Il y a deux ans, les villages de Koungou et de Trévani étaient à feu et à sang après le meurtre de Mhamadi Mroivili, dit Raoul. L’entrepreneur phare de la commune, Tanchiki Maore (MAP, hôtel Trévani), décide alors d’initier un regroupement de villageois sur le même mode que les gilets jaunes du capitaine Chamassi. « Trévani Solidaire En Action » (TSEA) est né. Composé d’une soixantaine d’adultes, ils ont « reconquis le terrain », comme ils disent. Le calme est revenu depuis.
Mais l’agitation du village voisin Majikavo Koropa a ravivé les craintes et inquiète Tanchiki Maore, qui prend la décision de les réunir. « Je voulais leur dire de ne rien lâcher, de garder le cap ». Ce dimanche, une soixantaine d’entre eux étaient donc présent à l’hôtel Trévani, pour recevoir les félicitations de leur président, et assister à la remise d’un chèque de 4.000 euros à l’association TSEA pour qu’ils s’équipent en chaussures tout terrain, en talkie-walkie, etc. : « Je voulais vous féliciter pour l’action accomplie, vous encourager ». Et puisque les fêtes ne sont pas loin, Tanchiki leur tend à chacun un paquet, « j’ai un petit cadeau pour vos enfants et vos petits-enfants ».
Son vice-président Insa Saïd Ali, dit « Donald », à la tête de la société 2SPS gardiennage, a la même démarche : « Quand je peux, je recrute les éléments les plus perturbateurs. Et le message que nous passons depuis le début, c’est qu’il faut reconquérir le terrain, dès qu’on voit un jeune dont le comportement nous interpelle, on se le dit, et on le stoppe si il est menaçant ». La consigne est à ce moment là d’appeler le 17 pour que la gendarmerie intervienne. Ça peut néanmoins dégénérer, « c’est arrivé une ou deux fois, le temps que les gendarmes interviennent, on en est venus au main. Mais le jeune doit comprendre qu’il doit respecter la population et ne pas faire sa loi. »
« La gendarmerie ne peut pas faire de la magie »
Tout le monde est mis à contribution, même les anciens du village, invités d’honneur ce dimanche. « Nous sommes allés voir les sages du villages qui connaissent les parents de ces jeunes, et partent les chercher pour discuter avec eux. »
Pour Tanchiki Maore, cette organisation est indispensable pour ramener la paix : « La gendarmerie ne peut pas faire de la magie si les villageois ne coopèrent pas. »
Le chef d’entreprise participe de sa personne et de son pécule : « Ceux de Koungou je les ai embauché à 90%, et formé au ramassage des déchets ou à l’assainissement. » Il gère même la réinsertion post-incarcération : « Un des jeunes du village de Koungou est sorti de Majikavo, je l’ai recruté en le mettant en garde qu’à la moindre bêtise, je ne reviendrai plus le sauver. »
Son baromètre pour évaluer la situation, c’est la perception de tout un chacun, « avant, quand on arrivait à Majikavo, on avait la boule au ventre jusqu’à Trévani, maintenant, quand on arrive à Trévani, on rebaisse les vitres ! »
Si Koungou s’est apaisé, rien n’est gagné, « c’est un travail de tous les jours, notamment avec la mairie et le Centre communal d’actions sociales. » Surtout, c’est à Majikavo Koropa que rien ne va plus, « moi je ne peux pas me disperser, j’interviens déjà jusqu’à Koungou d’un côté, et Longoni de l’autre. Il faut que d’autres s’y attèlent ». Un appel au monde économique et à son implication dans la paix publique, les entreprises ont tout à y gagner.
Anne Perzo-Lafond