C’est au cœur de la crise que vit actuellement le service des Urgences de Mayotte que les directeur généraux de l’Agence Régionale de Santé (ARS) de Mayotte, Olivier Brahic, et du Centre Hospitalier (CHM), Jean-Matthieu Defour, tenaient ce mardi une conférence de presse. L’objectif est dévaluer la situation et surtout, les perspectives d’avenir en terme de personnel.
Il y a actuellement 6 médecins dans ce service sinistré, alors que 30 sont nécessaires pour le faire tourner. Cherchant à comprendre cette désaffection, nous avons appris que si l’insécurité était une des raisons, les démissions d’un groupe de médecins avaient été enregistrées car suspectés de pratiques abusives de rémunérations, ainsi que nous l’avons décrit ce lundi, nous évoquions un écosystème de recherche d’avantages par cette minorité de praticiens. Des plaintes ont été déposées au pénal contre eux par certains de leurs collègues, selon nos informations, ce qui laisse imaginer l’ambiance qui régnait dans le service.
Jean-Matthieu Defour confirmait que la gestion du temps de travail de certains médecins des urgences jusqu’en 2022 avait incité la direction à demander une enquête interne, « elle est toujours en cours », et que « un audit a été diligenté par la Société française médicale des Urgences. « Depuis la gestion du temps de travail est règlementaire, la plupart des médecins concernés étant partis », poursuit le directeur du CHM qui explique attendre la fin de l’enquête interne pour juger de « l’éventuelle suite à donner en justice ». Des dysfonctionnements « qui n’ont pas concerné d’autres services de l’hôpital », assure-t-il. Le chiffre du coût de 2 millions d’euros d’abus et de primes indues par an nous a néanmoins été livré. Précisons qu’au sein de l’actuel équipe des Urgences, les personnels sont pleinement investis et demandent qu’il n’y ait pas d’amalgame avec ces supposées pratiques enquêtées par la direction.
Début de renfort des autres départements
Avec 24 médecins en moins, soit 80% de l’effectif, le fonctionnement du service est plus que perturbé, « on fait au jour le jour », précise Olivier Brahic qui expose un plan de bataille d’autant plus compliqué à élaborer que « au niveau national, d’autres SMUR sont touchés et sont même fermés ». Avec l’incitation auprès de la population de composer le 15 (SAMU) avant de consulter aux Urgences, « et pour l’instant, ça marche, il y a moins de fréquentation », le recours à de la ressource extérieure pour des très courtes durées, fonctionne : « Nous avons reçu un appui de La Réunion dont les médecins effectuent les EVASAN, et les appels du ministère à la solidarité nationale permettent d’obtenir le renfort de deux médecins urgentistes, dont un du Service de Santé des Armées, et de trois généralistes, ainsi que de 16 infirmiers. La Société française des Urgences vient en appui. »
Il rappelle que les tensions en effectif en mars-avril au service périnatal avaient impliqué l’envoi d’une centaine de personnel national en renfort à Mayotte.
Une situation « très fragile » aux Urgences, complète Olivier Brahic qui veut parler « en toute transparence » : « Notre cellule de crise se réunit au jour le jour, avec des renforts reçus au fil de l’eau. Et en plus, nous attaquons la période de vacances estivales ». Difficile de sortir la tête de l’eau donc et de se projeter, même si la volonté est là, explique le directeur de l’hôpital, « nous misons sur notre agence de recrutement May’Santé , et nous faisons équipe avec le conseil départemental avec notre présence au salon Santé Expo et au Salon des Sages femmes à Pau. »
Les 4 centres de soins périphériques ouverts
Est également en cause dans la perte d’effectif, la loi Rist qui encadre les dépassements, et qui a désactivé les mécanismes d’attractivité d’indemnités sur l’ensemble du territoire, ce qui oblige à se creuser la tête pour trouver des mesures appropriées. « Beaucoup de solutions ont été proposées au ministère et sont en cours d’arbitrage. On espère des réponse le plus rapidement possible », complète Olivier Brahic.
En période d’effectifs restreints, seules les cas urgents sont donc pris en charge aux Urgences, avec des accueils à nouveau dans l’ensemble des Centre médicaux de référence* après leur fermeture par une partie du personnel qui faisait valoir notamment leur droit de retrait à la suite de l’agression du CMR de Dzoumogne, « nous avons pris des mesures de sécurité avec transfert des personnel en bus ». Olivier Brahic précisait que le bus du CHM caillassé le mois dernier n’avait pas été expressément ciblé, mais l’objet de la violence de scolaires privés de ramassage ce jour là. « Il faut souligner la grosse action des forces de l’ordre pour sécuriser les CMR dont je salue le courage des personnel. D’ailleurs, un nouvel audit sécuritaire est mené à ce sujet. »
Seuls deux dispensaires sont fermés « pour travaux », Koungou et Passamainty.
Heureusement, les épidémies ont le bon goût d’éviter le territoire ces temps-ci, « je touche du bois », ironisait Olivier Brahic, en annonçant que le niveau 2 du Plan blanc était précisément déclenché « pour faire face à tout éventuel afflux de patients ».
Anne Perzo-Lafond
* Kahani, Dzoumogné, Mramadoudou et Dzaoudzi