À l’initiative du Conseil départemental, cet événement interactif, organisé du 19 au 27 septembre, a pour but de mobiliser conjointement les intercommunalités en vue de stimuler concrètement à la fois la croissance et l’autonomie économique de notre île, tout en valorisant et respectant la Santé de notre Planète et de ses océans. Un énième congrès avec des beaux discours et des études à venir à la clé, vous me direz ? Ça n’est justement pas le but et le discours introductif officiel de Bibi Chanfi, 2ème vice-présidente CD, en charge du développement économique et de la coopération décentralisée, se veut justement en ce sens : « Tirer le meilleur de notre environnement maritime est une priorité. Le département se concentre d’ailleurs sur les investissements en faveur de cette Économie Bleue; de la pêche, du renouvellement de son parc ainsi que de ses infrastructures portuaires pratiques, répondant réellement aux besoins. Désormais, nous avons nécessité de palper ce concret, je m’adresse directement à vous, acteurs, experts et techniciens, les outils financiers sont là, nous sommes prêts, nous attendons les porteurs de projets, nous vous attendons ».
Un Plan d’actions
Seconde réunion de travail d’une série de 6, en nos respectives zones intercommunales, ces ateliers s’inscrivent dans la continuité d’un chantier amorcé par la précédente mandature du Conseil départemental, fin 2018, pour justement élaborer graduellement un Plan stratégique pro Économie Bleue compartimenté en 8 axes majeurs que sont : la Protection de l’Environnement, la Pêche, l’Aquaculture, le Tourisme et loisirs, les Activités portuaires, les Énergies marines renouvelables, le Dessalement de l’eau de mer et enfin, les Biotechnologies. Reprenant ces mêmes thématiques, le cabinet d’étude Alvi Management — spécialisé dans le domaine aquatico-maritime au sens très large — a donc eu pour mission d’ouvrir les sous-ramifications potentielles, en lien avec ces 8 thématiques, de centraliser les propositions faites par les divers acteurs, d’être force de discernement pour justement établir au plus vite une sorte de bilan et rédiger un plan concret et précis d’actions :
« Notre mission, au regard de ce Plan stratégique antérieur, est de dresser un état des lieux de ce qu’il en est, de comprendre ce qui bloque et de sortir très rapidement un Plan d’actions à court terme pour justement lever ces freins. Notre étude va se porter à échelle globale et dès la semaine prochaine, elle sera remise au Département. Nous travaillons au fil de l’eau de manière réactive » nous explique Vincent Touloumon, directeur du cabinet précité et spécialiste dans les domaines de la Pêche et de l’Aquaculture. En somme, on se veut d’aller dans le dur et dans le vrai pour enclencher enfin la seconde et avancer.
« Mayotte est une île…»
Co-animateur aux côtés du cabinet Alvi Management ainsi que du Parc Naturel Marin, le Cluster maritime de Mayotte — représenté en la personne de Sittirati Mohamed, sa présidente — officiellement installé sur notre département depuis près de 3 ans, fait partie d’un réseau national à influence majeure regroupant 460 entités en lien avec la Mer, son industrie, ses services et, de manière globale, son macrocosme :
« Nous avons malheureusement une méconnaissance en matière d’activité maritimes sur notre territoire. Aussi fou soit-il à rappeler, Mayotte est une île, nous sommes entourés d’eau et en ce sens il faut pouvoir comprendre que tout corps de métier terrestre a également ses besoins en corrélation plus ou moins directe avec l’approche aquatique. Lorsque l’on parle d’Économie Bleue, la pensée réflexe c’est la Pêche mais en termes de poids économique sur l’ensemble des activités maritimes, cela pèse à peine 5% dans la balance mahoraise. Les métiers de la Mer c’est une diversité incroyable. Si on parle de pêche justement, pourquoi ne pas aborder les domaines de la maintenance, de la construction, de l’accastillage ou encore de la préparation; tout ceci sont des indispensables liés mais qui n’existent paradoxalement pas sur notre territoire. Et ce n’est qu’un exemple. Notre Cluster, c’est une forme de labellisation qualitative qui permet de décrocher plus facilement des aides directement auprès du Ministère de la Mer. Les pistes de réflexion se doivent d’être communes et celles des infrastructures maritimes me semblent la base prioritaire de tout cela ». Mayotte manque de foncier mais en déborde dans ces eaux, peut-être de concrètes pistes à explorer…
Entre ciel et mer
S’il est une donne qui semble tout à fait normale et acquise en matière de boites de sécurité privées pour surveiller des établissements, en dehors de toute considération purement régalienne, pourquoi n’en serait-il pas similaire configuration pour la protection de nos eaux, notamment en matière de lutte contre la pêche illégale, la pollution sauvage, le braconnage ou autre mission ayant trait aux rives de notre lagon et au-delà ?
