L’un est plus timide. L’autre, plus assuré. Tous parlent bien français, sont insérés, ont fait des études et ne manquent pas de projet dans la vie. « Pas le profil de jeunes qu’on s’attend à retrouver au tribunal » note le procureur. Preuve que les violences dépassent les clivages sociaux et éducatifs. Les quatre jeunes hommes à la barre sont de Pamandzi. Ils disent tous « regretter » les violences de 2018 qui les ont amené à lyncher un jeune de 14 ans, d’une bande de Labattoir. Ce jour-là, ils voulaient venger leur chef, menacé et agressé près du collège de Pamandzi. En les voyant arriver, les mineurs de Labattoir s’enfuient, mais l’un d’eux court moins vite, ils le rattrapent. « On ne voulait pas le frapper au début, mais comme il s’est enfuit… » explique maladroitement un des prévenus. A la barre, tous les quatre reconnaissent « un coup de poing » pour l’un, « deux coups » pour l’autre. Une manière de minimiser ce qui s’apparente plutôt à une pluie de coups, qui laissera le garçon inconscient sur le pavé. En revanche, tous nient l’usage d’armes qu’ils avaient pourtant reconnu en garde à vue. Le meneur, qui a demandé à ses copains de venir le venger, était porteur d’un marteau. Un autre avait reconnu un coup avec un casque de mobylette, et un troisième avait utilisé sa sacoche lestée, une arme improvisée fréquente dans ces rixes à répétition. « On n’est pas passé loin de vous retrouver en cour d’Assises » déplore le procureur, pédagogue. Ce qui a mis fin aux violences, ce n’est d’ailleurs pas la crainte de tuer, mais l’intervention d’un riverain chez qui s’était réfugié un autre des jeunes pourchassés, et qui est sorti de chez lui un fusil à pompe à la main. Il lui faudra même tirer en l’air pour disperser les assaillants.
« Une meute de loups »
Pour la partie civile, Me Baudry dénonce quant à elle « une meute de loups armés » qui se fait passer à la barre « pour des adolescents désolés ». Elle rappelle que si les auteurs ont eu le temps de réfléchir à leurs actes, pour la victime, ce sont encore des maux de crâne quotidiens, et une invalidité permanente qui n’est pas encore exclue. Le procureur lui pointe les « vengeances sans fin pour des motifs futiles ». Soucieux de ne pas « porter préjudice à leur avenir » alors que les jeunes sortent d’école et n’ont pas été de nouveau inquiétés depuis par la justice, il réclame des peines d’avertissement : 10 mois de prison avec sursis pour le meneur, 8 mois avec sursis pour les autres.
Le président Ben Kemoun lui, l’entendait autrement. Sans doute n’a-t-il pas ignoré les remarques des jeunes en fin d’audience, qui estimaient qu’on leur « impose un couvre-feu » et affirment qu’ils voient la victime « souvent le soir dans la rue ». Sans doute a-t-il lui aussi interprété ces commentaires comme un aveu de participation aux rixes récentes. Sans doute enfin a-t-il voulu que la peine soit proportionnée aux faits, et envoie un message aux autres protagonistes de ces violences infernales. Pour le meneur du groupe, il prononce 6 mois ferme. Les trois autres ont accepté 210 heures (soit 6 semaines) de travaux d’intérêt général comme peine alternative. Au moindre manquement, ce sera 4 mois de prison chacun.
Y.D.