En 2013, l’Etat et le conseil départemental constatent que seuls 5% de la surface de Mayotte étaient encore couverts de forêts primaire, c’est à dire qui n’ont jamais connu l’intervention de l’homme au cours de leur histoire. Et en 2016, la crise de l’eau mettait l’accent sur l’urgence de protéger le couvert forestier autour des rivières notamment. Décision était prise alors de créer une réserve naturelle à Mayotte. Une large concertation s’en est suivie portant sur une superficie de 2.800 ha, soit 7,5% de la superficie de l’île, couvrant la moitié des forêts domaniale (Etat) et du département.
Pour aboutir ce lundi 3 mai à la publication d’un décret donnant naissance à cette réserve naturelle, la 2ème de Mayotte après l’îlot M’Bouzi, mais la plus grande. Répartie sur 6 massifs difficiles d’accès, elle poursuit l’objectif de protéger ces îlots naturels de forêts dites « naturelles » et de protéger les forêts secondaires en périphérie. Les parcelles sont réparties sur 13 communes*.
11 agents supplémentaires
Le classement du massif en réserve naturelle nationale vise à préserver le capital écologique qualifié d’ « exceptionnel », de ces forêts, mais également à la protection de la faune terrestre, comme par exemple les roussettes, des chauves-souris insectivores ou le lémurien brun. Car l’utilisation de ces pans de forêt est strictement règlementée, comme le précise l’arrêté dans les articles 5 et suivants : il est interdit de déranger ou de nourrir les animaux y vivant, d’y pénétrer avec des animaux domestiques tels que des chiens, de prélever ou d’introduire des végétaux, de déposer des déchets, de faire des feux, de camper, d’y pratiquer des activités agricoles, pastorales, commerciales ou industrielles, etc. Il est interdit aux aéronefs de survoler la réserve naturelle à une hauteur inférieure à 300 mètres au-dessus du point le plus haut de la ligne de crêtes. Sont autorisés la circulation des piétons, des cyclistes ou des cavaliers sur les chemins balisés. Certaines interdictions peuvent être levées sur dérogation préfectorale. Consulter le Décret Réserve naturelle
Mais comment les faire respecter à Mayotte où les brûlis perdurent chaque année au printemps austral. Même si les 6 zones sont annoncées comme « difficilement accessibles », elles sont disséminées aux quatre coins du territoire, rendant leur surveillance difficile. Les défrichements ne sont pas les seules attaques, « il y a aussi le pâturage de zébu, le prélèvement de produits forestiers non ligneux, et les dégradations », nous rapporte Dominique Paget, le tout nouveau directeur de l’Office National des Forêts (ONF) de Mayotte.
Il annonce que ce classement attendu devrait à ce titre, fournir davantage de moyens: « La réserve naturelle va être dotée d’une structure gestionnaire. Nous sommes en discussion avec le conseil départemental pour la mettre en place, puisqu’elle intègrera les services de l’Etat, les services départementaux et l’ONF. Elle aura à sa disposition un budget de 450.000 euros par an, pour recruter, former et équiper des agents à temps plein pour une mission de surveillance. Ce sont 11 postes à temps plein qui vont être créés, qui s’ajouteront aux agents déjà en poste à la DAAF, au conseil départemental et à l’ONF. » Le Fonds européen FEADER a été mobilisé pour la réalisation du dossier de consultation et l’enquête publique à hauteur de 45.000 euros.
Lorsqu’il a annoncé la nouvelle tant attendue de la création de la réserve naturelle ce mardi soir, le ministre des outre-mer a également rappelé qu’un ambitieux plan de reboisement des bassins versants de Mayotte par le Conseil départemental de Mayotte et l’Office national des forêts est engagé en commençant par 150 ha d’ici 2023, « permettant d’économiser près de 700.000 m3 d’eau dans les rivières en saison sèche ».
Une bonne nouvelle en tout cas pour le Drongo de Mayotte, espèce protégée et classée vulnérable par l’UICN.
Anne Perzo-Lafond
* Acoua, Bandraboua, Bandrélé, Chiconi, Chirongui, Dembéni, Kani Keli, Koungou, Mamoudzou, M’Tsamboro, Ouangani, Sada, Tsingoni