C’est pourtant ce que fait déjà l’association M’Safara de manière bénévole comme l’indique Mawa Matroukou, membre et mécanicien, présent à cette réunion : « Nous avons nos infrastructures, nous sommes en phase de projet pour avoir notre propre agrément pour la maintenance aéronautique locale de nos appareils, au regard des contraintes et normes européennes demandées plutôt contraignantes mais c’est en cours d’élaboration tout ça. Pour le moment, nous n’avons que des mécènes privés… Pour résumer, nous avons déjà les bases solides et c’est une piste professionnelle qui se veut largement ramifiée, école de pilotage incluse. Pourquoi ne pas s’engouffrer dans cette brèche pour laquelle il y a de la demande. Nous sommes même sollicités par des pays frontaliers ».
À ce volet surveillance maritime depuis les airs se greffe une autre piste, celle d’une sorte de taxi aérien avec aires d’embarquement et/ou d’atterrissage au moyen d’hydrobases. Des hydrobases ? Oui, vous avez bien lu et il se trouve que Mayotte en possède 7 depuis la Seconde Guerre Mondiale, toujours présentes, dévoilant ainsi notre aire de jeu maritime préférée telle le territoire européen ayant une forte potentialité à accueillir des hydravions. Bonne ou mauvaise idée pour la quiétude de nos poissons ? Il semblerait que pour le confort humain, en vue de désengorger le réseau routier, cela soit une idée : « Nous avons fait le test, Petite-Terre/Boueni 12 minutes en avion » argumente M.Matroukou.
Et l’Environnement dans tout ça ?
S’il est le thème prioritaire et première ligne de ce schéma stratégique, sous couvert d’Économie Bleue, qu’en est-il dans les cheminements de réflexions et/ou d’engagement d’ores et déjà amorcés ? D’ailleurs, que comporte ce plan en la matière ? Ramifié en 4 orientations avec 7 sous-objectifs liés, il est fait état d’Innovation, de Lutte préventive en matière de pressions anthropiques, de Sensibilisation et de la mise en place d’une Gouvernance.
Des axes jugés à dominante prioritaire sur le papier mais dans les faits qui semblent encore bien trop insuffisante comme le souligne Alex Roffat, Directeur des services techniques de la ville de Dembéni : « Soyons clairs, développer notre autonomie économique et notamment en matière maritime c’est bien une obligation mais les regards semblent trop tournés sur le lagon alors que l’Économie Bleue, rappelons-le, c’est avant tout une notion de préservation pérenne environnementale. Avant de parler d’exploitation maritime, tâchons de développer concrètement tout ce qui détruit et pollue en amont. C’est aussi des corps de métiers à développer. Nos ravines, nos rivières, c’est de l’Économie Bleue. Si l’on veut pêcher et consommer un poisson sain de notre lagon ou bien rendre nos plages attractives touristiquement parlant, il faut se soucier de la qualité de l’eau qui vient se déverser aux abords de tout cela. On parle également de dessalement dans le programme, cela sous entend rejeter encore plus de salinité brute dans nos eaux mais à quelles conséquences environnementales sur du moyen-long terme ? Ce sont ces bases d’actions qu’il faudrait à mon sens prioriser avant de partir simultanément sur les 7 autres thématiques ».
Une vision pratique sainement terre à terre pour un développement qui se veut paradoxalement tourné vers la Mer. Mayotte, plus grand lagon de l’océan Indien, deuxième à échelle mondiale après celui de Rangiroa, faut-il le rappeler… Oui, les eaux mahoraises ont tant à offrir sur la scène internationale mais avant de rêver (trop) grand et (très) gourmand, ne serait-il pas plus concret de prioriser des projets à taille humaine, facilement réalisables et, sur des calendriers, plus compactés. C’est une analyse que pousse à la réflexion Guillaume Amirault, directeur délégué du Parc Naturel Marin : « Il faut bien comprendre encore une fois que nous ne sommes pas là pour mettre sous cloche notre lagon, bien au contraire, tout comme ça n’est pas à nous, Parc Marin, de nous positionner pour prioriser tel ou tel projet. Nous devons apprendre du Passé. Faire des grands projets n’ont malheureusement pas aidé Mayotte à se développer. Il faut solliciter davantage la population pour des petits projets locaux au profit des locaux et faire monter en puissance cette même population (…)
Devenir un port automne, référence de tout l’océan Indien ne marchera pas foncièrement; par contre développer réellement les activités par des petits ports accessibles, pratiques, avoir un aquaculteur qui développe sa production locale, encourager les hôtels à taille humaine, de proximité, offrant de l’authenticité noblement simple et réalisable, approche culinaire incluse, tout ceci marchera bien mieux que de l’ultra commercialisation. Partir du bas et voir local n’est pas réducteur, bien au contraire; c’est d’ailleurs plus valorisant et beaucoup moins contraignant et couteux que de se lancer dans des grands chantiers d’études, de montages de dossiers, d’accompagnement… Encore une fois, il faut apprendre de ses erreurs. Donc à l’issue de ces ateliers, nous attendons du concret, des projets montés, bien pensés, raisonnés et pas des choses encore portées à horizon X et lointain ».
Ayant dynamique vocation à se dérouler sur l’ensemble des territoires interco de notre île, cette concertation globale, nourrie de solutions concrètes pour lever les freins rencontrés, se veut piste prioritaire en vue des prochaines et futures Assises de l’Économie Bleue qui auront lieu en décembre prochain.
MLG