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Mamoudzou

BTP : des dizaines de chantiers pour un secteur florissant

La crise ? Quelle crise ? S'il est un secteur qui ne va pas manquer d'activité durant les prochaines décennies à Mayotte, c'est bien le BTP. Malgré un manque de personnel qualifié que la formation professionnelle doit résorber sous peu, les chantiers se multiplient, pour répondre à la commande publique comme aux besoins en logements. Petit tour d'horizon des projets en cours.

La liste ne saurait être exhaustive tant les chantiers en cours ou à venir sont nombreux. En citer quelques uns suffit à se faire une idée de l’ampleur de la tâche à accomplir pour faire face aux besoins de Mayotte. Manque d’écoles, de logements, d’infrastructures, autant de défis à relever en un temps record. A titre d’exemple, la seule échéance des jeux des Iles de 2027, qui nécessitera de nombreux équipements sportifs, donne le tournis.

Pour rassurer les étudiants en DEUST BTP qui commencent leur formation (voir dans notre édition de ce jour), divers projets ont été présentés. Et le message est simple : il y a du travail pour les 10 à 20 ans qui viennent au moins.

Objectif jeux des îles

Premier propriétaire terrien de l’île, le Conseil départemental a de grandes ambitions immobilières. M. Mohamed Ali, de la direction des services techniques, distingue « 2 aspects : les bâtiments et les équipements sportifs ».  « On a pour objectif 2027 pour les Jeux des Îles » commence le responsable administratif. Pour ce faire, des projets pharaoniques sont évoqués. « Une salle polyvalente sera située à Ouangani, ce gymnase aura la forme d’une aréna et pourra accueillir 5500 personnes pour des événements sportifs mais aussi des congrès ou des expositions. C’est un programme évalué à 27 millions d’euros qui devrait être livré en 2026″. Egalement évoqués, un Dojo, un stade olympique, un gymnase de 1000 places… le tout avec des livraisons espérées en 2024-2025 et jusque fin 2025 au plus tard. Quant au gymnase de Mtsangamouji, il est prévu « en partenariat avec le rectorat pour le lycée qui sera bâti juste derrière ». Sans oublier une piscine. « Nous avons une programmation ambitieuse, notre souhait c’est de prendre des entreprises qui tiennent les délais de livraison, on sait qu’on a une grosse pénurie de main d’œuvre mais aussi de matériaux » tempère le responsable. Ironie du sort, le Département avait prévu pour l’accueil de cette réunion du café. Attendu à 9h pour l’accueil, retardé « en raison d’un problème technique » et « promis, à 10 heures au plus tard », le café est arrivé à 11h30, en même temps que le repas de la pause méridienne. Toutes proportions gardées si les chantiers suivent le même schéma, les stades des Jeux des îles pourraient avoir des allures de patinoire politique.

Le Département investit aussi dans ses infrastructures. Deux vastes bâtiments administratifs d’une capacité de 600 agents chacun sont prévus à Mamoudzou et Ouangani. « Nous avons le centre de formation maritime qui sera situé en Petite Terre à côté de la station Total » avec un internat ouvert aux étudiants de la région, poursuit le responsable. « Il y a l’aspect sportif, le médico social à développer, il y a toute une programmation qui nous mène à 2030 et même au delà » conclut-il.

Des écoles à foison

Autre grand demandeur en foncier bâti, le rectorat. La démographie impose la construction d’une classe par jour. Des écoles doivent donc fleurir, et c’est là aussi une manne pour les entreprises locales. Ainsi « Le lycée de Dzoumonie devrait être le plus cher jamais construit en France » nous indique-t-on. Une synergie est à l’oeuvre entre les constructeurs, le rectorat et le Département pour faire bénéficier aux élèves des structures sportives évoquées ci-dessus.

Dans le privé aussi

Les multiples projets de la SIM, avec 6000 logements prévus en 10 ans, sont un défi en soi.

La commande publique est donc une source quasiment inépuisable de travail pour les entreprises du BTP, mais celles-ci ont aussi fort à faire avec les attentes du secteur privé, en premier lieu desquelles, le logement.

