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Crise de l’eau : le calendrier des annonces du ministre Vigier ou la course contre la montre

Chaque m3 compte dans le calendrier des mesures livré par le ministre, où se jouent à la fois un sprint et une course de fond. Des travaux qui auraient dû être engagés depuis longtemps voient leurs premiers coups de pioche, et en attendant, de l’eau sera acheminée vers la population. Nous avons synthétisé les volumes et les échéances pour chacune des annonces. Comme une feuille de route.

A la suite d’un nouveau « plan Marshall » annoncé en pleine crise de l’eau à Mayotte, c’est la rigueur et la méthode employée qui vont permettre (ou pas) d’améliorer la situation.

La préfecture a annoncé le contexte dans le 1er bulletin Cons’eau : notre consommation d’eau de 42.000m3 par jour est descendue à 30.800 m3 grâce aux coupures, mais doit encore se contracter pour atteindre 22.000m3, c’est-à-dire la moitié de la consommation habituelle. Pour mémoire, lors de la crise de l’eau de 2020, le défi à atteindre (et jamais atteint) était de 28.500m3, alors que la consommation quotidienne n’était « que » de 36.000m3. L’effort portait sur 7.500m3 quand on nous demande de nous priver de 20.000m3 par jour actuellement. Et alors que la population a augmenté d’environ 10% durant ces 3 ans.

D’où l’aggravation des coupures deux jours sur trois, destinées à éviter la catastrophe de retenues collinaires à sec. « Au rythme des prélèvements actuels et sans nouvelles restrictions, la vidange complète des retenues interviendra fin septembre. Le département ne produira alors que 20 000 m³/jour d’eau, soit moins de la moitié des besoins en eau », informe la préfecture.

On assiste donc à un branle-bas de combat dans l’urgence avec un ministre au front. Qui ne se prive pas de critiquer, « Le chantier aurait dû être traité depuis longtemps ! », assène un Philippe Vigier dès sa descente du Casa.

Philippe Vigier, Mayotte, eau
L’urgence concerne les plus fragiles et les scolaires, a précisé Philippe Vigier

Les points sur les i, pas sur l’o

Sans jouer les radoteurs, la mandature du président Mouhamadi Bavi au syndicat Les Eaux de Mayotte (LEMA, ex Sieam) a été fatale aux investissements du territoire en matière d’eau et d’assainissement. Il est suspecté de favoritisme et de détournement de fonds publics, le Parquet national financier instruit le dossier depuis novembre 2021. Ses abus étaient nombreux et connus, notamment grâce aux rapports de la Chambre Régionale des Comptes, mais le comité de pilotage pourtant encadré par l’Etat n’avait pas redressé la situation. Conséquence, il n’y avait plus de sous dans les caisses lors de la relève, le versement des salaires n’étaient pas garanti. Le conseil départemental avait dû mettre 15 millions d’euros à la poche pour maintenir à flot un outil qui appartenait aux communes seules. Inutile de dire que le Sieam devenu LEMA n’avait pas les moyens de payer une DUP (expulsion) des propriétaires de terrains à Ouroveni où doit se construire depuis 15 ans la 3ème retenue collinaire. Bouclons le débat par les errements de Vinci dans la gestion de l’extension de l’usine de dessalement de Petite Terre, et ceux de l’Etat dans le laisser aller de ces dossiers. La météo aurait pu masquer les choses, mais le déficit pluviométrique a mis les points sur les i, pas sur l’o. Pendant ce temps la croissance démographique continuait à croitre au rythme de 3,8% par an.

C’est donc un cocktail assoiffant que nous ont préparé ces acteurs, et maintenant, il faut ramer sur un lac asséché.

Le ministre délégué aux Outre-mer qui fait montre d’un volontarisme certain, a annoncé plusieurs mesures. Une partie porte sur les investissements à mener qui produiront la plupart de leurs fruits à moyen terme, d’autre concernent l’urgence. Nous avons cherché à en évaluer les capacités supplémentaires et le calendrier de mise en œuvre.

Une heure quotidienne de cours sur la semaine

Les rampes d’eau refont leur apparition (ici en février 2017)

LE COURT TERME. Tout d’abord, les mesures de compensation des coupures d’eau, pour approvisionner la population.

