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Mamoudzou

Une armée de cerveaux pour consommer les fonds européens

Une « belle machine ». La sous-préfète à la relance qualifiait ainsi le GIP « L’Europe à Mayotte », décomposé en 4 pôles, dotés de compétences locales revenues de métropole. On en rêvait depuis 2014. Avec une enveloppe doublée, mais encore en deçà des besoins de Mayotte, soulignait Maxime Ahrweiler, il ne reste plus qu’à consommer avec des projets ambitieux.

Depuis 2014, année de la première enveloppe de fonds européens, c’est la première fois qu’on y croit. Nous avons constamment relevé les errements de la préfecture en tant qu’autorité de gestion qui n’a pas su mettre en place une équipe à la hauteur à Mayotte, critiquée par les rapports nationaux successifs. Nous ne reviendrons pas dessus. Cette fois, l’exemple d’un guichet unique à l’image de l’AGIL à La Réunion, formulé par le sous-préfet François Mengin-Lecreulx en 2011, a été décliné sous la forme d’un GIP (Groupement d’Intérêt Public), « L’Europe à Mayotte ». On le doit à la sous-préfète à la relance, Maxime Ahrweiler, qui est allée chercher les talents à Mayotte et en métropole, à commencer par Ali Soula, fin connaisseur des dossiers pour avoir travaillé à la Certification des Fonds européens à Paris.

La constitution du GIP avait été annoncée par l’ancien préfet Jean-François Colombet, qui a laissé carte blanche à sa sous-préfète. Une polémique avait suivi, celle de l’autorité de gestion que le conseil départemental revendiquait comme dans les autres RUP, et en se basant sur les échecs passés. La formule du GIP permet un partage des décisions. Maxime Ahrweiler posait le constat, histoire qu’on n’y revienne plus : « Force est de constater que l’Etat seul n’avait pas les moyens de gérer des fonds aussi importants, il fallait donc s’associer avec le conseil départemental. »

S’il n’y a pas eu de dégagements d’office sanctionnant une perte des subventions, on n’est pas passé loin, « il y a eu un manque d’accompagnement des porteurs de projet. » La difficulté vient aussi du durcissement de la politique de contrôle européenne au fil des enveloppes, « dans les années 70, c’était plus simple de présenter les dossiers, les autres territoires qui géraient avant nous les enveloppes ont donc pu monter doucement en compétence ».

Maxime Ahrweiler dressait le constat à l’issue de la 1ère enveloppe : « Il y a eu un manque d’accompagnement des porteurs de projet »

Une 1ère enveloppe sous-consommée par la précédente équipe

On peut remercier celles et ceux qui, malgré ces déboires, ont œuvré pour que la 2ème enveloppe dédiée à Mayotte soit plus que reconduite, « elle a doublé sur cette période 2021-2027 », soulignait la sous-préfète, notamment grâce au fonds européen dédié à la relance post-Covid, REACT-EU. Le FEDER se monte pour Mayotte à 350 millions d’euros, le FSE à 120 millions d’euros et pour le REACT-EU, 150 millions d’euros. » Soit un total de 620 millions d’euros, contre 310 millions pour la précédente enveloppe 2014-2020.

Dans la salle de la mairie de Mamoudzou, on cherche des chaises, les porteurs de projet sont venus en nombre, « merci, parce qu’on peut mettre la plus belle machine de gestion en marche, s’il n’y a pas de projets, on n’arrivera à rien », réagissait-elle. Et pour l’énarque, il faut aller plus loin, « ces fonds ont doublé, mais les besoins de Mayotte sont plus importants. Pour les accroitre encore, il faut être exemplaire et aller vite, nous pensons qu’il faut qu’en 2025, tout soit déjà engagé ».

La barre est haute, quand on sait qu’à l’heure actuelle, la précédente équipe est arrivée à péniblement programmer 90% des fonds de l’enveloppe échue 2014-2020, et qu’à ce jour, 30% seulement sont engagés dans des investissements. « Le défi est de consommer les 70% restant dans les deux années qui restent (la consommation s’étale sur les deux années qui suivent l’échéance, ndlr) », nous rapporte Pierre Bdioui, chargé de mission animation.

