Coup de projecteur sur « Lingui, les liens sacrés », une ode au choix des femmes

Le dernier film de Mahamat Saleh Haroun, passé par le Festival de Cannes en 2021, nous plonge dans le quotidien de femmes, dans les faubourgs de N’djaména au Tchad, où le patriarcat religieux règne au-dessus de tout.

Regard vers l’horizon, une mère héroïne © Pili Films -Mathieu-Giombini- Ad Vitam

Lingui, les liens sacrés, c’est le portrait d’une femme et de sa fille, qui malencontreusement tombe enceinte. Mais la jeune fille, à peine âgée de quinze ans, décide de pas garder l’enfant. Le secret qui lie ces deux femmes les met au péril d’une vie dangereuse, où leurs choix seront décisifs. Dans une grande sobriété, le cinéaste installe un contexte modeste dans un quartier très religieux, où une mère fabrique des paniers à partir des câbles de gros pneus. En parallèle, son enfant étudie dans la prestigieuse école de filles. C’est ici que tout s’installe. Mais tout bascule, jusqu’à l’annonce fatidique. Très rapidement, Haroun nous amène au vif du sujet : le long cheminement de femmes, mère et fille, faisant le choix de l’avortement. Une décision qui évidemment va en contradiction totale avec la loi du pays et les mœurs religieuses. Commence alors une forme de course contre la montre.

Le cinéma de sobriété

Mahamat-Saleh Haroun est un cinéaste croyant, en phase avec son époque. On ne peut que remarquer qu’il porte un regard sur le monde, vu la délicatesse qu’il a à exploiter certain de ses sujets très actuels. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il est régulièrement sélectionné au festival de Cannes, dans la compétition officielle. Il est un des dignes représentants des récits de l’Afrique d’aujourd’hui. Il est aussi un des rares cinéastes africains, à conserver un style très sobre, un découpage peu clivant, des plans fixes longs, mais dynamisé par l’action des personnages. Il n’est pas dans le démonstratif. Il raconte des histoires de son temps, avec une certaine mesure. L’ensemble de son œuvre est assez admirable. C’est un peu comme si à chaque film, il faisait le premier.

Mère et fille, duo de force © Pili Films -Mathieu-Giombini- Ad Vitam

Lingui, les liens sacrés, propose malgré tout, une esthétique un peu plus léchée que son précédent film. Cela se remarque par le travail naturel de la lumière solaire, le choix de certains cadres, mais aussi la manière dont il utilise l’environnement avec une certaine hostilité. C’est fascinant d’observer une telle maîtrise. Surtout dans un film comme celui-ci, qui nous tient en haleine. Le cinéaste sait tenir en tension à travers sa mise en scène et son montage. Il fait le choix de la simplicité et du concret. En à peine 1h25 de film, Haroun nous raconte une histoire qui raisonne avec l’actualité. Il faut voir avec ce film comme un message essentiel au combat que mènent les femmes dans le monde, pour leurs corps et leurs choix. Un film ne peut pas faire tout changer, comme aime à le dire Haroun. Mais s’il peut amener à participer à une réflexion plus forte, cela sera déjà beaucoup. Sans même prendre en compte le discours de son créateur, Lingui, les liens sacrés, convainc par les choix narratifs qu’il entreprend et le cheminement personnel qu’il peut éveiller chez chacun d’entre nous. Le film devrait être rediffusé prochainement dans notre salle du Pôle culturel de Chirongui. Mais pour les plus curieux, il est disponible en streaming avec l’abonnement Canal + et en vidéo à la demande sur Universciné, Orange, Arte, et Canal VOD.
Ritsowonana

Germain Le Carpentier

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