Après le volet fiscal le mois dernier — dont l’évasion annuelle est tout de même estimée entre 80 et 100 milliards d’euros, NDLR — v’là-ti pas que le pouvoir exécutif double la mise et s’attaque désormais à l’approche sociale. Relatif au dernier rapport annuel des Finances et Comptes publics de la Sécurité sociale qui fait état d’une perte globale plus ou moins confirmée entre 6,4 à 8,1 millards d’euros par an (pour 724 millions détectés), Gabriel Attal s’est engagé à élargir son spectre d’actions anti-fraude. Tout comme n’importe quel autre territoire français, notre île aux parfums et aux magouilles n’est bien évidemment pas épargnée, sachant d’autant plus le montant global du dernier redressement de la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte (CSSM) estimé à 486 362 euros.
Et ce litigieux sujet, dans le collimateur des services de l’État, est plus que jamais d’actualité au regard aussi du récent battage médiatique qui a touché le ministre comorien des Affaires étrangères ainsi que son épouse, tous deux détenteurs d’une double nationalité franco-comorienne, soupçonnés de fraudes aux prestations sociales, depuis près de 13 ans, d’une valeur de plus de 251 500 euros… Une partie immergée de l’iceberg parmi tant d’autres où, un peu comme dans les manifestations au final, les chiffres d’estimation (policière) diffèrent avec la réalité concrète (syndicale)…
« La bamboche s’est terminé… »
Pour reprendre les termes du préfet du Centre-Val de Loire, en lien avec l’épisode Covidé et la mise en place d’un couvre-feu en début d’année 2020, le ministre des Comptes publics souhaite officialiser sa feuille de route, nourrie d’un calendrier d’actions précises, étalé sur 10 ans, visant aussi bien le contrôle renforcé des professionnels de santé (arrêts maladie abusifs, sur-facturation des prestations ophtalmologiques et dentaires ou bien même, fictifs tests antigéniques encaissés par certaines pharmacies) que nos petits retraités ou allocataires sociaux vivant principalement à l’étranger (fin des versements de prestations sur des comptes hors Union-Européenne et obligation de résider en France au moins 9 mois par an contre 6 jusqu’à présent).
Estimées entre 2,5 et 3,2 milliards d’euros (contre à peine 11% concrètement détectés), les prestations sociales relevant de la Caisse d’allocations familiales (CAF) se veulent aussi dans le collimateur gouvernemental tout comme la complémentaire santé solidaire ainsi que les divers corps de métiers ayant trait à la Santé de manière générale, transport de patients inclus.
Traçabilité, transparence et déconvention au besoin
Dans son analyse globale, Gabriel Attal pointe donc du doigts les près de 70% de fraudes aux prestations sociales qui incombent notamment aux professionnels de santé; soit un préjudice détecté de 316 millions d’euros (contre un pourcentage partiellement estimé bien plus conséquent qui s’élèverait en milliards) . Des professionnels qui se verront dans l’obligation, dès 2025, de fournir le décompte précis de leurs soins et prestations qui sera reçu via SMS sur le téléphone de leurs patients pour une vérification finale. En cas d’anomalie constatée, le patient sera en droit de faire remonter l’information auprès des administrations compétentes et des sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’à la déconvention, seront actées de manière plus fermes*.
Pour donner poids à cet énorme chantier de contrôle des organismes sociaux, le Gouvernement prévoit de majorer les effectifs URSSAF de près de +60% ainsi que de créer 1 000 postes en équivalent temps plein (ETP), avec un volet particulier dédié à la formation de cyber enquêteurs.
Concernant des éventuelles prestations versées à des personnes en situations irrégulières sur le sol français, le ministre prévoit une mutualisation des fichiers Ministère de l’Intérieur et ceux de la CAF
Fusion des respectives cartes d’Identité et Vitale
Loin de faire l’unanimité, notamment auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), de l’Assurance maladie et de certains professionnels de santé, au motif d’une diminution sécuritaire des données personnelles, cette option fait pourtant partie intégrante du projet grand tout anti-fraudes et usurpation d’identité du Ministère de l’Économie.
Une mesure déjà appliquée chez certains de nos voisins européens, comme en Suède, au Portugal ou même en Belgique par exemple, afin de centraliser et simplifier tout cela, spécialement dans le cas du rattachement des enfants mineurs. Alors qu’il était question un temps de mettre en place une carte vitale biométrique, cette idée semble s’écarter peu à peu pour motif notamment économique et éthique : « Ça coûterait très cher soit 250 millions d’euros par an. Les médecins ne sont pas particulièrement favorables à la prise d’empreintes de leurs patients », déclare à la presse, l’ex porte-parole du Gouvernement.
Sur le papier, l’application de ce joyeux bazar se voudrait simple. Au moment de faire votre demande de renouvellement de carte d’identité, celle-ci serait considérée comme une carte vitale et le numéro du titre identitaire se voudrait conjoint à celui de votre numéro de sécurité sociale. Une manip logistique un peu complexe mais beaucoup moins que celle d’une procédure biométrique.
Bien que des tests juridico-techniques soient prévus dès le mois prochain, cette configuration fusionnée, au regard des millions de titres déjà à renouveler et ceux à venir, ne prendrait qu’effet dans un délai allant de 5 à près de 15 ans pour une mise en place finalisée et totale.
Véritable mesure révolutionnaire qui va enfin renflouer les caisses de l’État ou bien poudre aux yeux acharnée sur de la petite fraude en comparaison de la priorisation fiscale qui se doit d’être aussi ferme (si ce n’est plus) ? Le débat est ouvert et attendons de voir la concrétisation de tout cela.
MLG
*Il est dénoncé un laxisme au regard des procédures de sanction de l’ensemble des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) auprès des professionnels de santé récidivistes. Selon les chiffres de nos confrère du magazine Capital, en 2022, seuls 45 soignants ont été déconventionnés contre 28 en 2022. Des chiffres assez maigres en comparaison des pertes dénoncées par le Gouvernement.