  • La distribution quotidienne de 2l d’eau en bouteille pour ravitailler 30.000 « personnes vulnérables », femmes enceintes, enfants en bas-âge, personnes handicapées. Opérationnel : le 25 septembre 2023
  • 15 citernes de récupération d’eau potable de 26m3 chacune réparties sur le territoire, ravitaillées par un camion-citerne. Opérationnelles : « dans les jours qui viennent », selon le ministre.
  • Pour alimenter les 15 citernes, une unité de traitement d’eau douce de 4 moteurs de production de 40m3 chacun, activés par roulement de 3, pour un traitement quotidien de 120m3 d’eau douce. Opérationnel : arrive le 25 septembre, active « dès que possible ensuite», nous précisait le préfet de l’Eau Gilles Cantal.
  • 200 rampes d’acheminement d’eau, dont 120 ouvrent ce lundi, annonce le ministre sur Facebook
  • Chemin d’eau pour les établissements scolaires afin de sécuriser leur approvisionnement. Opérationnel : en cours
  • Installations de cuves de stockage de l’eau pour les écoles. Opérationnel : en cours

Précisions. Les 15 citernes de 26m3 sont arrivées vides ce samedi au port de Longoni, alors que les containers peuvent être chargés jusqu’à 26 tonnes. Elles seront installées sur les zones « non couvertes par les réseaux », précise le ministre, et seront alimentées par l’unité de potabilisation d’eau douce de 120m3/j. L’eau sera prélevée dans les captages pour ne pas prendre sur le réseau », nous avait indiqué Gilles Cantal. Le seul camion-citerne aura donc beaucoup à faire pour ravitailler les 15 cuves, surtout en cas d’embouteillages, « c’est pourquoi nous cherchons un point de captage le plus proche du Sud », complétait-il.

Le marché des cuves est en pleine explosion à Mayotte. Ici à Combani lors de la visite ministérielle

Sur le plan du raccordement des établissements scolaires, ça urge. Les élèves scolarisés en rotation en après-midi à Koungou Maraichers n’ont eu qu’une heure de cours chaque jour de la semaine dernière en raison des coupures anticipées à 13h… Et étant donné le remplissage permanent des cives de stockage, la considérer propre au lavage des mains ne serait pas aberrant.

Un osmoseur et 9 héritiers

LE MOYEN TERME. « D’ici fin novembre, les 30 millions de travaux du plan Marshall seront mobilisés », indiquait le ministre qui a rappelé que le contrat de 350 millions d’euros signé par LEMA court toujours.

  • Un osmoseur installé à Jimaweni (proche de Mtsangabeach) pour desaliniser l’eau de mer. Un investissement de 12 millions d’euros. Opérationnel : 000m3 en décembre 2023-janvier 2024, et 3.000m3 en mai 2024      
  • Extension de l’usine de dessalement de Petite Terre. Opérationnelle : +1.200m3 en novembre 2023, ce qui amènera à une production totale de 4.700m3 de cette usine.
  • 10 forages, 5 millions d’euros, pour un rendu de 500m3 par forage, avec une probabilité que 7 sur 10 soient productifs. Donc, +3.500m3 attendus. Opérationnels : étalés dans 2 à 8 mois en fonction des forages.
  • Lutte contre les fuites d’eau
  • Interconnexion Nord-Sud et Petite-Grande Terre

    Le Kiara transportait également le camion-citerne, déchargé ce samedi (Photo G.P.)

Précisions. Le foncier sur lequel doit être implanté l’osmoseur connaît les mêmes vicissitudes que celui de la 3è retenue collinaire, à moindre échelle, avec 9 héritiers qu’il va falloir mettre d’accord. Un effet bloquant au-delà de l’imaginable. Le ministre a annoncé qu’un ingénieur agro de son équipe serait de retour à Mayotte d’ici 3 semaines. D’autre part, la répartition de la prise en charge du coût de fonctionnement de l’osmoseur n’est pas encore actée, indiquait le ministre.

A LONG TERME

  • L’usine de dessalement à implanter à Ironi Be. La procédure se ferait en accéléré, un an au lieu de trois, pour 10.000m3/j. Opérationnelle : la 1ère tranche pourrait en livrer une partie fin 2024
  • La 3ème retenue collinaire, dite « Arlésienne ». Opérationnelle : c’est l’inconnu, on nous annonce une DUP (Déclaration d’Utilité Publique) en cours… depuis 4 ans. La date de 2030 est annoncée.

Précisions. Face à une ressource inférieure à la consommation, l’île de Groix (Bretagne) s’était doté en juin 2022 d’une usine de dessalement en quelques mois, un équipement de pompage d’eau de mer ayant été installé sur un radeau, informent nos confrères de RFI. Un exemple à suivre à Mayotte alors que 16 communes sur 17 sont littorales.

Un des forages de l’entreprise Sade

Bilan : l’addition de ces m3 sortis du plan d’investissement livre 2.200 m3 supplémentaires en novembre-décembre, suivis de 3.500 autres m3 au fur et à mesure de l’émergence des forages, et pour finir, 3.000 m3 de la dernière tranche de l’osmoseur en mai 2024. Soit 10.500m3 en tout, alors que la saison des pluies aura démarré. Auxquels on rajoutera les 10.000m3 de la très attendue usine d’Ironi Be.

Le ministre l’a assuré à plusieurs reprises, il reviendra avec son staff d’ici octobre pour « relever les copies », un terme qui donne une idée de l’état d’esprit de Philippe Vigier sur le retard pris en terme d’investissements.

Anne Perzo-Lafond

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