Amorce de semaine, 5h/5h30, l’heure pour un certain nombre de salariés, vivant hors du grand Mamoudzou, de prendre son véhicule pour se rendre au travail. Une routine à la pointe du jour devenue normale pour éviter au maximum l’enchevêtrement du trafic routier. Un enchevêtrement, tantôt sécurisant, tantôt problématique suivant les horaires et l’itinéraire choisi… Seuls les résidents que nous sommes le savons tristement ! Alors qu’une flopée d’objectifs est passionnément braquée sur notre île, justifiant depuis 2, 3 jours le moindre (triste) fait divers à l’unique motif de Wuambushu, de nouveaux épisodes de violence ont eu lieu ce matin. En somme, le poncif marronnier de notre quotidien…
Le racket à la file indienne
C’est un peu avant 6h, entre Tsoundzou I et II, après un festif week-end caillassage comme on les aime et une night-fever lacrymo tout aussi agitée, que les automobilistes de ce secteur ont été pris à partie par une bande de télétubbies tout de blanc vêtus.
Loin de la notoriété de la Casa de Papel mais ayant indiscutablement la narcissique aspiration de faire le buzz tout en ’’s’amusant’’, parce que soyons honnêtes, le facteur misère n’a rien à voir là dedans, c’est à coup de poubelles enflammées, de grosses pierres et de coupe-coupe que la fine équipe s’en est prise en bande organisée autour des véhicules ralentis par le trafic, comme tel fut le cas pour Chamsidine, chauffeur de taxi, encore choqué par la violence de la scène :
« Ils se sont mis tout autour de nous. Ils ont cassé toutes les vitres en criant à tous les passagers de donner les téléphones. Ça n’était pas des enfants, ils étaient grands, ça parlait plusieurs langues, même créole. Tout le monde était paniqué dans le van. J’ai été le seul à donner mon téléphone je crois, puis j’ai accéléré. La passagère avant qui a reçu le coup de chumbo directement dans la portière est en état de choc et une autre a été blessée par les débris de verre. Je ne sais pas quoi dire, c’est mon taxi, je suis en location long terme, je… »
… C’est légitiment haletant et quelque peu désorienté que nous laissons respectueusement l’individu ainsi que les autres victimes aux mains des sapeurs-pompiers et des forces de l’ordre pour le dépôt de plainte de circonstance. Un dépôt de plainte qui a pu être rapidement amorcé sachant la présence massive des escadrons de gendarmerie et des compagnies de CRS désormais en appui sur notre territoire.
Çà et là, en plus des renforts police nationaux et municipaux qui œuvrent 24h/24, se sont en moyenne 1 à 3 unités mobiles et/ou fixes, stratégiquement positionnées aux carrefours majeurs et points névralgiques de notre île, comme il est cas au rond-point de Tsararano, point de départ des actuelles navettes Cadema* et autres bus : « La consigne donnée à nos agents informateurs sur place, c’est de continuer une vie normale. Bien sûr qu’ils ont peur pour leur sécurité mais la présence des forces de l’ordre et ces contrôles réguliers les rassure et c’est un appui indispensable » nous confie Frédéric Delouye, directeur du groupe Transdev Mayotte en visite sur ce check-point voie publique.
Attendus au tournant ?
Au même moment, du côté de la matinale quiétude propre à la sinuosité de la route de Vahibé, c’est aussi quelques caillassages sauvages qui ont été rapportés en plus d’une route totalement bloquées en trois points compacts, un peu avant et après le gite Mont Combani dans le sens Miréréni-Vahibé.
Un vrai travail de pro. Une découpe quasi nette d’une petite dizaine d’arbres dont les troncs débités par l’équipe de déblai de la gendarmerie mobile et de la DEAL jonchent encore les bas côtés vers 8h25, heure à laquelle la route a été officiellement rouverte à la circulation. Un barrage sauvage supplémentaire comme nos coupeurs de route locaux savant le faire. Une organisation plutôt bien étudiée qu’il faut souligner poussant à négliger la notion d’amateurisme car, pour le coup, il n’en est rien, du moins pas probant. Il est a saluer l’extrême réactivité des forces gendarmiques qui, prévenues dès 5h15, engageaient sur place, en un temps record, les moyens conséquents permettant de ne recenser aucune victime.
Conséquences directes de l’effet Wuambushu ? Eh bien nous serions tenté de répondre : « rien de bien nouveau sous les cocotiers » mahorais, sachant l’enfer vécu depuis X nombres d’années, devenu une sorte de fatalité. En marge de ces tristes événements routiniers, il est à noter l’indiscutable quiétude qui règne dans les villages traversés, les bords des routes normalement composés de primeurs à la sauvette ou de bouénis fruitières et cela n’est pas dû au simple fait des vacances, nous le savons bien.
Les coups de pelles et bruits de meuleuses se font aussi rares sur les divers chantiers privés, comme une sorte d’accalmie rappelant l’ère covidienne. Serait-ce le calme avant la tempête ou bien les prémices de ce que pourrait (re)devenir Mayotte ? Seul l’avenir nous le dira et cela n’occulte en rien l’injuste misère humaine dont il est aussi question, encore plus mise en lumière à travers cette pleine actualité qui touche le 101ème département français. Qui a tort ou raison ? Là encore, on ne peut avoir l’utopie d’avancer un avis tranché sans aucun doute ni remords. Le Monde ne se veut binaire et la souffrance touche tout le monde à sa respective échelle. Nos structures et associations locales qui œuvrent noblement sans relâche, ne sont pas des révolutionnaires pro anti-lois à fustiger, tout comme les services gouvernementaux en action ne sont pas des êtres déshumanisés. La solution parfaite, pacifiste et miraculeuse, malheureusement n’existe guère, et n’a jamais existé d’ailleurs. Tous les grands événements de vie se sont toujours instruits dans des troublants mugissements. Est-ce là le second tournant majeur de Mayotte ? Là encore, seul l’avenir nous le dira…
MLG
*Ultérieur à la rédaction de ces écrits, nous apprenons la suspension provisoire des navettes de la Cadema officiellement annoncée par communiqué.