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« On impose des règles mais ils ne nous écoutent pas ». Derrière les violences sexuelles, la question de la parentalité

Ce mardi, des adolescents et leurs parents étaient convoqués au collège de Passamaïnty pour échanger sur les violences sexuelles. Ces jeunes, mis en cause pour des "gestes déplacés" ont des parents qui se disent "dépassés", avec pour eux-mêmes des notions de consentement à 1000 lieues de ce que dit la loi. Les tables rondes de l'Acfav ont permis de mettre des mots sur ces notions encore taboues.

Encore une journée au collège pour l’Association de lutte contre les violences faites aux femmes et d’aide aux victimes Acfav. Ce mardi matin, des tables rondes étaient organisées avec des élèves auteurs de « gestes déplacés » sur des camarades du collège. Le midi, ce sont leurs parents qui étaient reçus. Pour ceux qui ont fait le déplacement, c’était une occasion en or d’échanger, de confier leurs difficultés, et de chercher des solutions quand l’enfant « n’écoute pas ». Mais aussi de remettre en perspective leurs propres certitudes sur le droit des femmes à disposer de leur corps.

En quelques heures, bien du chemin a été parcouru. En participant à des saynètes dans lesquelles ils jouaient les victimes d’attouchements, les adolescents ont exprimé leur malaise, et mis le doigt sur la notion d’empathie. « Ça m’a fait quelque chose car si c’était ma sœur, je ne voudrais pas que quelqu’un la touche », exprimait un élève de troisième. « Alors maintenant si je vois quelqu’un qui touche une fille sans son accord au collège, je dirai quelque chose » promet-il.

« Le matin c’était la présentation aux élèves de l’intervention qui consiste à parler des comportements “déplacés”, entre guillemets, pour qu’ils comprennent qu’il y a des choses qu’on ne peut pas faire, comme toucher les fesses ou un baiser forcé, plaquer quelqu’un qui n’en a pas envie… ça peut aller très loin. Cela s’inscrit dans la campagne de lutte contre les violences sexuelles. On rappelle qu’il y a des codes à l’intérieur de l’établissement mais aussi à l’extérieur, ce sont des règles de vies » explique Malika Bouti, de l’Acfav.

A l’issue de cette matinée, « un peu comme un mot de passe ils ont eu un petit mot à dire sur l’intervention, comme “je ne dois pas toucher les parties intimes », « les victimes se sentent parfois mal il faut les aider », ou encore « l’auteur doit se sentir mal et doit s’excuser ».

De la sexualité à la parentalité

L’après-midi était donc consacrée aux parents. Une quinzaine étaient convoqués, moins de la moitié sont venus. Mais les échanges ont été nourris. Car si de prime abord il y avait un consensus sur le fait que « non c’est non » et qu’il faut « respecter », un débat s’est vite installé sur le droit des femmes dans le couple.

« Si c’est le mari qui demande on n’a pas le droit de dire non, estime une maman. Moi je suis musulmane et on nous apprend qu’on ne peut pas dire non, je ne saurais pas quoi répondre. » La sœur d’un collégien convoqué abonde en ce sens. « Moi dans la religion on m’a appris que si je veux aller au paradis je dois subir la violence, même si je suis pas consentante, parce que je veux pas aller en enfer. Ca va être difficile d’enlever cette idée ». Même si, poursuit la même jeune femme, « ce n’est pas le Prophète qui a dit ça, hein, mais des gens qui veulent qu’on le croie. »

Pour la plupart des participants, élèves compris, le viol conjugal est moins grave qu’un autre. La loi dit pourtant le contraire, portant à 20 années de réclusion le viol sur conjoint(e), concubin(e) ou partenaire de PACS.

Des notions difficiles à traduire ?

De quoi renvoyer aux adolescents en pleine construction une image biaisée du consentement dont on leur parle au collège, alors même qu’il apparaissait difficile lors de la table ronde de traduire en shimaore l’expression « violence sexuelle ». Raison sans doute pour laquelle plusieurs parents n’avaient pas bien compris pour quoi ils étaient convoqués.

En revanche ce qui est ressorti assez vite des échanges, c’est l’importance de leur place de parents dans l’éducation, et les difficultés communes que certains rencontrent. « J’ai 3 filles et 2 garçons mais le 2e garçon ne m’écoute pas », se plaint une maman. « Le premier n’était pas comme ça, mais lui il a changé, ça ne va pas avec lui, si je lui dis de ne pas sortir il attend que je sois dans une autre chambre et quand je reviens il est sorti et va jouer dehors avec ses amis. Ça me dépasse. »

Malika Bouti, de l’Acfav

Une autre s’inquiète des fréquentations de son garçon, qui passe du temps dehors avec ses copains à Vahibé. « Dehors ils ne vont pas forcément jouer, mais peut être entrer dans un champ pour voler, fumer et même élever des chiens, c’est pour ça qu’on ne veut pas que nos enfants restent dehors. Dans notre quartier on voit même des gens donner de la drogue à leur chien » s’alarme-t-elle, rejointe par une autre maman. « Un adolescent a le droit de jouer mais pas trop, sinon il reste dehors jusqu’à 21h, 22h, ce n’est pas bien de rester dehors jusqu’à cette heure là. On impose des règles mais ils ne nous écoutent pas ».

Au final, l’Acfav aura animé davantage un débat sur la parentalité que sur les violences sexuelles, mais celui-ci n’aura pas été stérile : des notions comme le consentement, le droit à disposer de son corps ou encore le respect de l’autorité de la mère ont pu être abordées en profondeur.

Une première piste d’aide a été rappelée aux parents présents : « n’hésitez pas à venir ici [au collège NDLR] quand vous le voulez, pour le conseil des parents ou pour voir l’équipe éducative, on est là pour ça » concluait l’enseignante Lydia Barnéoud. « N’attendez pas les rencontres parents-professeurs, vous pouvez venir autant de fois que vous le souhaitez. »

Y.D.

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