Quelle(s) priorité(s) se dessine(nt) d’ores et déjà au regard de vos nouvelles responsabilités ?
Saïd Omar Oili : Pour tout de suite, sans parler de loi, l’urgence est claire, c’est la crise de l’eau. Sans eau il n’y a pas de vie et nous le touchons durement du doigt au quotidien. Cette question a fait rejaillir à la surface la problématique des sous-investissements à Mayotte. Là où les autres infrastructures ont toujours trouvé le moyen de s’adapter, il ne peut en être cas pour l’eau. À l’école, il a été aménagé des horaires et rotations, à l’hôpital les solutions se sont portées sur des consultations et soins trouvés dans le milieu libéral ou même à l’extérieur, hors territoire; pour les routes, on se lève à 3h du matin… Mais pour l’eau, on a touché le fond, on ne peut plus s’adapter. Aujourd’hui il est urgent que l’État et les collectivités puissent s’asseoir autour d’une table. Et sortir un vrai plan de rattrapage.
Le préfet Thierry Suquet est donc le nouveau référent pleins pouvoirs en termes de gestion de cette crise de l’Eau, a-t’il été fait état d’une demande de réunion exceptionnelle ?
Saïd Omar Oili : Dans le cadre de mes fonctions municipales et même intercommunales, bien évidemment, nous avons toujours eu contact et connexion avec les services préfectoraux ainsi que le Syndicat des eaux de Mayotte pour justement décider des mesures d’adaptabilité et de transition mais à l’heure actuelle, c’est avec la sphère nationale qu’il faut aussi communiquer. Et je m’engage en tant que sénateur que nous fassions réellement des bilans de tout qui a été précédemment lancé et entrepris. C’est une réalité, les gens ne savent pas où nous en sommes. Personne ne connaît vraiment les tenants et encore moins ce que devraient être les aboutissants. Je veux que nous procédions par des évaluations d’étapes systématiquement pour savoir si réellement ou non, nous avons pu améliorer les conditions de vie des Mahorais. L’autre priorité, aussi parallèle à cette crise pour laquelle il faut absolument que l’on s’attelle, c’est la gestion des naissances.
L’ARS a déjà entrepris un travail de terrain et de sensibilisation, notamment auprès de la féminine patientèle, quant aux divers moyens de contraception disponibles sur notre territoire. Selon-vous, comment peut-on davantage appuyer cette démarche ?
Saïd Omar Oili : Dès l’école, il faut que les élèves réalisent ce qu’engendre, en termes de responsabilités et de coût financier, le fait d’avoir un enfant. Qu’il en soit également cas pour 5 voire 10. Il faut que les prises de conscience s’amorcent dès le plus jeune âge. Second point qu’il faut s’avouer un phénomène que j’ai moi même pu constater en tant que professeur, notamment pour les jeunes filles approchant de leur majorité : avoir un enfant c’est synonyme d’obtention de la nationalité française et d’une régularisation de sa situation. Il faut que les choses soient plus claires en ce sens et que le systématisme soit désancré des mentalités. Bien qu’il n’existe pas de droit du sol sur notre territoire, les problématiques migratoire et démographique sont alimentées de surcroît par notre complicité locale plus ou directe et tout ceci ne peut plus être au regard de nos défis et notre volonté d’évolution, notamment fasse à la pauvreté. C’est bien ce facteur culturel qui détermine aussi cette dynamique des nombreuses naissances. La notion de pauvreté en Hexagone n’est pas la même que celle rencontrée à Mayotte. Nous ne sommes pas sur les même standards et il faut, encore une fois, conscientiser la population sur ce que coûte réellement un enfant. Si les gens viennent d’autres pays pauvres environnants, bien entendu que cela ne les dérangera pas outre-mesure de vivre dans des bangas; quelque part, c’est quelque chose de tristement commun pour eux. Mais si nous luttons efficacement contre ces habitats insalubres et que nous nous alignons réellement dans cette volonté des standards métropolitains, les gens se rendront compte qu’il y a des choses qui ne peuvent plus être et que tout à un coût bien au delà du bricolage adaptatif qu’ils ont connus par le Passé. Pauvreté et développement ne peuvent aller de pair.
