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Medef : Les banquiers sous le feu des questions des chefs d’entreprise

Cure de positivité ce mercredi. Le monde financier était sur la sellette face au monde économique à l’invitation du Medef. Si les dégradations noircissent quelque peu le tableau, c’est néanmoins une croissance dynamique qui s’y dessine.

Alors que le président de la République jongle à Paris avec les mots « sacrifice », « efforts », « fin de l’abondance », dans la salle bondée du centre d’affaires de Kawéni, on parlait « développement », « croissance » et « dynamisme ». Un état des lieux satisfaisant qui cache quelques freins dont il faut venir à bout.

Entre une présentation du tableau économique par l’IEDOM et celle des fonds européens, les banques étaient réunies pour présenter leurs actions. Car à Mayotte, au vu du contexte, on attend d’elles un rôle particulier, un pas qu’ont du mal à emboiter leurs dirigeants parisiens.

Les représentants de trois instituts bancaires ont présenté leurs outils et leur fonctionnement. « Nous avons à Mayotte l’ensemble des outils de financement proposés au national, que ce soit pour des achats de véhicules ou de machines, ou des prises de participation et des fusions acquisitions », détaillait Aymane Bakari, pour la Caisse d’Epargne (CEPAC).

Mais à Mayotte, quand on a besoin du banquier, c’est pour trouver de la trésorerie en réponse à deux difficultés principales : prendre le relais de délais de paiement excessivement longs, et éponger les dégâts provoqués par les actes de délinquance, intrusions, caillassages etc.

Les chefs d’entreprise voient leur banque comme un relais essentiel

Frilosité sous les tropiques

Sur ce dernier point, les banquiers réputés frileux étaient priés de prendre le relais des assurances, atteintes par la même maladie : « Face aux dégradations qui laisse une bijouterie exsangue en Petite Terre, ou des transporteurs scolaires aux pare-brises caillassés de moins en moins remboursés par les assurances, il faut que vous puissiez aider », sollicitait la propriétaire d’un restaurant. C’est peu de dire que les banquiers d’étranglaient à l’idée de se muer en bons samaritains, « cela ne fait pas partie de nos activités », répondaient-ils en chœur, en réalité, si des prêts sont bien octroyés, c’est « du cas par cas », « tout dépend de la solidité de la structure. Pour une entreprise qui ne possède qu’un seul bus qui se fait caillasser, on ne pourra pas, car l’activité ne peut pas continuer. Ce sont des aléas »… « Non, c’est quotidien ! », lui répondait du tac au tac la restauratrice.

Ni assurance, ni banque… une réflexion doit s’engager pour trouver une solution aux dégâts provoqués par la délinquance locale. On sait que celle-ci ternit l’image de l’île, et jusqu’au sein des bureaux feutrés parisiens des grandes banques. « Ces aléas liés à la délinquance ne sont pas couverts, car il y a de trop fortes possibilités qu’ils se réalisent. Mayotte reste pointée du doigt, regardée avec une double loupe, tout est vérifié, alors qu’on est en plein développement », déplorait un banquier.

Autre pénalité, les délais de paiement à rallonge, qui n’ont pas été raccourcis malgré l’arrivée du portail Chorus Pro il y a quelques années. « C’est un peu la chaine alimentaire. L’Etat est très lent à débourser, donc le BTP manque de trésorerie, et met du temps à nous payer », relève le responsable de MIM (Maintenance Industrielle Mahoraise), récemment arrivé sur le territoire. En soulignant le piège pour les fournisseurs sur le territoire, « nous finissons pas devenir des banquiers en finançant toute la chaine ».

« Tout le monde rembourse »

Carla Baltus, présidente du Medef Mayotte

Christian Pichevin, Directeur des Finances publiques à Mayotte, tentait de défendre l’Etat sur ses délais de paiement, « en dehors d’accidents, on paie à moins de 20 jours », or les accidents furent nombreux par le passé, sans aller jusqu’à parler des paiements très tardifs des fonds européens. Il pointait également les problèmes rencontrés avec le comptable public, la paierie du conseil départemental, « on met en place un groupe de travail pour cerner les blocages car le conseil départemental n’a pas de problème de trésorerie », et ceux des autres collectivités, on sait que pour certaines communes, ce sont des insuffisances de trésorerie. « Je mets en garde, car la croissance constatée à Mayotte peut s’enrayer si nous ne revenons pas à des délais raisonnables de paiement. »

La demande de MIM d’avoir recours à l’escompte, « car mon entreprise a les reins solides, le résultat net est bon », reçoit un avis favorable. Ce mécanisme permet à la banque de faire une avance à l’entreprise en récupérant la créance sur son client, « nous pouvons aller jusqu’à 50.000 euros, ça n’a jamais été refusé, bien que nous en fassions peu ». Ne pas hésiter à solliciter les banquiers donc.

Le sujet du remboursement des Prêts garantis par l’Etat (PGE) octroyés au moment de la pandémie n’en est pas un ici pour l’instant, « nous nous attendions à avoir des problèmes dès cette année, mais l’activité est dynamique, tout le monde rembourse. Nous sommes enviés par La Réunion et la métropole », indiquait Radhua Madi Souffou, BRED.

Le problème majeur rencontré par le monde économique pour obtenir un prêt à Mayotte, n’était pas abordé, alors qu’il agit défavorablement sur la croissance : il faut plusieurs mois voire un an pour l’obtenir, même pour les entreprises qui ont les reins solides. En raison d’un pouvoir centralisateur à La Réunion. « C’est vrai que Mayotte pâtit d’une mauvaise image dans la département voisin », nous confie un banquier que nous avons interrogé à ce sujet. Inviter les décisionnaires réunionnais ou parisiens à venir sur place, ne serait pas un luxe, histoire de gagner en confiance. Les trois financiers assurent malgré tout avoir une certaine autonomie de délégation pour octroyer un prêt, allant de 750.000 à 2 millions d’euros en fonction de l’établissement bancaire.

Alors, comme le disait Aymane Bakari en entame de la réunion, « si votre banquier ne vous octroie pas le crédit espéré, allez en voir un autre ! »

Anne Perzo-Lafond

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