros octroyés par la Direction générale des Outre-mer. Après une seconde sélection, il fut question de 8 projets retenus — gratifiés cette fois-ci d’une prime de 30 000 euros — pour au final un podium top 3 invité à poursuivre l’aventure, notamment dans la réalisation concrète de ses respectifs prototypes, appuyés par la généreuse subvention d’Action Logement, d’un montant de 70 000 euros (pour chaque). Au menu des aspirations du cahier des charges initial, innovation, performance économique, développement de l’économie locale ou encore, qualité architecturale.

Système de charpente légère, adaptable et manipulable par assemblage pour le projet Nyumba Ya Maesha
  • Nyumba Ya Maesha, une maison pour la vie est un projet porté le cabinet Air Architecture sur le village d’Hajangoua, commune de Dembeni. Prix du mètre carré avec fondation : 907 euros. Son principe, un assemblage des pièces de bois de petite taille pour la structure, garantissant ainsi solidité mais également légèreté, donc facilement transportable. Possibilité d’une modulation en R+2 (rez-de-chaussée + 2 étages), le développement économique local se fait notamment grâce à l’utilisation du matériau qu’est la brique de terre compressée. Et niveau conception bioclimatique, nous sommes bien-entendu sur un système de ventilation traversante naturelle.
  • Dagoni. Implantation visée sur le quartier Boboka, commune de Mamoudzou. Prix du mètre carré avec fondation : 970 euros. Aux commandes, les cabinets Tectõne et GRZ architecture. Allant du T2 ou T4, avec duplex, nous sommes sur une configuration de modules polyvalents élaborés en une configuration artisanale par l’assemblage de cadre en bois de dimensions standards —  90 x 250 cm —  pouvant être positionnés soit à la verticale, soit à l’horizontal, et remplis ou non notamment au moyen de lame de bois en gage de brise vue et système d’aération mais également de briques de terre crue compressée.

    Les cadres structurels du projet Dagoni ont vocation à être utilisés de manière polyvalente. Ici, remplis de briques de terre compressée
  • Davu Dago, maison en herbe. Projet pensé par l’architecte Julien Beller sur les hauteurs de Doujani, commune de Mamoudzou. Prix du mètre carré avec fondation : 1 104 euros. Au programme, 17 logements R+2, pouvant aller du T2 au T6, duplex, armés d’une charpente en bambou, « matériaux du futur, aussi utilisé par la NASA, à la gestion thermique et géothermique incroyable » au dire de l’architecte précité. La structure, un peu dans une approche de maison sur pilotis, se positionne sur des poteaux en béton solidement armés dans le sol. Les murs ? Du torchis traité imperméabilisé et une façade extérieure métallique traitée contre les phénomènes de corrosion notamment en milieu marin. Le choix de ces matériaux se portant, encore une fois, dans cette volonté de développer et industrialiser les filières locales pour que cela profite économiquement parlant à la population.

    Le projet Davu Dago valorise et emploie le bambou comme charpente

Ce sont donc les derniers réglages qui s’amorcent avant envoi concret des respectifs prototypes visant également une approche pilote innovante à échelle nationale pour repenser la construction immobilière dans une aspiration qui se veut aussi, et avant tout, dans un respect environnemental. Cette présentation s’est inscrite dans une journée globale de table ronde et d’échange quant développement de l’offre de logement sur Mayotte dans ces optiques du durabilité, d’innovation, d’économie verte et de réduction des coûts.

MLG

À l’occasion de ce séminaire TOTEM, les projets lauréats étaient exposés au Grand public

Sylvia Frey, architecte et gérante d’Harrapa fait partie des 2 projets ayant été nommés à titre de mention. Intitulé Totem Architectonique, il est proposé des cubes modulables et empilables à l’ossature innovante — en béton armé et acier — pouvant aller du logement simple de 46m2 à l’immeuble collectif R+4

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