Nous avions illustré la réussite de ce programme par l’interview de Nourdine Boinahery, plus jeune inspecteur des finances publiques de France.
Mis en place en 2018, le dispositif « Cadres d’avenir » a été décliné par la préfecture, en partenariat avec LADOM et l’association « Emanciper Mayotte ». Sélectionnant les étudiants ou professionnels en reprise d’études dotés d’un potentiel évident, il a pour objectif de les aider à s’adapter aux conditions très différentes de celles de Mayotte auxquelles ils ont à faire face en métropole ou à La Réunion où ils sont contraints d’aller se former. En effet, les autorités ont constaté que 93% des étudiants mahorais partis dans ces territoires échouaient leur première année, parfois même pour les meilleurs d’entre eux. Un constat que trop de personnes relient à un niveau scolaire particulièrement bas sur l’île au lagon, mais qui en réalité a des origines plus complexes et diverses. « Un étudiant mahorais qui se rend pour la première fois en métropole doit faire face à trois chocs qui peuvent l’entraver dans sa réussite : le choc administratif, le choc culturel et le choc climatique », a expliqué Jérôme Millet.
Le sous-préfet a ensuite détaillé la nature de ces chocs en évoquant notamment la difficulté aux quelle sont confrontés les étudiants pour trouver un logement, pour obtenir leurs droits en termes de sécurité sociale par exemple, mais également leur ignorance parfois des différences existant entre les systèmes métropolitains et mahorais en terme de transport notamment. « J’ai récemment eu vent d’une anecdote véridique à propos d’un étudiant mahorais qui a laissé sa première bourse entre les mains d’un chauffeur de taxi pour lui avoir demandé de faire le trajet Paris-Poitiers, ignorant le prix exorbitant d’une telle course », a expliqué le sous-préfet.
Une aide financière et un suivi psycho-pédagogique sous condition de retour
Afin de pallier ces problèmes et de contribuer à la réussite des talents mahorais hors des frontières de leur île, le dispositif sélectionne chaque année 30 étudiants ou professionnels en mobilité. « Nous leur dispensons une formation initiale avant leur départ pour leur expliquer comment cela va se passer là-bas. Ainsi, ils ont moins de surprises. », explique Manarssana Boina, la chargée de mission cohésion sociale au sein de la préfecture, qui pilote le dispositif. Ces étudiants sont évidemment boursiers (via LADOM), mais ils bénéficient surtout d’un suivi psycho-pédagogique. Un conseiller les appelle régulièrement pour leur demander à quelles difficultés ils se heurtent de manière à les aider à les résoudre au mieux. Ce suivi est psychologiquement important pour les étudiants mahorais qui, séparés de leur famille, se sentent souvent isolés d’autant plus avec les confinements qui ont eu cours ces dernières années.
Toutes ces facilités proposées ont cependant un coût : les étudiants bénéficient de la bourse de LADOM pendant une période de 5 ans maximum au terme desquels ils s’engagent à revenir à Mayotte pour y trouver un emploi. « En revanche, les étudiants qui se sont engagés dans des études plus longues, comme les étudiants en médecine par exemple, peuvent continuer à bénéficier de l’accompagnement psycho-pédagogique », précise Manarssara Boina. « Cadres d’avenir » est donc un moyen pour Mayotte non seulement d’aider ses jeunes talents, mais également de limiter la fuite des cerveaux dont notre île est malheureusement bien souvent victime.
Ce vendredi matin, une petite dizaine de jeunes diplômés se sont vu remettre leurs lettres de félicitation par Jérôme Millet. Ils correspondent à la première génération des étudiants du dispositif revenus à Mayotte avec un diplôme en poche pour aider à développer le territoire.
Nora Godeau