« Mayotte n’est pas un territoire délaissé de la République. Mayotte occupe une place de choix dans la politique gouvernementale ». La tribune du Monde salue l’événement organisé pour leur arrivée par le maire de Dembéni, Moudjibou Saïdi autour de la Marseillaise en français et en shimaore des scolaires de la commune, « Davantage que ce que nous pouvons entendre parfois en métropole ».
Le texte à la double signature ministérielle est publié alors que vient de sortir l’enquête de l’INSEE « Cadre de vie et sécurité » sur la victimation des habitants. Des maisons six fois plus cambriolées qu’en métropole, et des victimes de vols avec ou sans violences trois fois plus nombreuses, voilà qui doit donner des billes au ministre de l’Intérieur pour comprendre le vécu des habitants. Que Laurent Simonin Directeur territorial de la Police Nationale avait traduit à la mission sénatoriale sur la sécurité par « le niveau de délinquance ne permet pas aux habitants de l’île de mener une vie normale ».
Le ministre compte-t-il prendre les mesures à hauteur du constat ? Comme lors de sa venue, Gérald Darmanin rappelle ce qui a été fait, « depuis le début du quinquennat, prés de 400 effectifs de police et de gendarmerie sont venus en renfort. C’est plus que partout ailleurs sur le territoire national. » Normal, la délinquance y est de trois à six fois plus importante. Il ne s’agit pas de savoir ce qui a été fait, mais partir des besoins pour mettre en adéquations les moyens. Et ainsi de savoir si les 40 effectifs supplémentaires en force de l’ordre qu’il annonçait à Mayotte, et non repris dans la tribune, suffiront, où si la grande majorité sera encore une fois affectée à la lutte contre l’immigration clandestine. 1 million d’euros supplémentaires seront mis à la disposition des collectivités territoriales pour la vidéoprotection.
10 ans pour relooker le territoire
Avec Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin évoque la loi Mayotte, dont on a annoncé le report de l’examen à janvier 2022. Avec une bonne nouvelle : « L’une des mesures phares de ce projet de loi, qui sera présenté en début d’année 2022, est la création d’un établissement public pour le Grand Mayotte, chargé de l’aménagement du territoire ». Après l’Etablissement public foncier et d’Aménagement de Mayotte (EPFAM), un deuxième établissement va donc voir le jour, plus axé sur la coordination puisqu’il va « centraliser tous les grands projets pour mettre à niveau les infrastructures de l’archipel et les développer de manière cohérente ». Il sera « doté d’une capacité d’investissement », tout dépendra dans quelle proportion, et il s’appuiera sur les collectivités locales. Il a 10 ans pour faire changer le territoire, « jusqu’à 2031, date à laquelle nous fêterons les 20 ans de la départementalisation et qui se dessine comme une échéance raisonnable pour parachever ce processus. » C’est ce développement qui tirera le département vers le haut.
En matière de convergence sociale, le député Kamardine avait appelé à légiférer par ordonnance. Les ministres lui préfèrent une « Conférence sociale », qui servira d’instance de dialogue entre les partenaires sociaux, patrons et salariés devront se mettre d’accord sur un calendrier « réaliste, concerté et acceptable ». L’échéance de rattrapage semble toujours fixée à « l’horizon 2031 ».
Ne pas aller au plus facile en matière de prévention
Comme pour les moyens sécuritaires, la lutte contre l’immigration clandestine donne lieu à une bataille de chiffres. S’il peut paraître impressionnant à un lecteur parisien du Monde d’appendre que 50% des reconduites de France, c’est à Mayotte qu’elles se produisent, pendant qu’il lit ses lignes, des kwassa continuent à arriver. Saturant un peu plus le territoire. Une « surveillance aérienne pérenne », est annoncée pour 2022, et le durcissement de l’acquisition de la nationalité conditionnée à la présence en situation régulière d’un des parents d’un enfant dans l’année qui précède sa naissance, comme annoncée par Gérald Darmanin. Vraisemblablement soumis à la validation du conseil d’Etat, et après bilan d’impact de la mesure en cours des trois mois.
Toujours suivant leur position à l’issue de leur visite mahoraise, les deux ministres rappellent les parents à leur obligation, « Quand un enfant de 10 ans attaque un policier ou un gendarme, ce n’est pas la faute de l’Etat ni de ses agents. Chacun en conviendra ». Et confirment que dix millions d’euros seront consacrés à la prévention. Le risque de voir tous les œufs se retrouver dans le même panier du RSMA et de Mlézi Maore est grand. Si ces institutions doivent être dotées, il ne faut pas oublier les petites associations de quartier qui ont moins de frais de fonctionnement, doivent assurer des formations, et parviennent à des résultats concluants. On pense aux groupements de patrouilles dans les villages ou aux associations œuvrant dans l’insertion.
La publication d’une tribune dans La Monde annonçant vouloir « développer une vision pour Mayotte », a tout du panache à l’approche des échéances présidentielles, elle doit aussi servir à sonder les attentes et à peaufiner les réponses.
Anne Perzo-Lafond