« Cette matinée est consacrée à la découverte du monde judiciaire. Sentez-vous libre de poser les questions que vous souhaitez ». Les propos de Laurent Ben-Kemoun, président du tribunal judiciaire de Mamoudzou, se veulent bienveillants au regard du parterre d’étudiants, plus de soixante-dix réunis à la Maison pour tous de Dembéni.
« Permettre une meilleure compréhension du monde de la justice »
« Le Conseil départemental de l’accès au droit (CDAD) de Mayotte est une toute petite structure, nous sommes cinq, explique Laurent Ben-Kemoun, également président du CDAD. L’objectif de la manifestation de ce jour est de permettre une meilleure compréhension du monde de la justice ». Alors que pour beaucoup de concitoyens le monde de la justice demeure opaque et difficilement compréhensible compte tenu « de son propre vocable et de sa technicité », il est souvent cantonné à un rôle purement punitif. Or, constate le président du tribunal, « la raison d’être de la justice c’est d’écouter les deux sons de cloche, ce que l’on appelle le principe du contradictoire ».
Depuis la création en 2018 par le Ministère de la justice de la Journée nationale de l’accès au droit, les CDAD de France sont acteurs de cet événement. Cette 5e édition, comme les précédentes, vise à rappeler que dans une société démocratique, chaque citoyen doit avoir un accès effectif à ses droits et devoirs que ce soit par l’information, l’orientation vers des organismes adaptés ou encore la consultation juridique. En outre, mieux comprendre le fonctionnement de la justice permet à chacun de vivre sa responsabilité à l’égard de la société dans son ensemble.
Des ateliers pédagogiques pour appréhender le rôle de la justice
Pour tenter d’accomplir cette mission, la matinée de mardi s’est structurée autour de 3
ateliers qu’il s’agisse de théorie, d’information pratique ou de mise en condition. Selon Adel Mohamed du bureau d’aide aux victimes du tribunal judiciaire et animateur de l’atelier « La justice c’est quoi ? », « le public d’aujourd’hui est averti, réfléchi et éveillé ». Les questions des élèves ne manquent pas, que ce soit sur le rôle des différents types de tribunaux, « à quoi sert les prud’hommes? Est-ce uniquement pour le travail? », ou encore la justice pour les mineurs, « quel est l’âge le plus jeune où on risque d’aller en prison ? ». Ainsi, pour l’animateur du second atelier portant sur la filiation parentale, « ils ne vous le diront pas mais la plupart d’entre eux sont concernés par ces questions ». Les délais de reconnaissance d’un enfant, les trois sortes de filiation (légitime, naturelle et adoptive) sont autant de sujets qui captent l’attention du groupe d’élèves qui se sont installés en demi-cercle face au vidéoprojecteur.
« La justice n’est pas uniquement là pour punir, elle est aussi là pour aider »
Rien de mieux que d’expérimenter dans une mise en scène d’un procès les différents rôles
d’une salle d’audience. Dans une scénette d’une vingtaine de minutes, les étudiants endossent le rôle de président, procureur, avocat ainsi que victime et prévenu. « Il faut que ce soit vivant, poser des questions » leur signale Bastwya Ali, directrice du CDAD. Rapidement mis en condition, les élèves jouent le rôle qu’ils ont choisi. La parole est parfois hésitante mais les propos résolument pesés, en témoigne cette plaidoirie “ » au lieu de profiter de sa jeunesse, mon client s’enferme dans sa chambre, la honte au corps. Mais la honte doit changer de camp ».
« Cette sensibilisation du fonctionnement de la justice est au cœur de la thématique de cette journée, détaille Bastwya Ali. A Mayotte, il y a une diabolisation de la justice. Mais la justice, ce sont avant tout des hommes et des femmes qui sont là pour accompagner les victimes. Elle n’est pas uniquement là pour punir, elle est aussi là pour aider ». La directrice a tenu à rappeler que « l’intérêt des jeux de rôles permet de faire prendre conscience des positions de chacun et de pourquoi pas faire naître des vocations », avant de conclure, « on manque de personnel de justice sur l’île, il n’y a pas de greffiers mahorais par exemple. Nous essayons de préparer la justice de demain à Mayotte».
Pierre Mouysset