Un an et demi après, l’incendie de Tsoundzou 2 arrive au tribunal. Renvoyée au 17 juin à la demande d’une partie des avocats, l’affaire mérite toutefois qu’on s’y attarde.
Le premier mai 2018, un violent incendie éclatait à l’aube dans une maison de Tsoundzou 2, non loin de la Guinguette. Les deux habitants y avaient perdu la vie. Selon le dossier transmis à la Justice, le feu avait pris au rez-de-chaussée, occupée par un enseignant. Ce dernier aurait pu s’endormir avec une cigarette. Un garagiste qui occupait l’étage ne s’est rendu compte du sinistre que trop tard, piégé par les flammes, coincé à l’intérieur par des barreaux anti-intrusion soudés aux fenêtres, il n’a pu être sauvé malgré les tentatives de ses voisins de lui porter secours.
Après l’incendie, une succession de circonstances a été soulevée. Le voisinage avait notamment reproché le délai d’intervention des pompiers. Mais le dossier montre aussi que ces derniers n’étaient pas équipés pour faire face à un tel feu de maison. « Ils n’étaient pas équipés d’une hache pour entrer et sauver l’homme à l’étage, ils n’avaient pas non plus l’équipement nécessaire pour pomper l’eau des piscines du quartier, et le camion s’est vite retrouvé à court d’eau » déplore Me Marius Rakotonirina l’avocat réunionnais du propriétaire du logement.
L’obligation d’installer un détecteur de fumée au centre des poursuites
Ce qui nous mène au deuxième volet de cette affaire, celui qui a été judiciarisé. L’enquête menée par le parquet de Mamoudzou a conclu à une double responsabilité potentielle, sur laquelle le tribunal devra se pencher dans six mois. Il s’agira de juger le propriétaire de la maison, et l’Agence de l’île en charge de la gestion de ce patrimoine au moment du sinistre. Tous deux sont poursuivis pour homicide involontaire par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence ». Ce chef de poursuites s’appuie sur la loi Alur de 2014 et sur un décret paru en 2015, qui rendent obligatoire l’installation d’un détecteur de fumée dans tout logement mis en location, y compris à Mayotte. En l’absence de ce dispositif, qui manquait semble-t-il dans le logement incendié, le propriétaire peut être tenu personnellement responsable des décès éventuels. Depuis 2014, c’est le propriétaire qui doit installer ce dispositif.
Si ce procès est si particulier, c’est aussi parce que c’est seulement la deuxième fois en France qu’un propriétaire est ainsi poursuivi. A Cahors en mai dernier, un autre bailleur a été reconnu coupable d’homicide involontaire et condamné à six mois de prison avec sursis, 3 000 € d’amende et 25 000 € de dommages et intérêts pour un incendie ayant causé la mort d’un habitant. Là encore, l’absence de détecteur de fumée était pointée du doigt. Cette fois, le procureur a fait le choix de poursuites doubles, laissant le soin aux juges de trancher sur la responsabilité, entre le propriétaire et l’agence chargée de gérer le logement. Réponse en juin prochain.
Y.D.