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Fraude au chômage partiel : un professeur condamné pour avoir « escroqué l’Etat »

Enseignant contractuel, président d'association, son épouse avait elle aussi un job à temps plein. Cela ne l'a pas empêché de la déclarer comme salariée pour qu'elle touche le chômage partiel, ainsi que des "bénévoles" de son association de Chiconi. Une gourmandise qui lui vaut 5000€ d'amende.

« Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise » dit l’adage populaire. Un autre moins littéraire dit qu’il ne vaut mieux « pas trop tirer sur la corde ». Un troisième, plus confidentiel : « vous êtes reconnu coupable de l’ensemble des faits qui vous sont reprochés ».

Des faits qui ont autant pesé que son attitude à la barre, dans la condamnation d’un enseignant à 5000€ d’amende ce mercredi au tribunal judiciaire pour « fraude » et « travail dissimulé ».

La procédure démarre quand, en 2020, ce président d’une association de Chiconi fait une demande de chômage partiel pour plusieurs salariés de son association, et pour son épouse qu’il dit salariée d’une entreprise commerciale localisée chez lui. Mais quand l’inspection du travail fait une descente à son domicile, également le siège de l’association et du prétendu magasin, rien ne va.
D’abord, les salariés qu’il affirme devoir indemniser pour cause de crise sanitaire ne sont pas inscrits. Son entreprise ne semble pas exister non plus : l’inspectrice du travail ne trouve aucune marchandise stockée, et le professeur est incapable de fournir des factures ou bons de commande prouvant qu’il ait à quelque moment acheté des produits à revendre. Les soupçons d’emplois fictifs se multiplient. Cerise sur le gâteau, l’homme se déclare salarié de l’association dont il est le président, ce qui est illégal. La Dieccte prévient l’intéressé et le somme de se mettre en règle. L’homme déclare alors deux salariés pour une embauche fin septembre 2020. Mais là encore, il y a un problème de taille puisque sa demande de chômage partiel court durant les mois précédent leur embauche officielle.

Désormais persuadée d’avoir affaire à une belle fraude au chômage partiel en pleine pandémie, l’inspection du travail saisit le procureur qui voit dans l’affaire « une escroquerie savamment organisée ».

A la barre, l’homme s’empêtre dans ses contradiction. Il affirme d’abord que les salariés sont « des bénévoles », finit par reconnaître une embauche dès le mois de février 2020 qu’il avait « oublié » de déclarer, mais ne parvient pas à expliquer pourquoi il recrute son épouse, par ailleurs salariés à temps plein, sinon pour lui faire bénéficier d’un chômage partiel dont elle bénéficiait « sûrement déjà » au titre de son autre emploi, énumère le substitut du procureur en substance.

« Activité fictive »

Il ne parvient pas non plus à expliquer pourquoi et comment un professeur, investi dans le milieu associatif, parvient à créer une société de commerce. « Je suis sur que vous n’avez pas le droit de faire un autre job que celui pour lequel vous êtes payé. Si j’étais le recteur je ferais les gros yeux, je me dirais que monsieur se disperse » ironise le président Ben Kemoun. Le prévenu botte en touche, il en revient à son association et tente de faire oublier l’entreprise commerciale qu’il a déclarée, assurant que « ce n’est pas du business ». Il tente aussi, en vain, le chantage affectif. « Si aujourd’hui je dois fermer l’association c’est dommage” lance-t-il à l’adresse du président, qui répond du tac-au-tac :  “personne ne vous parle de ça, vous faîtes votre cinéma tout seul”. Le débat portait alors bien sur l’entreprise supposément fictive, non sur l’activité de l’association.

Laurent Ben Kemoun

Pour le substitut Folliet, l’explication se résume ainsi : « La Dieccte a constaté que l’activité commerciale est fictive, elle s’est aussi a perçu que dans l’association des personnes travaillent sans fiche de salaire et sans déclarations d’embauche ». Et le substitut d’enfoncer le clou : « Ce qui me dérange aussi c’est qu’on n’hésite pas en pleine pandémie à réclamer à l’Etat une indemnisation alors qu’il n’y a pas d’activité en tant que telle. Je trouve scandaleux la situation de madame qui est salariée à temps plein par ailleurs, et M. se permet de faire la même demande pour une activité qui n’existe pas. L’argent public doit servir à d’autres causes, pas aux intérêts privés et cupides. Monsieur continue à parler de légitimité, se dit lésé et prétend faire une œuvre de salut public. On ne fait pas œuvre de salut public en escroquant l’Etat. » Sa demande d’une amende de 5000€ emportera la faveur des trois juges. Une forme de clémence qui tient compte du remboursement quasi-intégral des quelque 8000€ indûment versés au couple depuis le début de la procédure.

Y.D.

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