Je reviens sur le sujet qui anime légitimement notre actualité quotidienne, cette crise de l’eau. Vous indiquez qu’il faut des moyens plus conséquents. Bien sûr on ne peut revenir en arrière et cela ne sert à rien dans l’immédiat de polémiquer mais en me positionnant tel l’avocat du diable, je dirais que des moyens, bien en amont, il y a eu; manifestement ils n’ont pas bien, voire pas du tout été utilisés. Aujourd’hui oui, il faut pouvoir palier à cette crise et rattraper notre retard. Comment peut-on prétendre à quelque chose d’efficient et de nouveau, en termes de dynamique et de vision de travail, s’il est toujours question d’acteurs antérieurs ?
Saïd Omar Oili : Je pense sincèrement que lorsque la démographie et le recensement ne sont pas clairement définis, on ne peut avoir une vision claire de la consommation et donc des besoins à anticiper. Cette crise s’inscrit dans une tout global. Regardez, je prends pour exemple le quartier de la Vigie, en Petite-Terre; vous avez un compteur officiel et on ne sait combien de personnes utilisent le réseau qui lui est affilié. Il faut mettre en place une vraie politique publique en matière de gestion de cette ressource et donner à Mayotte des vrais standards de développement métropolitains avec les contrôles et sanctions qui s’imposent pour que les gens fassent attention à tout, parce que tout à un prix justement. Aujourd’hui, la base de tout cela, c’est la démographie. Chaque année, on doit produire approximativement 2 000 m3 en plus, c’est juste ingérable. Il faut donc repartir sur des bases bien plus claires pour pouvoir mener une politique cohérente en ce sens. On ne peut plus s’adapter par le bricolage.
Aujourd’hui, le sénateur Thani Mohamed Soihili est réélu. Vous n’appartenez pas forcément à la même famille politique au sens strict du terme mais êtes plutôt dans une mouvance commune, proche de la dynamique présidentielle. En quoi cela pourra être une force pour faire entendre la voix mahoraise au Sénat ?
Saïd Omar Oili : Je suis un homme libre et je peux aller dans n’importe quel groupe politique, il n’y a aucun problème à cela. Je ne l’ai jamais caché, je suis macroniste mais je ne suis pas Renaissance, c’est bien la différence. Je pense que cette diversité est une chance et comme je l’ai toujours dit, je préfère m’adresser à Dieu plutôt qu’à ses saints… Nous verrons en temps voulu de quoi il en retourne.
Quel est donc votre planning à très courte échéance monsieur le sénateur ? Une réunion avec votre homologue justement ?
Saïd Omar Oili : Alors mon confrère de son côté a déjà son bureau à Paris, son logement et son installation bien concrète; de mon côté, je dois en urgence prendre l’avion ce mardi pour justement me rendre au Sénat, chercher un groupe, des collaborateurs, trouver un bureau et assurer rapidement cette légitime installation, à minima, qui est mienne au regard de cette nouvelle mission mais surtout, et j’insiste, revenir au plus vite à Mayotte et me mettre au travail. Car oui, pour moi le travail concret se fait ici, sur notre département. Paris est juste pour aller défendre les dossiers.
Un homme libre et donc pressé qui doit également déposer d’ici peu sa démission, tant au niveau de sa municipalité de Dzaoudzi-Labattoir que celle de la présidence de l’interco de Petite-Terre, au motif légitime d’un non cumul de mandats et qui, nourri de ses 2 décennies de fonctions d’élu en divers postes stratégiques sur notre territoire, devrait sans tarder enclencher sa dynamique de travail au profit, nous l’espérons, de la qualité de vie des concitoyens mahorais. Et soyons clairs, il y a urgence.
Propos recueillis par MLG