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Les maires de Mayotte d’une seule voix à l’Elysée

« C’est par la répétition que nous obtiendrons des réponses ». Les maires de Mayotte étaient reçus le 19 novembre par le conseiller Outre-mer d’Emmanuel Macron. Avec un enjeu : maitriser les dossiers pour se faire entendre.

Cette rencontre avec François Guillotou de Kerever, le conseiller Outre-mer d’Emmanuel Macron était déterminante à plus d’un titre. Une quinzaine de maires de Mayotte (il en manquait trois) et de présidents d’EPCI, avec en tête le président de l’Association des Maires de Mayotte (AMM) Madi Madi Souf, étaient reçus en réponse au courrier qu’ils avaient adressé au président de la République. Il alertait sur la gravité du contexte de l’île, avec en tête d’affiche la délinquance et l’immigration, mais pas seulement. Eux qui sont régulièrement accusés par une partie de la population de ne pas défendre ses intérêts et de ne pas réussir à interpeller les membres du gouvernement à hauteur du difficile contexte mahorais, sont attendus sur ce point. On se souvient que les collectifs s’étaient créés pour se substituer aux élus en 2018 les jugeant peu efficaces. Le manque de préparation et de connaissance des dossiers était en cause.

La rencontre élyséenne avait été préparée le dimanche qui précédait, nous rapporte Mohamed Moindjié, Directeur général de l’association des Maires de Mayotte (AMM). « Ils ont convenu qu’aucune division ne devait se faire sentir entre eux, et que la question de l’insécurité ne serait pas la seule abordée au regard des besoins de ce territoire en construction. » C’est par ce sujet que la rencontre débutait. En convenant que la sécurité était une compétence partagée. Régalienne, mais aussi de celle des maires en matière de sécurité publique et de police municipale. « Or, il y a un décalage entre le niveau exigé des policiers municipaux qui sont encore parfois d’anciens gardes champêtres, et la réalité qui les confronte à des bandes cagoulées et armées, des ‘terroristes’ pour les maires. » Ils ont demandé des équipements supplémentaires, mais aussi un appui en effectifs de justice, une extension de la capacité du quartier mineurs de la prison de Majikavo, un Centre éducatif fermé, une justice autonome vis à vis de La Réunion avec une Cour d’appel propre.

Les missions parfois difficiles des policiers municipaux à Mayotte

Les communes tirent la langue sur leur quote-part de 20%

Des énièmes mêmes demandes entendues par François Guillotou de Kerever, « qui a pris beaucoup de notes », et qui assurait que « l’Etat va renforcer son accompagnement à Mayotte, notamment en terme de sécurité, des informations que délivrera le ministre de la Justice lors de son proche déplacement à Mayotte le 6 décembre », rapporte Mohamed Moindjié. « Il a relevé ‘la pauvreté des communes en terme d’infrastructures’ et a rappelé la mise en place d’un Etablissement public d’aménagement ». Il s’agit comme l’avait annoncé Sébastien Lecornu, de « centraliser tous les grands projets pour mettre à niveau les infrastructures de l’archipel et les développer de manière cohérente ». Mais il est inscrit à la loi Mayotte dont on n’a plus trop de nouvelles.

Sur ce sujet de l’aménagement, ils ont appelé à « revoir la gouvernance de l’EPFAM », l’Etablissement public foncier, et clarifier la maîtrise foncière entre les collectivités locales, l’EPFAM, la Commission d’urgence foncière et ce futur établissement public. Ils souhaitent garder la main sur la maitrise d’ouvrage.

