La semaine dernière, Mayotte accueillait une délégation du groupe SOS, dont le président du directoire, Jean-Marc Borello, et Flavie Mekarchi, membre du directoire. Ils venaient rencontrer les dirigeant de Mlézi Maore, jadis issue du regroupement de deux structures Tama et Toioussi. Une visite qui ne doit rien au hasard. Tout d’abord, parce qu’un nouveau directeur a été nommé à la tête de Mlézi, Hugues Makengo, qui a donc quitté la direction de la PJJ, la Protection judiciaire de la Jeunesse. Il travaille désormais sur la prévention de la délinquance, après en avoir vu les dégâts sur les mineurs déjà condamnés.
Maxime Zenou, Directeur général du groupe SOS Jeunesse et délégué territorial aux Outre-mer, parle de cohésion d’équipes : « Nous nous retrouvons une fois par an avec l’ensemble des personnels, une bonne occasion pour nous de lancer l’ère post Dahalani, parti comme sous-préfet dans les Alpes de Haute-Provence, et de rencontrer le préfet, le directeur de l’ARS Mayotte et le président du conseil départemental ».
Nous l’avons justement interpellé sur les attentes des élus, notamment de Madi Moussa Velou, vice-président du conseil départemental, en matière de retour sur investissements, des millions alloués aux associations. « Nous avons rencontré le vice-président Madi Velou à La Réunion lors des rencontres territoriales de protection de l’enfance en Outre-mer, où une délégation importante de mahorais s’était rendue menée par Madi Velou. Penser qu’on puisse ne pas être efficace est un grief injuste, car nous avons une gestion rigoureuse. »
Plus de 2.600 jeunes accompagnés en 2021
Si l’action des associations est compliquée à Mayotte où la prise en charge d’un mineur en difficulté s’apparente pour la population à un appel d’air à destination d’Anjouan, le principal reproche porté à l’encontre de Mlézi vise les frais de fonctionnement élevés de la structure, qui pomperaient une bonne partie des subventions, n’allant pas à l’essentiel, les jeunes. Maxime Zenou s’insurge : « C’est injuste ! Les frais de fonctionnement sont les frais de siège, et ils concernent l’ensemble de nos salariés qui font un travail remarquable. Par ailleurs, je rappelle qu’avant la création de Mlézi, ex-Tama, il n’y avait personne pour faire le boulot et prendre en charge les mineurs délinquants. » On voit le résultat d’années de passivité tous les jours dans la rue. Mais l’attente du conseil départemental portant sur l’efficacité de Mlézi Maore, nous avons demandé des chiffres.
En 2021, Mlézi affiche dans son rapport d’activité la prise en charge de 2.663 jeunes sur 9 établissements, dont 18 seulement dans un Centre éducatif renforcé (Délits graves ou criminels) qui a été sous-dimensionné dès le départ , il faudrait donc davantage de structures de ce type CER, 471 mineurs dans la structure d’éducation spécialisée en milieu ouvert (AEMO), 400 dans la structure spécialisée dans les mineurs en voie d’isolement, 27 mineurs de 13 à 17 ans, placés par les autorités judiciaires dans l’Etablissement de Placement Educatif Dago, 35 mineurs en difficulté dans la Maison d’Enfants à Caractère sociale (MECS), 10 mineurs en Lieu de Vie et d’Accueil qui permet un accompagnement individualisé, d’enfants, d’adolescents et d’adultes qui vivent une situation sociale, familiale ou psychologique problématique. Des structures qui ont été pensé alors que la délinquance juvénile était bien en deçà du contexte actuel. À redimensionner donc par les autorités compétentes (PJJ, etc.)
« L’île du mythe des enfants perdus »
Sur la partie insertion, 16.500 personnes sont passées par le service dédié, les taux de réussite ne sont pas donnés partout, mais sur celui de l’Insertion par l’activité économique, il est de 60% de sorties en emploi ou en formation.
Maxime Zenou évoque le rapport du CESE, « pour lequel nous sommes une organisation sérieuse », et celui de la Cour des comptes « qui relève que nous sommes un soutien pour la population ». Et souligne qu’ils sont pour l’instant là pour faire « à la place » : « Nous étayons l’action publique en attendant que les politiques publiques soient réellement mises en place. »
C’est justement ce que pointait un communiqué signé par SOS au côtés de la CNAPE et l’UNIOPSS, qui appelait les pouvoirs publics à » déclencher en urgence des moyens financiers et humains absolument nécessaires pour apaiser durablement les tensions sur le territoire ». Maxime Zenou entérine : « Bien sûr il faut rétablir le calme, mais ça ne peut pas être du tout sécuritaire. Il faut aussi mettre en place une politique de codéveloppement des Comores, or, l’échelle des réponses n’est pas à la hauteur des problématiques. Pendant ce temps, les enfants non scolarisés et déscolarisés, et nous allons bientôt publier des chiffres, grandissent dans la rue et se forment à la transgression. A Mayotte, c’est vraiment l’île où le mythe des enfants perdus comme Peter Pan est concret : petits, on n’a pas la place de les scolariser, et grands, de les insérer. »
Maxime Zenou quitte Mayotte où il se rend régulièrement en lançant un appel, « ne nous résignons pas, Mayotte vaut le coup qu’on s’y engage ».
Anne Perzo-Lafond