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Projet de loi Mayotte, unité des élus : le sénateur Thani revient sur les grands enjeux de l’année

Depuis la première année de son premier mandat, le sénateur Thani Mohamed Soilihi a instauré ce rendez-vous régulier avec la presse, il rend ainsi compte chaque année de son action parlementaire, « il faut communiquer sur le contenu des travaux que l’on mène dans une assemblée éloignée géographiquement de Mayotte », résume-t-il sobrement.

L’épais compte-rendu, en trois parties, comprend les interventions du sénateur dans l’hémicycle et en commission, et les questions écrites et orales, et permet de se rendre compte des domaines d’intervention variés d’un sénateur, des vols Kenya-Mayotte aux exploitations des fonds marins en passant naturellement par la sécurité à Mayotte ou les violences faites aux femmes.

L’activisme de Thani Mohamed Soilihi au sein du Sénat se mesure par de nombreux amendements dits « amendements Thani », sur le droit du sol ou l’antériorité de la prescription acquisitive en matière de foncier. Mais également par le passage à Mayotte de délégations composées de ses pairs, sur les déchets, la santé, le foncier ou l’insécurité et son rapport cash pour ne parler que d’elles. Avec des résultats que l’on connaît puisque trois rapports sur le foncier en Outre-mer ont été publiés, dont la sécurisation du lien à la terre. Ils auront permis la création de la Commission d’urgence foncière (CUF) à Mayotte, dont l’objectif est de régulariser les actes de propriété. « La CUF est mise en place pour dix ans, mais il y a fort à parier qu’il y aura encore beaucoup à faire à cette échéance. 70% des terres ne sont pas immatriculées, c’est des recettes en moins pour les collectivités ». Nous avons en effet  rapporté le constat alarmant dressé par l’économiste Philippe Nikonoff dans ce domaine, qui demande la tenue d’une commission d’enquête parlementaire sur la fiscalité.

Trois rapports ont permis des décisions déterminantes pour libérer du foncier en Outre-mer

Le projet de loi Mayotte scindé en deux

Le sénateur revenait sur les grands sujets de l’année : le projet de loi Mayotte, l’insécurité, l’évolution institutionnelle, etc. Et, c’est juré, le combat est porté d’une seule voix par les parlementaires : « Nous sommes plus que jamais unis. Cela s’est vu lors des rencontres à Paris, avec le président Macron, avec le président Larcher, ou la présidente de l’Assemblée nationale. Il peut y avoir des désaccords à Mayotte, et c’est le jeu politique, mais pas à Paris. » Il cite des amendements que la députée Estelle Youssouffa n’a pu totalement faire aboutir à l’Assemblée nationale, « elle me les a fait passer et j’ai pu en faire adopter un ». Le talon d’Achille de cette unité fut l’ajournement du projet de loi Mayotte, pour lequel il aurait préféré que les élus mahorais émettent un avis réservé, « cela aurait permis de réécrire ce que l’on voulait. Ce n’était qu’un avant projet, mais contenait déjà 70% d’éléments positifs. »

Il regrette à ce sujet que le président Ben Issa Ousseni n’ait pas consulté l’ensemble des élus avant son audition sur l’évolution institutionnelle des Outre-mer par la Délégation du Sénat. Et évoque l’avenir du projet de loi Mayotte dont une partie du contenu a déjà été intégrée – ou va l’être – dans les projets de loi en cours. Nous avions écrit que le projet de loi organique avait tué celui sur le développement de Mayotte en suggérant de séparer ces deux parties dont la deuxième ne provoque pas d’urticaire dans la population. C’est en cours par la force du calendrier législatif qui va intégrer les points auparavant intégrés dans la loi : « Une bonne partie du volet sécuritaire est dans la loi LOPMI (Loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur), et d’autres seront inscrits dans la loi Asile-Immigration. Il ne restera plus que l’institutionnel ».