Pour occuper les jeunes et réaliser les infrastructures dont on parle, il faut des moyens que les communes n’ont pas, font savoir les 1ers magistrats. La difficulté à Mayotte, c’est d’engranger assez de recettes malgré la précarité des 77% de la population. Peu d’impôts sont collectés, et si l’octroi de mer sauve les budgets, la suppression de la taxe d’habitation qu’elles recouvraient, est mal vécue. Elle est pourtant compensée, mais pas à hauteur, selon les maires qui souhaitent que soit prise en compte des années de référence où l’assiette est la plus large, 2020 ou 2021. Des difficultés financières qui impactent sur le versement de leur quote-part de 20% pour obtenir des fonds notamment de l’Europe, « beaucoup d’investissements sont stoppés ». On se souvient que l’Agence Française de Développement (AFD) avait mis en place un remboursement anticipé du Fonds de recouvrement de la TVA, « mais cela ne fonctionne pas », nous répond le DGS. Ils ont également demandé que le coût du foncier soit intégré aux montants des subventions.

« Un manque de cohérence » sur la politique de transport

Accélérer les projets déjà lancés

La question migratoire était abordé sous l’angle de l’exception dans la République que représente Mayotte, et dans une moindre mesure la Guyane, « selon les élus, il faut sortir du droit commun en déployant un fonds exceptionnel qui prendrait en charge les effets d’externalité que fait peser l’immigration clandestine dans tous les domaines, écoles, hôpital, insécurité ». Et en matière d’impact sur les constructions illégales, l’application effective de la loi Elan avec des relogements plus rapides, « il faut occuper l’espace qui a été laissé vacant par les démolitions, sous peine d’un risque de réinstallation.

Les embouteillages, provoquant des levers de plus en plus matinaux pour les élèves, et les solutions apportées en terme de mobilité, ont été très discutés. Le conseiller Outre-mer du président nous a fait remonter qu’il n’avait pas de bons retours, « un manque de cohérence car vous avez lancé plusieurs projets ». François Guillotou de Kerever fait référence aux multiples projets, Caribus, Train bleu, desserte maritime. Pourtant, dépassant la cacophonie, le département a adopté un PGTD, un Plan Global des Transports et Déplacements, qui donne une stratégie globale, « il nous a demandé de booster ce qui était lancé, c’est à dire le Caribus dont les travaux doivent commencer en janvier, et la desserte maritime en construisant des pontons. Et nous allons lui remettre le PGTD ».

Le projet de la retenue collinaire d’Ourovéni, tel que pensé… en septembre 2012

Sur la gestion de l’eau, le verre reste à moitié vide

Sur la question de l’eau, les élus marchent sur des œufs, les torts sont partagés. La compétence est en effet communale, et désormais intercommunale, mais la gestion déplorable des investissements par leur Syndicat des Eaux est un fait à mettre au passif du dossier. Côté Etat, le point noir c’est l’absence de résultat sur la réparation des malfaçons de l’extension de l’usine de dessalement. Le préfet avait pourtant obtenu de Vinci l’engagement sur un délai de fin 2020… jamais tenu. On sait que sur ce sujet eau qui pénalise tant la population, l’Etat veut reprendre la main, Sébastien Lecornu ne l’a jamais caché, mais le président du SMEAM refuse de la lui laisser après que les dettes aient été apurées. Répondant à une question du député Mansour Kamardine sur ce sujet le ministre a indiqué que l’Etat serait là pour accompagner et financer notamment les infrastructures de la retenue collinaire et a demandé un échéancier à Vinci sur l’usine de dessalement.

Les élus ont demandé au conseiller du président un message politique fort notamment pour la jeunesse mahoraise. « Nous sommes Français depuis 1841, nous ne pouvons pas passer tout notre temps à revendiquer nôtre francité ». La participation des athlètes Mahorais aux jeux des îles de l’océan indien avec l’hymne national et le drapeau tricolore est le minimum syndical, ont en substance rapporté les maires.

Les sujets restent les mêmes d’échanges en échanges avec le gouvernement, mais mieux étayés, « et c’est par le principe de la répétition qu’on finit par obtenir des solutions », mise Mohamed Moindjié.

Anne Perzo-Lafond

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