Il aura fallu attendre les 10 ans du Centre universitaire, de Formation et de Recherche (CUFR) pour qu’un ministre de l’Enseignement supérieur vienne sur le territoire. Ce n’est pas une grosse structure qui accueillait Frédérique Vidal, mais aux besoins énormes, comme le rappelait Aurélien Siri, son directeur : « En 10 ans, nous sommes passés de 600 à 1.800 étudiants, nous proposons 11 diplômes nationaux en partenariats avec 5 universités nationales, nous avons multiplié par 5 notre personnel. Tout ça, avec une surface identique, nous sommes toujours sur 123 hectares. » Le CUFR ne peut absorber qu’un quart des bacheliers pour leurs études supérieures, les autres partent à La Réunion ou en métropole.
C’est par la Marseillaise des jeunes de Dembéni, en français et en shimaore, que Frédérique Vidal était accueillie, avant de plonger dans le bain lors d’un échange avec milieu des étudiants en 1ère année de licence avec option accès santé (LAS), une formation récemment proposée. Les questions n’étaient pas toutes les mêmes qu’en métropole, et si l’orientation en cas d’échec au concours, et les possibilités offertes par cette 1ère année vers la médecine, la pharmacie ou la maïeutique étaient abordées, les transports avec des levers matinaux et la délinquance, « on a l’impression d’être seuls quand l’un d’entre nous se fait agresser », venaient aussi interpeller la ministre.
La mue sera accompagnée par l’Etat au sein de l’INU
Suivre ses étude sur l’île, c’est un choix pour les étudiants, « s’il n’y avait pas eu de LAS à Mayotte, je serai partie en métropole », avec les risques d’échec consécutifs, « le taux de réussite pour un étudiant mahorais en métropole est de 10%, il est de 25% à Mayotte », rappelait Aurélien Siri. Il est de 40 à 60% en métropole en fonction des années. Le développement des filières sur place est donc un enjeu, souligné par Frédérique Vidal, « une étude montre que lorsqu’on quitte son territoire pendant 5 ans pour faire des études, on n’y revient pas. » Un pari gagnant puisque à Mayotte, 81% des diplômés ont un emploi.
Il va donc falloir investir, et beaucoup. Aurélien Siri chiffrait à 22 millions d’euros les investissements d’extension pour 2025 et à 7 millions d’euros pour 2030. « Nous avons besoin des moyens que vous pourrez dégager et de créations de poste », s’adressait-il à la ministre.
La pose de la première pierre qui suivait pour symboliser l’extension du CUFR d’un montant de 5 millions d’euros, donnait le « la » en matière de statut : « C’est important que l’Etat reste à vos côtés pour prendre en charge la masse salariale amenée à grossir, et pour financer les projets immobiliers à venir. C’est pourquoi le CUFR doit d’abord évoluer vers le statut d’Institut National Universitaire, une étape avant l’autonomie totale », annonçait la ministre en signant le 1er Contrat d’établissement, sur la période 2020-2025, qui n’avait pu se faire avant en raison de la crise sanitaire.
Une antenne du CROUS en 2023
Nous lui avons demandé des précisions sur ce sujet de la bascule vers un INU : « C’est la meilleure stratégie car c’est un peu tôt pour passer en université de plein exercice et détenir des compétences élargies. Les universités fonctionnent en autonomie. Elles touchent une subvention de la part des services publics, mais globale. C’est à dire que si elles créent 10 emplois, elles doivent diminuer d’autant d’autres charges de fonctionnement. Et étant donné votre croissance démographique, il va falloir recruter. Et il faut créer un vrai Campus. Pour supporter cela, il faut atteindre une masse critique, or ce n’est pas le cas du CUFR. D’ailleurs, tous les petits établissements en métropole sont en réalité sous tutelle du ministère. » Les finances devront suivre dans ce cas, car peu de montants ont été annoncés en rapport avec les besoins énoncés par le directeur du CUFR.
L’INU ne dépendra plus des universités partenaires pour la délivrance des diplômes, « dès le 1er janvier 2024, il devrait être en mesure de délivrer les siens ».
Une autre annonce de la ministre portait sur la création d’une antenne du CROUS à Mayotte « dès 2023 » : « Avec des emplois que nous affecterons spécifiquement à Mayotte. Le Centre régional des Œuvres universitaire va permettre de mettre en place un accompagnement social des étudiants mahorais, qui pourra accompagner les problématiques de transport, de logement, de sécurité, etc. »
Des projets de recherche seront financés à hauteur de 250.000 euros, « l’un sur la biodiversité du lagon et l’autre sur l’agroalimentaire pour des cultures plus frugales. »
Le CUFR, futur INU, n’oubliait pour autant pas ses origines en dévoilant une plaque commémorative à l’intention du 1er directeur de l’Institut de Formation des Maitres, Bacar Achiraf, récemment décédé.
Anne Perzo-Lafond