ARS, rectorat, Cour d’appel, même combat

Eric Dupond-Moretti, Thabni MOhamed Soilihi, Sénat, CEF, Mayotte
Les hésitations d’Eric Dupond-Moretti sur l’implantation d’une Cour d’appel propre à Mayotte

C’est à dire l’adoption d’un scrutin de liste pour les élections départementales et l’augmentation du nombre d’élus pour coller aux compétences d’une Région… ce que le président Zaïdani avait demandé il y a 10 ans, puis abandonné, ce que le président Soibahadine avait demandé sous forme de toilettage il y a 3 ans, puis abandonné, car mal compris par une grande partie de la population. « Nous n’avons pas assez communiqué entre nous les élus », analyse le sénateur. Espérons que la 3ème mouture sera la bonne, car le scrutin de liste est un premier gage anti-corruption qui permet à un candidat de figer les noms de ses colistiers une bonne fois pour toute, et éviter les revirements de dernières minutes de candidats « achetés » par les uns ou les autres.

L’avocat qu’il est a répondu aux questions des journalistes sur les hésitations ministérielles d’une Cour d’appel dédiée à Mayotte. Répondant au député Mansour Kamardine, Eric Dupond-Moretti avait rétorqué, « les magistrats qui sont en poste à Mayotte n’en veulent pas ». Sur le même mode que l’ensemble des élus, Thani Mohamed Soilihi répète ne pas vouloir d’une Cour d’appel déléguée, « depuis quand on demande aux magistrats leur accord. L’autorité chargée de la politique pénale est à Saint Denis, comment peut-il décliner une politique pénale efficiente sans connaître les problèmes des mahorais. C’est ce qui explique les dysfonctionnements actuels. » Les mêmes que pour l’ARS ou le rectorat.

Mayotte va prendre de la valeur

Un outre ministère

Son expérience au sein des institutions n’a pas modifié son opinion sur une représentativité insuffisante des Outre-mer, et pas seulement parce que leur ministère est absorbé par l’Intérieur : « Même si nous aurions préféré un ministère de plein exercice, de toute façon, le ministère des Outre-mer n’est pas à la hauteur des enjeux en ne gérant que 10% du budget des Outre-mer. Il faudrait une cellule Outre-mer au sein de chaque ministère où sont gérés les budgets à allouer. Ils seraient au cœur du débat. »

Ce jeudi de début novembre, c’est un sénateur de consensus qui dresse son dernier bilan, lui qui avait été désigné vice-président du Sénat aux côtés du LR Gérard Larcher, et qui va sans doute se représenter, « j’attends que cette année se termine pour me prononcer avec certitude. » Il a tissé son réseau de tout bord. Il l’illustre en ommentant la « sortie remarquée » de la députée Estelle Youssouffa qualifiant le député communiste Lecoq de « suppôt de Moscou » pour avoir une nouvelle fois évoqué une « colonisation illégale de Mayotte » par la France, le sénateur rapportait avoir fait la même démarche en privé auprès de ses collègues communistes, « au point que l’une d’entre elle, Laurence Cohen, est venue en mission à Mayotte sur les déchets et m’a indiqué être désormais une grande défenseuse de Mayotte ».

Comme un symbole, en vue de la modification du graphisme des billets de banque par la Banque centrale européenne, le sénateur a demandé que Mayotte figure parmi les 9 Régions ultrapériphériques de l’Europe.

Un capital d’actions qui lui fournit des armes pour affronter les sénatoriales de 2023, ses électeurs que sont les autres élus du territoire auront au moins en main ses bilans d’une centaine de pages pour juger sur pièce.

Anne Perzo-Lafond

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Inauguration de la brigade d’Hajangua par Gérald Darmanin en août 2021

Des brigades et des hommes

Le 11 octobre dernier, en réponse à une proposition d’amendement du sénateur Thani Mohamed Soilihi, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a annoncé, au Sénat, la création de quatre nouvelles brigades de gendarmerie à Mayotte. « Cela doit permettre d’occuper le terrain et d’empêcher certains mineurs en errance de basculer dans la délinquance », indique le sénateur.

Comme nous l’avions écrit, c’est une avancée qui dépend étroitement de dégagement de foncier pour bâtir ces brigades et de logements pour les effectifs supplémentaires. Le général Capelle qui a logé avec difficulté les effectifs de son 4ème escadron nous le répétait encore ce jeudi, « il faut des programme de logements spécifiques et la mise en place d’une caserne, avant d’envisager l’arrivée de ces effectifs d’une quinzaine par brigade ».

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