C’est peu de dire que le projet Caribus revient de loin. Porté au départ par la commune de Mamoudzou, il montait un cran au niveau Communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou (CADEMA) rédigé par l’ingénieur Mohamed Hamissi, mais connaissait une période de froid entre les représentants des deux collectivités, Mamoudzou et CADEMA, après les dernières municipales, le chef-lieu et Dembéni n’étant plus en phase. D’autre part, il était redimensionné avec un budget qui n’avait pas suivi. Enfin, il se heurtait à une frange de chefs d’entreprise qui voyaient leur chiffre d’affaires en danger au fur et à mesure que les pelleteuses allaient arriver sur Kawéni.
Il avait fallu alors toute la pugnacité d’un Rachadi Saindou pour relancer la machine, et le réalisme du battant maire de Mamoudzou avait permis de renouer le contact et d’avancer. Les deux hommes se congratulaient même ce lundi. « C’est un moment historique dans le quartier de ma plus tendre enfance, lançait Rachadi Saindou, nous étions le seul DOM à ne pas avoir de réseau de transport en commun public, nous avons enfin rendu ce projet concret, merci à la mairie de Mamoudou de nous avoir accompagnés. »
De son côté, le maire Ambdilwahedou Soumaila, rappelait les enjeux : « Sur les 14.000 personnes qui se rendent chaque jour au travail, 10.000 passent par Mamoudzou. Or, la voiture reste le seul moyen de déplacement, alors qu’on enregistre 3.000 nouvelles immatriculations en 2022. Il était temps qu’une alternative soit proposée à travers Caribus qui va permettre de résoudre le problème d’encombrement routier et de faciliter les déplacements des forces de l’ordre ». C’est ce même maire qui a mis en place la circulation alternée en plaques paires et impaires, et qui réfléchit à relancer sa première tentative avortée par le contrôle de légalité d’interdire sa commune aux véhicules de plus de 12 ans, « il y en a environ 5.000 selon la DEALM ! » Il profitait de la tribune qui lui était donnée pour annoncer l’exemption de trafic alterné ce mercredi de manifestation sur l’eau.
Grandeur et triomphe
Ce Pôle d’échange multimodal permet comme son nom l’indique de changer de mode de transport, en laissant sa voiture pour le bus, ou pour le vélo, ou les navettes maritimes via les taxis collectifs, etc. C’est une des installations du projet Caribus qui comprend 4 lignes de bus, dont les tronçons seront ouverts les uns après les autres. En attendant les lignes payantes, des navettes gratuites ont été mises en place, tout d’abord en urgence au vu de l’embolie de la circulation provoquée par les travaux, puis pérennisées. « Nous sommes conscient des désagréments que cela a engendrés, mais comme le disait Gandhi, « Chaque bonne réalisation, grande ou petite, connaît ses périodes de corvées et de triomphes; un début, un combat et une victoire », citait Rachadi Saindou. Qui en un week-end, avait trouvé les véhicules nécessaires.
Pour l’instant, la ligne1 Hanjungua-Jumbo (Hauts-Vallons) est fonctionnelle grâce aux
navettes gratuites « nous avons comptabilisé 17.000 passagers », indique le président de la CADEMA, puis la ligne 2 jusqu’à la barge depuis cette année, la ligne 3 Passamainty-Jumbo, en juin 2023, et enfin, la 4, Passamainty-Vahibé, « dès que possible ».
L’investissement de Caribus se monte à 245 millions d’euros, dont 86 millions sont financés pour cette première tranche, avec 35 millions d’euros FEDER, 32 millions d’euros de l’Etat, dont l’AFD et l’Ademe, 1,5 million du CD et 14,5 millions d’euros de fonds propres de la CADEMA. Des surcoûts de 6 millions d’euros liés aux travaux de nuit et à leur sécurisation sont pris en charge par l’État.
« Les compétences existent à Mayotte »
Il va cependant falloir passer des navettes gratuites aux tickets payants à bord des bus. Nous avons demandé des précisions au président Saindou : « J’envisage une tarification sociale à un euro symbolique pour la suite », nous explique-t-il. Sur l’équilibre financier qui ne tiendra pas le coup, il reste ferme, « ce n’est pas un problème de budget, il faut avant tout inciter la population à ne pas utiliser sa voiture. » Quelque soit le sujet abordé, le financement ne semble pas poser problème avec l’élu, qui semble très accompagné. Il y aura donc forcément compensation de l’Etat ou du Département.
C’est en effet l’optimisme qui prévalait chez le préfet Thierry Suquet : « Caribus scande notre marche en avant sur ce territoire. Il y a deux ans, beaucoup disaient ‘ça va pas le faire’, mais le président est allé à Paris pour trouver les financements avec l’appui de l’État, et a obtenu des résultats concrets. Vous avez mis en place les politiques publiques sans avoir encore tout en main. C’est en marchant qu’on apprend, vous l’avez prouvé. La mobilisation des acteurs publics et privés a démontré que les compétences existent à Mayotte. »
La mise en service partielle se fera en 2024, et totale en 2027, « et en parallèle nous travaillons sur les navettes maritimes de 150 places qui seront opérationnelles en 2024 également, et desserviront Iloni, le quai de Mamoudzou et la plage de Hamaha », informait le président de la CADEMA. Le projet comporte 7 km de pistes cyclables tri-directionnelle et 4km de voies piétonnes, « nous avons distribué 162 primes d’achat vélo, pour un montant de 53.000 euros ».
Le Pôle d’échange multimodal de Passamainty doit ensuite s’étoffer de plusieurs services dont une billetterie, nous indiquait-il lors de cette inauguration en l’absence de représentant du conseil départemental.
Un petit voyage à travers les réalisations-maison à bord d’une navette était ensuite proposé aux institutionnels, qui ont pu apercevoir le futur pont qui enjanbera le XX à Mtsapéré.
Anne Perzo-Lafond
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La CADEMA se dote de générateurs atmosphériques « pour produire 5.000l d’eau par jour »
L’inauguration du Pôle d’échange multimodal de Passamainty a été l’occasion de multiples annonces. La confirmation par le ministère de la justice d’une 2ème, prison, de la cité judiciaire et d’un CEF (LIEN), rapporté par le préfet, et l’investissement de la CADEMA dans le secteur de l’eau potable à Mayotte.
« La pénurie actuelle est insupportable, il est urgent de trouver des solutions immédiates à des coûts abordables », déclarait Rachadi Saindou. « Nous avons des eaux de ruissellement partout, des rivières, des ravines, nous allons en récupérer pour produire de l’eau potable. En attendant, la CADEMA va acheter un ensemble de générateurs atmosphériques d’eau pour produire dans un premier temps 50l pour les agents, puis 5.000 litres par jour pour la population. »