C’est une opération de communication bienvenue pour casser un peu l’ambiance des titres enthousiastes du national qui voyaient Mayotte abreuvée par une fontaine abondante de 600.000 litres d’eau. Comme annoncé par le ministre Vigier, ils seront distribués aux personnes fragiles sur l’équivalence de 2 litres par jour et par personne, et d’un litre pour les nourrissons. Sont concernés, les femmes enceintes, les personnes de plus de 65 ans ou en situation de handicap, les enfants de moins de 3 ans, les malades et les personnes immunodéprimées. Des catégories de bénéficiaires qui ont donc été élargies depuis la première version ministérielle, ce qui porte leur nombre non plus à 30.000 mais à 50.000, indiquait le préfet Thierry Suquet ce mercredi.
La presse avait rendez-vous sur les quais du port de Longoni, pour assister au déchargement du Kiara, fraichement arrivé le matin même de La Réunion, et au dépotage des premiers containers. Il est affrété par l’Etat avec l’appui de la fondation CMA-CGM. Les packs d’eau étaient déchargés le temps de quelques photos, car les 32 containers seront acheminés vers les 17 communes de Mayotte, en fonction du nombre de bénéficiaires.
Tensions autour des bénéficiaires
Une petite division aboutit à 6 à 7 jours de stock pour le public-cible de 50.000 personnes, peut-être un jour de plus si l’on considère que beaucoup sont des nourrissons et des enfants de moins de 3 ans, ils sont 10.000 à naître chaque année à Mayotte. Il est donc logique que le nombre de bénéficiaires ait été gonflé, et si la distribution de bouteilles d’eau pour tous est demandée par les collectifs, commencer par les plus fragiles reste la meilleure solution, nous traversons tous ces périodes de faiblesse lors de maladie pour comprendre la difficulté de s’approvisionner.
Avec des retenues collinaires se vidant peu à peu, dans quelques jours au niveau zéro malgré les coupures, il va de toute façon falloir charger la mule de bouteilles d’eau pour tous. « Nous attendons un 2ème navire pour début octobre, chargé de 800.000 bouteilles d’eau, soit 1,2 millions de litres, le double de celui-ci », indiquait le préfet Thierry Suquet. Mais les regards continuent à se tourner vers le ciel et vers nos réserves collinaires avec angoisse. La mise en place de l’unité de potabilisation qui devrait être opérationnelle dès le 25 septembre, reste pour l’instant notre principale chance avec un appoint de 200m3 par jour, même pas 1% de notre consommation quotidienne. « Tant que nous ne sommes pas en capacité de produire de l’eau potable, nous continuerons à faire venir de l’eau », complète le préfet.
Les containers remplis d’EDENA, Bagatelle ou autre Australine quittent un à un le port, et vont être distribués, « avec l’appui de la Légion étrangère et du RSMA aux Centres communaux d’action sociale qui nous fournissent les listes », tient à souligner le représentant de l’Etat au regard de la polémique sur des bouteilles qui ne seraient distribuées qu’aux étrangers en situation irrégulière. Ce qui constituerait une nouvelle raison d’appel d’air depuis Anjouan. « Le public cible a été identifié par les communes et leur CCAS, par la MDPH, et par l’ARS ».
Arrivée de deux inspecteurs de la DGCCRF
Chaque commune sera desservie en une seule fois, « nous délivrerons au personnes concernées la quantité à laquelle elles ont droit pour une semaine. Par exemple, une femme enceinte recevra 14 litres d’eau », précise le préfet de l’Eau Gilles Cantal. D’autres arrivées maritimes de bouteilles d’eau sont donc prévues, « notre objectif à terme et de fournir 80.000 litres par jour à 50.000 bénéficiaires ».
Ces bouteilles constituaient un « stock stratégique » qui était bloqué à La Réunion, assure Thierry Suquet, « depuis juin, nous avons anticipé cette crise, une décision politique concrétisée par les annonces du ministre délégué à l’Outre-mer. »
L’arrivée de Philippe Vigier est d’ailleurs confirmée « dans le courant de la semaine prochaine ».
Parallèlement, les rayons de la grande distribution continuent à être approvisionnés. Si certains petits commerçants raflent une bonne partie de la mise, en revendant les packs à prix d’or, cela implique de la vigilance, mais le représentant de l’Etat nuance tout en annonçant un durcissement des contrôles : « Les petits commerces ne peuvent s’approvisionner ailleurs qu’en grande surface n’ayant pas de centrale d’achat. Cela permet donc de diversifier les points de vente des bouteilles d’eau, en proximité des habitants. Pour autant, ils sont eux-aussi soumis au gel des prix, et ne peuvent revendre un pack à plus de 9 euros. Et c’est interdit pour les particuliers. La DEETS a déjà délivré deux amendes pour infractions. Je tiens à signaler que nous allons être vigilants sur l’ensemble de la chaîne de distribution grâce à l’arrivée de deux inspecteurs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. »
Une opérations qui a été endeuillée par le décès d’un docker de la CMAT, comme nous l’avons rapporté.
Les bouteilles ont été déchargées par les militaires du DLEM, du RSMA et de la Base navale.
Anne Perzo-Lafond