C’est par une matinée relativement ensoleillée que le célèbre Alain Bernard allait à la rencontre des collégiens de Sada, en plein cycle de natation sur le littoral de Tahiti Plage. Si la matinée débutait par des conseils de natation prodigués paternellement aux enfants, très vite, champion et scolaires se jetaient à l’eau pour la leçon du jour, encadrés par trois professeurs d’EPS et sous la surveillance d’un maître-nageur. Mais le champion olympique ne s’est pas rendu sur l’île pour le simple plaisir de partager sa passion avec les plus jeunes. « Par des connaissances interposées, on a eu un contact avec le recteur de l’académie pour réfléchir à un plan de développement de l’apprentissage de la natation (…). Et justement, on a développé avec des associés un concept d’infrastructure à moindre cout pour le territoire national métropolitain, et c’est ce modèle là qu’on aimerait proposer ici à Mayotte pour pouvoir structurer un petit peu mieux l’apprentissage de la natation ». Et l’athlète de continuer : « On veut développer des infrastructures, mais pas uniquement, il y a aussi toute la formation des maitres-nageurs… Donc on essaye de réunir un petit peu les forces vives et on est venus à la demande du recteur d’académie pour présenter le modèle de piscine que l’on développe sur le territoire ».
En termes de modèle quant au type de piscine proposée par M Bernard et ses associés, le sportif décrit « une piscine hors sol avec un toit, une halle de bassin ventilée naturellement, faite en structure légère avec un bassin autoporté pour qu’il puisse être à moindre coût non seulement sur l’investissement mais sur l’exploitation ». Et dans cette piscine, idéalement, « il y aurait de la technologie, quelque chose qui dynamise l’apprentissage de la natation, avec des fonds de la piscine qui peuvent être animés par des fonds marins, des films de diffusions, des caméras pour l’apprentissage… Penser la piscine de demain, du futur, que ce soit en métropole ou à Mayotte, que ce soit la même chose ».
Différentes infrastructures imaginables
Interrogé sur le projet, le recteur évoque les différentes infrastructures imaginables. « Aujourd’hui avec la Drajes, la préfecture et le Cd, on voudrait déjà avoir une étude qui nous permette d’évaluer les différents concepts, il peut y avoir des bassins lagunaires, il peut y avoir des bassins mobiles ou des piscines fixes, peut-être un mix des trois », explique Gilles Halbout. « Il faut voir aussi le maillage que l’on veut faire, et derrière il y a aussi de la question de l’entretien : il ne s’agit pas de construire une piscine si après au bout de deux ans personne ne l’a entretenue et on doit la fermer, ce serait catastrophique. Chaque solution a ses avantages et ses inconvénients ».
Autre point sur lequel il s’agira également de plancher, c’est la question de l’approvisionnement en eau. « Déontologiquement je ne me vois pas faire une piscine d’eau douce alors que les habitants n’ont pas l’eau courante tous les jours » explique Alain Bernard.
Des difficultés en termes d’infrastructures, certes, mais également un réel besoin pour le territoire. Interrogé sur la question, le nageur olympique explique qu’à Mayotte « l’apprentissage de la natation est très très très en retard, beaucoup trop en retard pour ne rien faire. Il faut faire quelque chose, en tout cas aujourd’hui je suis fier de faire partie de ce tour de table, de pouvoir raconter mon expérience, mon ressenti ».
Et outre la découverte de l’environnement, la pratique du sport et les activités nautiques multiples d’un lagon dont l’utilisation est en pleine expansion, il est un point qui reste central : l’aspect sécuritaire.
Pénurie de maîtres-nageurs, et enjeux sécuritaires
Le niveau en natation reste indéniablement faible sur l’île au lagon. « On récupère des enfants qui n’ont jamais été dans l’eau, donc le niveau est très très faible » explique Stéphane Carbonne, maître-nageur au rectorat et responsable du Cercles des nageurs de Mayotte. Et pourtant, « l’enjeu est primordial : c’est de sauver sa vie. La natation est le seul sport qui peut sauver la vie ».
Néanmoins, sur les très nombreuses plages de Mayotte, l’on ne compte qu’une dizaine de maîtres-nageurs. « C’est vraiment très faible par rapport aux 300 maîtres-nageurs qu’il y a à La Réunion » explique M Carbonne, en dressant le bilan. « Il faudrait une centaine de maîtres-nageurs à Mayotte ». Mais au-delà des ressources humaines, le responsable du Cercle des nageurs pointe du doigt une autre problématique, celle des postes de secours. « Il y n’y a aucune plage à Mayotte où il y a des postes de secours, donc ce n’est pas logique, avec toutes les plages qu’on a, la population qui vient de plus en plus à la plage, les voulés etc… Il faut un minimum de sécurité, au moins les mercredi les weekends et pendant les vacances ». Et la problématique trouve ses racines dans l’une des réalités du territoire :
« Le problème aussi c’est qu’il n’y a pas de formation locale. Le but du jeu c’est d’arriver à former des maîtres-nageurs mahorais, explique Stéphane Carbonne. Il n’y a pas de formation pour l’instant. C’est tout un continuum qu’il faut arriver à impulser. Tant qu’on n’a pas ce cheminement qui va faire que la natation va évoluer, on restera au bord de l’eau, à faire un apprentissage difficile… ».
Mathieu Janvier