Deux fois plus d’instructeurs

Une équipe opérationnelle depuis quelques semaines, se réjouit Ali Soula

Le directeur du GIP, Ali Soula, précise l’évolution considérable des moyens mis en œuvre : « Nous sommes là pour relever le défi du développement de Mayotte. Dans la précédente équipe, 10 agents étaient positionnés sur la gestion des fonds, nous sommes passés à 50. Et de moins de 10 instructeurs de dossier, à 19. » Le conseil départemental et l’Etat cofinancent à hauteur de 15 postes chacun, « dont des mahorais très qualifiés que nous avons fait venir de métropole, de niveau master 2 ». Le GIP sera à terme installé à Tsingoni dans de nouveaux locaux.

Quatre pôles sont mis en place. Le Pôle animation, dirigé par Chantal Dagnaud, qui recevra les porteurs de projet* et l’accompagnera dans le montage de dossiers et définira avec lui l’objectif spécifique dont il relève, et les Pôles FEDER, FEDER-CTE et FSE, correspondants à chaque fonds européens, et dirigés respectivement par, Zaïtouni Bamana, Djanffar Soidiki Mari et Satuniadat Massoundi.

Le Pôle animation se déplacera sur le territoire à la rencontre des porteurs de projet, ce sont les consignes passées, « vous devez troquer vos escarpins pour des baskets, nous invite notre directeur », glisse Naila Louison, adjointe à la chef de Pôle animation, qui précise que des ateliers d’information seront mis sur pied à destination des porteurs de projet*. Pour Ali Soula, ce Pôle est vital, « je me suis déplacé sur le territoire, et j’ai pu mesurer le manque énorme d’information, et combien les fonds européens étaient associés à un un montage complexe ».

Les porteurs de projets avaient répondu en nombre à l’invitation du GIP

Surconsommation du REACT-EU

Tous sont tendus vers l’objectif de programmation en 2025 de l’ensemble des Fonds de l’enveloppe 2021-2027, avec une pression supplémentaire sur le REACT-EU de relance, « nous devons avoir tout consommé d’ici 2022. » Et c’est en bonne voie, rapporte Ali Soula, « nous nous orientons vers une surconsommation du REACT-EU ». Sur le volet social (FSE) du REACT-EU, c’est le RSMA qui va quasiment tout absorber, mais, histoire de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier, et les besoins en social étant important à Mayotte, le directeur nous rassure, « sur le fonds FSE de l’enveloppe 2021-2027, tout est encore à consommer ». En effet, et malgré la date de 2021 de départ, le top départ n’a pas encore été donné par Paris, qui fixe les grandes orientations, les Programmes Opérationnels (PO), « ils sont entre les mains des autorités nationales et seront signés prochainement pour une mise en place en avril 2022 ».

Beaucoup de porteurs de projet dans la salle, et beaucoup de questions, portant notamment sur le taux de cofinancement des projets, qui va déterminer combien chacun devra sortir de sa poche, « nous sommes la RUP le plus favorisé sur ce point ».

On a failli ne pas entendre le conseil départemental, qui doit pourtant prendre la main à la fin de cette enveloppe pour présider le GIP. Cela aurait été dommage pour cette grande première. Le conseiller de Mtsamboro Abdoul Kamardine arrivait en cours de séance, représentant Tahamida Ibrahim, Chargée des Affaires européennes, pour se réjouir de la création de ce GIP « L’Europe à Mayotte », « qui va décomplexifier l’accès aux fonds européens, avec une telle structure, nous n’aurons plus d’excuse pour ne pas consommer ». Car cette « belle machine », le conseil départemental a 6 ans pour en comprendre les rouages et porter une politique volontariste avant de devenir autorité de gestion à plein temps.

Anne Perzo-Lafond

* Pour contacter le Pôle animation du GIP : contact@europe-a-mayotte.yt. Les prochains ateliers d’information se tiendront le 7 décembre à Chirongui et le 19 janvier à Bandraboua. Un document d’information est en préparation

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