C’est lors de la visite de Stéphane Séjourné que la Mission locale dévoilait au public son nouveau bâtiment lumineux à Passamainty, un contrepied total de son ancien local Zone Nel, comme le rappelait Farianti M’Dallah, présidente de la structure et conseillère départementale de Mamoudzou 1, « des locaux sombres et étouffants dans lesquels nous avions dû recevoir la ministre Annick Girardin ».
Accompagnant le passage de l’eurodéputé, nous avions alors rapporté les défis de la Mission locale : dans un département composé pour moitié par des moins de 17 ans, dont 14.000 sont inscrits au chômage, la structure qui doit accueillir, informer, orienter et accompagner les jeunes de moins de 25 ans, doit compter sur un budget de 4 petits millions d’euros, dont 1,2 million est alloué au fonctionnement pour ses 98 salariés, son siège et ses 6 antennes.
Alors que ce jeudi, on s’interrogeait avec le Conseil économique et social sur « Qui fait quoi ? » à Mayotte, là on sait, c’est l’Etat qui finance à 80%, le conseil départemental met 850.000 euros (21%). Les communes ne participent quasiment pas, « seule l’intercommunalité de Petite Terre contribue et la commune de Mtsamboro à travers la mise à disposition d’un local à Hamjago », nous rapporte Farianti M’Dallah.
« Je suis le 1er assistant social à avoir été en prison »
A titre de comparaison, en métropole, les Missions locales tirent majoritairement leur financement à 39% de l’Etat, à 23% du bloc communal, 19% des régions et 6% des départements. Le conseil départemental de Mayotte remplit sa part, avec 21% de participation (en espérant là encore que sa compétence de Région soit compensée), pas les communes et les intercommunalités. Le président de l’Association des Maires de Mayotte (AMM), Madi Madi Souf, prenait acte publiquement, « j’ai demandé à mes collègues maires de revoir leur cotisation à la hausse ».
Il faut dire que jusqu’à présent, recluse dans son coin, la Mission locale ne faisait guère parler d’elle, et avait besoin d’un portage politique fort. « Notre cap c’est l’emploi des jeunes, leur formation, leur accompagnement vers l’autonomie, leur écoute », le discours de la présidente était porteur. Ceux de ses partenaires aussi… Reste à joindre les actes à la parole.
« Je suis le premier assistant social à avoir été en prison à Mayotte ». Qui a prononcé cette phrase ? C’est Ali Omar, le 3ème vice-président du conseil départemental, alors que son auditoire espérait qu’il n’en aurait plus l’occasion ! C’est au titre d’ancien agent de la Mission locale que l’élu avait ses entrées à Majikavo, « en 1999, j’accompagnais les anciens prisonniers sur la voie de la réinsertion. »
La cause avait trouvé dans cet ancien salarié un bon avocat, « le budget de la structure n’est pas à la hauteur de ses ambitions. N’oublions pas que plus de la moitié de la population a moins de 20 ans, et le taux d’échec important à l’école implique de pallier les sorties du système scolaire. Et sur les 8.000 jeunes non scolarisés, l’ASE n’en suit de 2.000 ». Un raccourci étant donné que parmi les non scolarisés, beaucoup sont des 3 à 5 ans qui ne l’étaient pas avant la réforme Blanquer et qui sont censés être à la maison, et non les clients de l’Aide Sociale à l’Enfance. Pour autant, toute énergie est bonne à prendre, et chose rare, Ali Omar incarnait ce vendredi un élu sensible au potentiel de celle qui nous entoure, la mer : « J’appelle de mes vœux les jeunes à s’intéresser au secteur maritime, dont le transport maritime, et pourquoi jusqu’à commander un jour un navire ». Pour cela, le conseil départemental doit ouvrir des sessions de formation à l’EAM dans ce domaine.
Un Pôle audiovisuel à Mamoudzou
Des témoignages d’ « anciens », il y en avait d’autres et parmi les jeunes pris en charge. Décontracté et micro en main, c’est un parcours d’excellence que rapporte Abdourahim Nourdine, pourtant autodidacte avant de suivre une formation. « Il y a 10 ans, je décide de répondre à une offre de découverte d’infographie à la Mission locale. J’ai ensuite poursuivi mon chemin dans l’audiovisuel, et j’ai créé ma boite 2Nzena studio de production audiovisuelle il y a 8 ans. Je réalise des directs pour Mayotte la 1ère et j’ai recruté 10 salariés. » Et annonçait un scoop, « grâce à Ambdil, le maire de Mamoudzou, un projet de Pôle audiovisuel est en train de naître sur la commune, qui proposera des formations dans l’audiovisuel et un centre de formation des jeunes. J’ai aussi pour ambition de créer ma propre chaine de télé ». Il a été aidé par le conseil départemental l’année dernière.
Autre percée sur le marché de l’emploi, celle de Zabourada Madi, Chargée de mission Vie associative et d’entraide, jadis accompagnée par la Mission locale d’Hamjago, « je promeus le bénévolat et j’accompagne les jeunes bénévoles dans leur projet de mobilité à l’international », nous explique-t-elle.
Pour Ali Omar, cette nouvelle localisation est un « plus »: « Les jeunes ne pourront plus nous dire qu’ils ne viennent pas parce qu’ils ont peur de venir à Kawéni. Là, ça a été décentralisé pour ça ! » La zone devrait drainer au moins tous ceux du grand Sud Mamoudzou, il va falloir communiquer pour cela.
Un coupé de ruban et un dévoilement de plaque plus loin, l’assemblée pouvait découvrir des locaux spacieux, permettant des rencontres professionnelles en individuel, pour rendre aux jeunes « l’avenir à portée de main », selon la devise maison.
Anne Perzo-Lafond