La SIM, société immobilière de Mayotte s’est en effet fixé un objectif étourdissant de 5000 logements en 10 ans. Budget total : 117 millions d’euros. Et la tâche est ardue.

« 117 millions d’euros ça ne tombe pas du ciel, indique un des responsables présents à ce séminaire d’intégration des étudiants en BTM. « Il y a tout une part du travail qui est de l’ingénierie financière, avant de loger les gens il faut une phase de simulation pour comprendre les équilibres à venir. Il ne suffit pas de construire, il faut ensuite exploiter pendant plusieurs années afin de rembourser le banquer grâce aux loyers. On fait donc des simulations, on présente l’opération à nos instances et ça passe en conseil d’administration. Ensuite l’aventure démarre. La part LBU (ligne budgétaire unique) peut représenter 20 à 25% pour le logement social, les services fiscaux financent une partie en crédits d’impôts (25 à 40%), et une grosse partie vient de la caisse des dépôts via des prêts spécifiques adossés sur le livret A, sur des durées de 40 à 60 ans. C’est prévu pour le logement social. On travaille aussi avec des banques commerciales pour les logements non sociaux. »

La SIM investit plus de 100 millions d’euros dans des logements, sociaux ou non.

Et les chantiers là aussi, sont légion. « Après une première année, on est à 624 permis de construire, et 606 logements mis en chantier » indique la SIM. Rien que dans la zone du Soleil Levant (Hauts Vallons) on peut citer les projets JUWA, 176 logements, 19 millions d’euros investis. Juste à côté, le projet NYORA,  10 millions d’euros d’investissement pour 39 logements sociaux. Projet BILIMBIS à Cavani, , 36 logements sociaux pour 7 millions d’investissement. Sans oublier « MARZOUKOU, la plus grosse opération de la SIM, 237 logements sociaux, à Labattoir. 117 logements devraient être livrés en septembre ou octobre, le reste fin 2022 ». Et puis il y a Iloni, 56 logements sociaux, Combani, 26 logements sociaux, Koungou, 108 logements, et 13 autres à Kahani…  « Les gens sont demandeurs, on a déjà beaucoup de demandes et on n’arrive pas à satisfaire tout le monde » indique malgré tout le bailleur qui investit dans la quantité mais aussi dans la qualité du cadre de vie. « On pense au respect de la végétalisation, on adapte nos bâtiments au milieu pour garder les arbres historiques. Ca coûte un peu plus cher » concède ce cadre qui cite les projets en cours à Mamoudzou (rue de l’Internet) ou Passamaïnty au dessus du collège, où un bidonville a dû être rasé, mais où le manguier historique a pu être sauvé.

Bientôt la guerre des bouchons ?

Sans parler des autres commandes que reçoit la SIM. « On a une variété de produits à proposer sur tout le territoire, car les gens se plaignent que tout se condense à Mamoudzou. On cible les communes où il y a des demandes pour répondre aux besoins en logements ou en locaux d’activité, La Poste et Pole Emploi nous sollicitent notamment pour offrir des locaux de service ».

Autant dire que le béton va pousser plus vite que les manguiers dans les années à venir. Avec une crainte évoquée à demi-mot par des professionnels : celle d’un engorgement des capacités de l’île à absorber toute cette activité. Car au manque de personnel s’ajoutent des limites en termes de routes, de matériaux et de machines spécialisées. Et l’on peine à imaginer comment le Département pourra tenir ses délais pour 2027 si les gros acteurs sont mobilisés sur la piste longue, le logement et les écoles en même temps.

Difficile aussi de faire passer tous les camions et engins de chantier sur une unique nationale déjà engorgée bien au delà des seules heures de pointe, surtout si celle-ci est en chantier pour le Caribus, dont les travaux ont été promis pour cette fin d’année. Alors que la volonté politique et les financements semblent bien se dégripper, c’est finalement à Mayotte (et non à Maurice) que la multiplication des chantiers pourrait pousser les bouchons… un peu trop loin.

Y.D.

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